Les défis de la transition énergétique allemande

La catastrophe de Fukushima en mars 2011 a précipité l’Allemagne dans une transition énergétique radicale (Energiewende) dont le principal objectif est la sortie du nucléaire et le développement des Energies renouvelables (ENR).Coup de projecteur sur le pari énergétique de nos voisins d’Outre-Rhin. 

Le débat sur l’efficacité énergétique en Allemagne n’est pas nouveau mais le 14 mars 2011, soit 3 jours après l’évènement japonais, il prend une nouvelle tournure : la Chancelière Angela Merkel annonce l’arrêt immédiat de 8 réacteurs nucléaires et fait basculer l’Allemagne dans une transition énergétique ambitieuse organisée autour de 5 objectifs volontaristes à horizon 2022 et 2050. 

Le premier est la sortie du nucléaire qui représente 19% de la production. Initialement prévue pour 2036, elle a été avancée à 2011 pour 8 réacteurs (70TWh) et programmée à 2022 pour les 9 autres (110TWh). L’énergie nucléaire sera remplacée progressivement par le développement des ENR qui devront représenter 35% de la production en 2020 et 80% en 2050.

La troisième mesure est la réduction des émissions de GES de 40% à horizon 2020, 55% pour 2030 et de 80-95% pour 2050 par rapport au niveau de 1990. Même si des efforts ont déjà porté leurs fruits, un Allemand émet toujours plus de CO2 qu’un Français, 9 tonnes contre 5,8 tonnes par an. L’Allemagne a également prévu de réduire sa consommation d’énergie  de 20% d’ici à 2020 et 80% pour 2050 par rapport à 2008, ainsi que intensité énergétique  de 2,1% par an déjà plus basse que l’intensité énergétique française (151 kilo équivalent pétrole pour 1.000 euros de PIB contre 164 en France). 

Ces objectifs cohérents sur le papier, sont surtout interdépendants. Il est clair que le succès de l’Energiewende viendra de la capacité de l’Allemagne à relever de nombreux défis, trop nombreux pour en dresser une liste exhaustive ici ; nous en avons sélectionné quelques uns pour vous.

La restructuration nécessaire du réseau électrique

Avec la production d’énergie au Nord, et la principale région de consommation d’énergie au sud, l’Allemagne devra se doter d’environ 3800 km de nouvelles lignes de transport à haute tension (THT) et moderniser 4000 km de lignes existantes. Les quatre gestionnaires de réseaux de transport estiment le coût du chantier à 20 milliards d’€, auxquels il faut ajouter 12 milliards d’€ pour le raccordement de l’éolien marin. Face aux coûts et à l’incompréhension des habitants des régions « transitoires » comme le Land de Thuringe par lequel passera les lignes THT sans s’y arrêter, le gouvernement a simplifié et raccourci la durée des procédures pour la construction des lignes. La coopération entre les acteurs locaux et nationaux est une condition nécessaire au succès de ce défi.

La compensation de l’énergie nucléaire par les ENR ne sera pas immédiate

L’Allemagne sait que les ENR intermittentes ne pourront pas compenser l’arrêt du nucléaire en 2022 et qu’un recours aux énergies fossiles est incontournable pour assurer la transition. Le ministre de l’Environnement, Peter Altmaier, exclut une baisse de plus de 10% de la consommation d’énergie avant 2020 d’autant que des efforts importants ont déjà été réalisés par la remise à niveau des anciens équipements énergivores de l’ex-RDA. Il faudra donc construire de nouvelles centrales thermiques à flamme (lignite, charbon ou gaz) et augmenter momentanément les émissions de CO2.

Les difficultés de développement et de stockage de l’énergie des ENR

Les ENR représentent 25% de la production d’énergie mais pourtant 38,2% de la puissance installée. Cet écart provient des difficultés rencontrées dans leur développement : les vents ne sont pas particulièrement favorables pour l’éolien ; la politique de tarifs d’achat élevés, la concurrence chinoise et le faible ensoleillement nuisent à l’efficacité du solaire photovoltaïque. Quant à la capacité hydraulique, elle est presque saturée. Les ENR emploient pourtant près de 370.000 personnes en 2010 et Berlin mise sur le développement de l’éolien marin pour atteindre un objectif de 407 000 emplois d’ici 2020. Le deuxième défi du développement des ENR est le stockage de l’énergie : les éoliennes subissent des arrêts forcés parce que l’énergie qu’elles produisent ne peut être ni consommée sur place, ni stockée, ni transportée vers un autre lieu de consommation en raison de congestions sur le réseau électrique. Le gouvernement encourage donc les recherches sur les technologies de stockage qui sont suivies par toute la communauté énergétique mondiale.

 

L’Allemagne est le premier pays européen à prendre un tel virage en matière énergétique. Si l’Energiewende se solde par un succès, le pays sera à la fois en position d’indépendance énergétique et d’avance technologique en matière d’ENR, de stockage ou encore de smart grids. Pas de doute sur la volonté des Allemands à poursuivre leurs efforts mais les défis politiques et humains seront sans doute aussi nombreux et difficiles que les défis techniques.

7 thoughts on “Les défis de la transition énergétique allemande

  1. Article de haut niveau; exposé de la problématique et des enjeux autour des orientations extrêmement clair ; éclairage parfait sur les perspectives.

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