La transition énergétique fait-elle la loi ?

La Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) affirme le rôle des collectivités territoriales dans la mise en œuvre de la transition énergétique. Une majorité des 50 dispositions d’ « application immédiate » concernent les collectivités. Passage en revue des dispositions impactant l’action des collectivités territoriales.

 

La planification énergétique territoriale

Un large consensus se dégage de la loi sur le rôle essentiel des collectivités dans la mise en oeuvre de la transition énergétique. La Région est désignée comme chef de file et chargée la stratégie territoriale en matière de maîtrise de l’énergie, à travers le SRCAE, désormais intégré au SRADDET[1]. La loi souhaite rendre ce document de planification et de programmation plus opérationnel, en associant à son élaboration tous les niveaux de collectivités. Il devra aussi prendre en compte  le « budget carbone » fixé par le gouvernement pour une période de 5 ans[2].

Les intercommunalités endossent un rôle de coordinateur local de la transition énergétique, à travers le Plan Climat-Air-Energie Territorial (PCAET), document qui remplace le PCET et qui a pour vocation l’animation du territoire sur les questions environnementales[3]. Elles définissent des plans d’action opérationnels pour la mise en œuvre des orientations décidées à l’échelle régionale.

Toutefois la loi ne précise pas de lieu d’échange entre les différents échelons territoriaux pour co-élaborer les documents de planification stratégique, comme préconisés par les élus locaux. De plus, les documents d’urbanisme, de transport et d’habitat des collectivités ne devront pas être obligatoirement compatibles avec les SRCAE et PCAET.

L’efficacité énergétique dans le bâtiment

Le SRCAE s’étoffe avant tout dans le domaine de l’efficacité énergétique, afin d’atteindre l’objectif gouvernemental de 500.000 logements rénovés chaque année à partir de 2017. Il prévoit notamment le déploiement des plateformes territoriales de la rénovation énergétique pour concrétiser le service public de l’efficacité énergétique créé par la loi Brottes de 2013. Les intercommunalités vont créer des établissements publics ou s’appuyer sur leurs Agences Locales de l’Energie pour proposer aux particuliers un service d’information et de conseil sur leur projet de rénovation de leur logement. Ces plateformes pourront aussi proposer un accompagnement technique (mise en place d’un suivi et d’un contrôle des travaux de rénovation), ou une aide au montage financier et à l’investissement, via des sociétés de tiers-financement publiques. Normalement de taille régionale, ces sociétés de tiers-financement avanceront le coût des travaux de rénovation énergétique et se rémunèreront ensuite sur les économies d’énergie réalisées. Une plateforme de ce type, portée par la Région Picardie, est déjà entrée en phase d’expérimentation depuis septembre 2014.

Les collectivités locales sont chargées, à travers les PCAET, de :

  • Sensibiliser les citoyens à la maîtrise de la consommation d’énergie. La loi ne crée toutefois pas d’ambassadeurs de la rénovation thermique ni ne reconnait les missions des ALEC et des plateformes régionales de la rénovation comme d’intérêt général.
  • Bonifier leurs aides financières ou les octroyer prioritairement aux rénovations les plus ambitieuses, faisant preuve d’exemplarité énergétique et environnementale. Tous les travaux sur le patrimoine des collectivités feront preuve de cette exemplarité, notamment à travers les labels Effinergie + et Effinergie BEPOS.
  • Elles disposent de données techniques des distributeurs d’énergie à la maille Iris (2.000 hab.) pour mener à bien leur mission de maîtrise de la demande énergétique. Néanmoins la loi ne crée par un service public de la donnée pour gérer l’interface entre la source et l’utilisateur de la donnée.

La production d’énergie renouvelable

Ces deux documents, SRCAE et PCEAT, se focalisent sur l’efficacité énergétique et n’intègrent pas la production d’énergie renouvelable. La loi de transition énergétique ouvre toutefois de nouvelles compétences pour les collectivités territoriales dans le domaine de la production énergétique

  • Chaleur renouvelable : La loi fixe comme objectif la multiplication par 5 de la chaleur renouvelable distribuée par réseau.
  • Biomasse: la Région en coordination avec son Préfet, élabore d’ici février 2017 un schéma régional biomasse visant à développer l’énergie biomasse (état des lieux des ressources et du tissu économique, objectifs de développement, équilibre entre les usages du bois)
  • ENR électriques: Pour les collectivités situées le long des cours d’eau faisant l’objet d’une exploitation hydroélectrique, la possibilité est ouverte de devenir actionnaire d’une société d’économie mixte hydroélectrique, créée par l’Etat, suite à la fin du contrat de concession en cours.
  • Financement des énergies renouvelables : les collectivités territoriales sont autorisées à détenir des actions d’une société anonyme dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ou sur des territoires situés à proximité et participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire. De plus, les sociétés portant un projet de production d’énergie renouvelable peuvent proposer, lors de la constitution de leur capital, une part de celui-ci aux habitants résidant habituellement à proximité du projet ou aux collectivités territoriales sur le territoire desquelles il doit être implanté. Certains élus locaux auraient souhaité que les tarifs d’achat soient conditionnés par une ouverture du capital des projets aux collectivités et citoyens.

Les démarches d’excellence TEPOS encouragées

Ségolène Royal a annoncé le lancement prochain d’un nouvel appel à projets « Territoires à Energie Positive pour la Croissance Verte », à destination notamment des collectivités dont les projets n’étaient pas assez aboutis pour profiter du premier appel à projets en février dernier. De nouveau, les territoires retenus pourront bénéficier d’une aide du Fonds de Financement de la Transition Énergétique (FFTE) comprise entre 500.000 et 2 millions d’euros, pour réaliser leurs projets dans les domaines suivants : bâtiments à énergie positive, véhicules à faible émission, économie circulaire et lutte contre le gaspillage, protection de la biodiversité.

D’autres appels à projets viendront s’ajouter à celui-ci, afin de constituer une « boîte à outils » (selon les mots de Madame la Ministre) au service des citoyens, des entreprises et des territoires.

La distribution d’énergie

Le texte de loi contient peu de dispositions relatives à la distribution d’énergie, alors que la problématique était au cœur des débats portés par les autorités concédantes de la distribution (AODE). Dans le domaine de la chaleur, la loi crée une compétence de création et exploitation d’un réseau de chaleur ou de froid dans le CGCT. Les collectivités chargées d’un service public de distribution de chaleur ou de froid au 1er janvier 2009 doivent réaliser un schéma directeur de leur réseau d’ici 2018, visant la transition de l’alimentation de ces réseaux vers des énergies renouvelables et de récupération. Dans les contrats de concession pour la distribution de gaz et d’électricité, la loi se limite à l’ajout d’un chapitre consacré à la maîtrise de la demande et aux énergies renouvelables, mais ne concrétise aucune proposition sur l’indépendance des gestionnaires des réseaux de distribution, le renforcement des capacités de contrôle des AODE,  la création d’opérateurs publics locaux de distribution de gaz et d’électricité.

Les transports propres

Contrairement à une idée répandue, l’objectif premier de la loi de transition énergétique, dans sa composante transport, n’est pas de lutter contre le réchauffement climatique global mais d’améliorer la qualité de l’air localement. C’est pourquoi la loi prévoit diverses mesures pour favoriser l’acquisition et l’usage de véhicules électriques ou à faibles émissions. Les collectivités sont invitées à montrer l’exemple et à faciliter le développement de ces véhicules :

  • Le renouvellement du parc automobile des collectivités devra comprendre 20% de véhicules à faibles émissions
  • Les flottes d’autobus et d’autocars devront, dans le cas où la collectivité en est la gestionnaire, inclure 50% de véhicules à faibles émissions en 2020 et en totalité en 2025.
  • Les nouvelles constructions pourvues de places de stationnements individuelles devront prendre en compte des points de charge pour véhicules électriques et des places de stationnement pour les vélos
  • Les collectivités sont autorisées à abaisser la vitesse maximale de circulation sur tout ou partie des voies publiques. Elles peuvent aussi créer des zones à circulation restreinte dans les zones pour lesquelles ont été créé un Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA). Les maires peuvent même décider d’interdire la circulation des véhicules polluants sur le territoire de la commune, à certaines heures, entre 2015 et 2017, à titre expérimental.
  • Les plans de déplacements urbains (PDU) doivent tenir compte des objectifs du PPA
  • Le schéma régional de l’intermodalité peut être complété par des plans de mobilité rurale visant à assurer la complémentarité entre les transports collectifs, les services d’autopartage et les modes de déplacement non motorisés sur les territoires à faible densité démographique.
  • Enfin, particularité parisienne qui sera peut être amenée à s’étendre, le Syndicat des Transports d’Île-de-France (STIF) est habilité à organiser des services publics de transport de marchandises et de logistique urbaine, d’autopartage et location de bicyclettes.

L’économie circulaire et la lutte contre le gaspillage

La loi de transition énergétique fixe des objectifs dans le domaine de la gestion des déchets, avec pour ambition de prendre en compte le cycle de vie complet des produits, depuis leur production jusqu’à leur recyclage. Un certain nombre de ces objectifs nécessitent l’implication des collectivités locales :

  • Réduire de 10% le volume de déchets par habitant en 2020 par rapport à 2010 : les collectivités devront généraliser la tarification incitative en matière de déchets, de sorte que 15 millions de citoyens soient couverts par ce dispositif en 2020 et 25 millions en 2025. De plus, le traitement des déchets doit  se réaliser au plus près de leur production afin de contribuer à limiter les transports.
  • Développer le réemploi des produits et augmenter la valorisation des déchets sous forme de matière, notamment organique. 55% des déchets non dangereux non inertes devront être orientés vers ces filières de valorisation en 2020 : les collectivités généralisent le tri à la source des déchets organiques pour que chaque citoyen dispose d’une solution lui permettant de ne plus jeter ses déchets organiques avec les ordures ménagères résiduelles. Les collectivités mettront aussi en place une collecte séparée de biodéchets et des solutions de compostage de proximité.
  • Assurer la valorisation énergétique des déchets ne pouvant être recyclés par l’intermédiaire d’installations de production de chaleur ou d’électricité. Ces installations devront en outre être facilement adaptables pour utiliser d’autres combustibles, notamment de la biomasse, lorsque les progrès techniques permettront une réduction du volume de déchets non recyclables.
  • Réduire la consommation de papier des pouvoirs publics : les collectivités s’engagent à diminuer de 30% leur consommation de papier avant 2020, et à s’approvisionner en papiers recyclés à hauteur de 25% en 2017 puis 40% en 2020. Les autres papiers devront être issus de forêts gérés durablement.
  • Valoriser sous forme de matière 70% des déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics en 2020 : les collectivités chargées de la maîtrise d’ouvrage sur des projets d’infrastructures devront intégrer cet objectif à leurs appels d’offres.

En conclusion, la loi de transition énergétique engage la France dans un réel mouvement de transition énergétique, à travers des objectifs ambitieux, mais manque encore de mesures significatives et structurantes pour rendre crédibles l’atteindre de ces objectifs par l’engagement des collectivités territoriales. La dimension territoriale de la transition énergétique est clairement affichée mais reste en retrait par rapport aux conclusions du Débat National sur la Transition Énergétique.

 

[1] Le Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires est enrichi par la Loi NOTRe, il remplace plusieurs schémas existants en matière de climat et d’énergie, d’intermodalité, de déchets, de biodiversité.

[2] La première stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et le budget associé sont soumis à consultation jusqu’au 22 septembre et seront dévoilés courant octobre 2015, pour une durée initiale de 3 ans.

[3] Le portage du PCAET est désormais confié aux EPCI, de manière à couvrir tout le territoire sans doublons. Il devra être adopté avant le 31/12/2016 pour les EPCI de plus de 50.00 habitants, 2 ans plus tard pour les autres EPCI.

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