Bilan électrique 2014 : la transition énergétique c’est maintenant !

Le projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte, qui sera de retour le 10 mars en commission mixte paritaire, focalise les attentes et souffre de nombreuses critiques. Pourtant, la transition énergétique n’attend pas la publication de la loi au Journal Officiel, elle est déjà en marche, comme le démontre de manière très factuelle le bilan électrique 2014 de RTE. Passage en revue en 4 points clés.

La stabilisation de la consommation métropolitaine se confirme

Les Français (métropolitains) ont consommé quelque 465,3 TWh d’électricité en 2014. C’est 6% de moins qu’en 2013 et ce niveau n’a jamais été aussi bas depuis 2002. La principale raison de cette sobriété électrique est à chercher du côté des températures, bien évidemment : celles-ci ont été supérieures de 0,5°C aux températures de référence tout au long de l’année, et les épisodes rigoureux ont été rares. La douceur des températures explique aussi la pointe de consommation limitée à une puissance de 82 GW, du jamais vu depuis 2004. RTE confirme toutefois la très forte thermosensibilité de la consommation électrique française, qui demeure de 2400 MW/°C en hiver[i].

Corrigées de l’aléa climatique, les consommations ne sont plus en baisse que de 0,4%[ii]. La tendance à la stabilisation de la consommation est donc constatée pour la quatrième année consécutive, après des décennies de hausse. Dans le détail, la consommation tend à se stabiliser chez les industriels (raccordés au réseau RTE), après plusieurs années de baisse, tandis qu’elle baisse pour la première fois (de 0,5%) chez les particuliers et les PME (raccordés au réseau ERDF). RTE souligne que le premier facteur d’influence reste le contexte économique, avant les mesures d’efficacité énergétique.

A l’échelle européenne, RTE observe une stagnation de la consommation électrique, voire une régression dans chez certains voisins : -4% en Allemagne, -2% en Italie et en Suisse[iii].

Les énergies fossiles s’effacent devant les renouvelables

Le parc électrique français s’est agrandi de 600 MW en 2014 et évolue en faveur des énergies renouvelables : 1300 MW de moyens de production thermique fossile se sont retirés, tandis que 1900 MW de production renouvelable ont vu le jour. La croissance des parcs éolien et photovoltaïque repart à la hausse après deux à trois années consécutives de baisse.

La production annuelle s’établit à 540,6 TWh, en légère baisse par rapport à 2013. Dans le détail, la production à partir de capacités thermiques fossiles marque fortement le pas, avec une baisse de 40%. En tant que capacités d’appoint, elles ont été peu sollicitées[iv] grâce -outre la douceur des températures- à la bonne disponibilité des centrales hydroélectriques et nucléaires ainsi qu’à la progression des productions renouvelables. La part de ces dernières dans la consommation d’électricité atteint un nouveau record : 19,5%.[v]. « Sur plus de la moitié de l’année, la production mensuelle issue des sources d’énergies renouvelables hors hydraulique est supérieure à la production des centrales thermiques à combustible fossile » détaille le rapport.

Résultat, les émissions liées à la génération d’électricité diminuent fortement

En 2014, les émissions de C02 liées au secteur électrique s’établissent à 19MteqCO2. Ce niveau représente une diminution exceptionnelle de 40% par rapport à 2013 et fait suite à plusieurs années de stagnation autour de 30-35MteqCO2. Cette baisse tient au moindre recours aux moyens de production fossiles, ainsi qu’à l’évolution du parc de production vers les énergies renouvelables. Le rééquilibrage des énergies thermiques fossiles du charbon vers le gaz, moins émetteur de CO2, contribue aussi à la diminution des émissions. L’enjeu est désormais de poursuivre dans cette voie les prochaines années, malgré des conditions météorologiques potentiellement moins favorables, grâce aux énergies renouvelables, aux échanges transfrontaliers, aux rénovations thermiques ou encore au mécanisme d’effacement.

Le réseau évolue pour favoriser la transition énergétique

En cens, RTE accroit ses investissements dans le réseau de transport, portés à 1,5 milliards d’euros en 2014. Ceux-ci « s’inscrivent dans un contexte de besoins croissants dans les années à venir pour répondre aux enjeux de la transition énergétique », et portent sur différents axes :

  • l’accueil de nouvelles productions ENR : 6 GW d’énergie marine renouvelable devront être accueillis sur le réseau de transport à l’horizon 2020, en plus de l’ajout régulier de nouvelles capacités renouvelables sur terre ;
  • le renforcement des capacités d’interconnexion aux frontières, qui doivent permettre « de mutualiser et d’optimiser l’appel aux différentes sources d’énergie» en fonction de leur disponibilité et compétitivité. Les variations de production des ENR sont à l’origine d’une fluctuation croissante des échanges d’électricité et saturent de façon récurrente les interconnexions. RTE travaille à connecter le réseau français à celui de ses voisins, comme le montre plusieurs réalisations récentes : inauguration de la ligne souterraine sous les Pyrénées, début des travaux de la liaison souterraine entre la France et l’Italie par le tunnel de Fréjus, projet de liaison IFA2 entre la France et l’Angleterre ;
  • la sureté d’exploitation des réseaux, par enterrement de lignes aériennes, et la fiabilité d’alimentation de toutes les zones de consommation : la mise en service de la ligne THT Maine-Cotentin et les essais sur les lignes souterraines du « filet de sécurité PACA » doivent notamment renforcer l’alimentation électrique des péninsules électriques bretonne et provençale.

Enfin, bien que moins évoqués dans le bilan électrique, RTE joue aussi un rôle de premier plan dans la gestion et le développement des mécanismes de marché. En 2014, le couplage des marchés a été étendu à tout l’ouest européen et concentre désormais plus de 75% de la consommation européenne. Le mécanisme d’ajustement s’est enrichi du dispositif NEBEF, qui permet aux acteurs de valoriser des effacements directement sur le marché. Enfin, le marché de capacités verra le jour à l’hiver 2016-2017.

 

Ainsi, le bilan électrique 2014 de RTE dévoile des premiers signaux encourageants sur le chemin de la transition énergétique, qui n’attend pas la publication de la loi. Néanmoins, gardons en tête que les émissions du secteur électrique ne compte que pour 5% des émissions françaises. L’enjeu de la décarbonation de la France n’est donc pas tant la génération d’électricité que les transports et le bâtiment, secteurs sur lesquels devraient avant tout porter les débats autour du projet de loi de transition énergétique. 

Le bilan complet est accessible ici.

 

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[i] L’abandon progressif du chauffage électrique dans le neuf depuis la Réglementation Thermique 2012 n’a pour l’instant pas d’impact significatif sur les consommations globales, car les logements neufs ne constituent qu’une très faible part du parc de logements existant.

[ii] L’étude de l’évolution de la consommation ainsi corrigée nécessite d’exclure du périmètre le secteur de l’énergie.

[iii] Il s’agit de données de consommation non corrigées de l’effet météorologique, mais les températures ont un impact beaucoup moins important dans les autres pays européens.

[iv] La production des centrales à charbon est particulièrement affectée : en recul de 58%, elles n’ont fourni que 1,5% de la production annuelle, essentiellement en octobre-novembre-décembre.

[v] La production d’électricité à partir de sources renouvelables se répartit comme tel : 71% hydraulique, 18% éolien, 6% photovoltaïque, 5% autres ENR (déchets, biogaz, bois-énergie).

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