Avion solaire – Après le Solar Impulse, les évolutions d’un hybride propre du ciel : Eraole

Icare a brûlé ses ailes et a chuté à cause du soleil ; maintenant le soleil permettrait de nous envoler.

Vers un objectif toujours plus propre, autonome et fiable, les projets électriques et solaires se multiplient dans le transport pour répondre aux enjeux énergétiques et écologiques de demain.

Si l’on parle d’aviation, le premier nom qui vient sur toutes les lèvres est le fameux Solar Impulse, qui a effectué le tour du monde en juillet 2016 avec comme seule énergie celle du soleil et donc sans une seule goutte de carburant classique.

Il a ouvert ainsi la porte de l’énergie propre dans le domaine de l’aviation, qui pour rappel est un moyen de transport largement utilisé par pas moins de 4 milliards de personnes par an dans le monde (chiffre de 2017) soit 127 personnes par seconde. L’aviation civile émet environ 3% des émissions de CO2 mondiales avec 660 millions de tonnes par an, et ces chiffres ne cessent d’augmenter.

Vu 3D comparative de la taille du Solar Impulse avec un Boeing 747

Le Solar Impulse est une prouesse technologique, avec des panneaux solaires légers et performants, il est capable de voler de jour comme de nuit.

Cependant de nombreuses contraintes le limitent à un prototype démonstratif.

Ce dernier ne peut accueillir qu’une personne dans ses entrailles avec une envergure de 72 mètres soit l’équivalent d’un Boeing 747. Il est particulièrement fragile et a besoin de conditions météorologique parfaites pour pouvoir voler.

La grande question se pose donc : le Solar Impulse aurait-il apporté une alternative au kérosène ?

 

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

De part sa complète réalisation (ce dernier n’est plus au stade de simple prototype) et son tour du monde, le Solar Impulse a relevé un véritable défi et a prouvé que le transport alternatif au kérosène est possible.

Bertrand Piccard, pilote suisse du Solar Impulse, en parle de lui-même à la fin de son tour du monde :

«Solar Impulse n’a pas été construit pour transporter des passagers, mais pour porter un message sur l’utilisation des technologies propres. Plus qu’un avion, je veux que Solar Impulse soit une puissante démonstration du potentiel des technologies propres d’aujourd’hui. Un avion ayant une autonomie illimitée, qui vole jour et nuit sans carburant, devrait motiver les gens à mettre en œuvre ces mêmes solutions pour lutter contre le changement climatique et les problèmes liés à la pollution.»

La « baleine du ciel » – designée par Oscar Viñals

Et des idées « folles », il y en a ! De la voiture volante électrique américaine Terrafugia à l’avion de ligne Progress Eagles du designer industriel espagnol Oscar Viñals qui fonctionne à l’hydrogène, en passant par les nombreux prototypes d’Airbus, les projets pour un monde plus propre sont nombreux.

Mais nombres de ces projets, pour des raisons de technologie et de réglementation ne verront pas le jour avant 2030, s’ils persistent.

Tous ? Non. Un petit français résiste encore et toujours à l’envahisseur.

En parallèle, depuis 2009, un laboratoire français Ocean Vital a un projet plus réaliste pour le transport propre en toutes conditions : l’avion solaire hybride Eraole.

L’avantage du biplan est d’avoir plus de surface pour placer des panneaux solaires

Raphaël Dinelli, le fondateur de ce laboratoire, ex-navigateur et leader du projet Eraole, s’est lancé depuis 9 ans dans la construction d’un avion électrique multi-hybride à énergies propres. Il est d’ailleurs maintenant pilote d’essai sur ce bijou de technologie.

Sous le capot

Et concrètement ? L’engin est annoncé avec 70h d’autonomie à une vitesse de croisière de 100km/h pour 20kW (environ 27 cv), il pèse 750 kilos et a besoin de 50kW (environ 68 cv) au décollage.

Une grande partie de l’innovation technologique vient du module de centrale électrique multi-hybride utilisé. Alors que le Solar Impulse fonctionne avec le soleil mais aussi avec des batteries chargées au sol, l’Eraole s’appuie sur une centrale électrique multi-hybride alimentée par le soleil (25%) via les cellules photovoltaïques d’un rendement de 24% (parmi les meilleures du marché) qui recouvrent les ailes, de l’huile végétale (70%) pour alimenter un moteur thermique et de l’hydrogène produit en vol par hydrolyse.

L’huile utilisée est l’huile Biojet, produite à partir de déchets de végétaux de cannes à sucre recyclées auxquels on ajoute un dopage à l’hydrogène, obtenu en séparant des molécules d’hydrogène contenues dans l’huile végétale et dans de l’eau. Elle a la propriété de ne pas se figer en altitude comme certaines huiles à base de microalgues même couplées d’additifs.

Eraole lors d’un de ces vols d’essai

L’innovation est donc totale à l’échelle mondiale car l’énergie est totalement propre : il n’y a pas de batterie dont l’électricité peut être fournie par une centrale à charbon ou nucléaire.

L’aspect sécurité est lui aussi pour le moment « sans faute » : la centrale multi-hybride garantit en cas de problème un mode de pilotage dégradé avec l’une des sources d’énergie opérationnelles afin de retourner à la base sans encombre.

Une autre partie de l’innovation apparaît aussi dans la structure de l’appareil, qui, afin de minimiser au maximum le poids, a été moulé entièrement en fibre de carbone. L’appareil grâce à sa robustesse et sa finesse consomme dix fois moins qu’un appareil de la même catégorie : la consommation enregistrée est de 3 litres de carburant à l’heure.

 

Et après ?

Là où beaucoup de concurrents s’arrêtent au stade de l’avion école, comme l’E-Fan de Airbus qui est capable de voler 30 minutes à pleine puissance et environ le double à vitesse réduite, l’Eraole ne se cantonnera pas dans cette catégorie. En effet, l’ambition de ce concentré de technologie est d’être un appareil pour les longs trajets.

Pour le moment Eraole a effectué des vols d’endurance de plus de cinq heures. Récemment homologué par la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civil), les tests peuvent s’effectuer partout en France et à l’étranger.

L’objectif 2019 est de valider les plus de 70 heures d’autonomie afin de permettre les grandes traversées comme celle de Charles Lindbergh entre New York et Paris soit 5.800 km. Une fois ces tests validés, le laboratoire de Raphaël Dinelli voit grand : ils pourront transposer leur système sur un avion civil équipé d’un moteur de 250kW (340 cv) soit la puissance embarquée d’un A320.

L’avion solaire est un défi qui a été relevé grâce au Solar Impulse, cependant, son utilisation pour l’aviation civile est aujourd’hui impossible.

L’avenir de l’aviation propre repose sur les systèmes hybrides et/ou multi-hybrides (électrique, solaire, hydrogène, thermique à l’huile).

Ocean Vital apporte avec Eraole de réelles innovations technologiques, qui n’est malheureusement pas soutenu à sa juste valeur comme le dénonce Raphaël Dinelli : « Le problème en France, c’est que, si vous n’êtes pas une entreprise de rang 1, on ne vous valorise pas, contrairement à l’Allemagne ou aux USA. Ici, ils nous répondent qu’ils n’ont pas le temps de s’occuper de nous… Tant pis, je comprends que ce ne soit pas leur priorité…».

Ainsi, pour progresser, le laboratoire français pense maintenant au transfert de la technologie et recherche des partenaires industriels capables de transposer ou d’acheter cette technologie en France ou l’étranger, milieu où l’on est plus reconnu et encouragé.

Et si ce transfert opère, l’avenir de l’aviation civile s’en trouvera forcément transformée. Car la facette de l’énergie propre n’est bien entendu pas l’unique motivation : l’objectif est de transporter plus de monde, avec une grande autonomie. Et qui sait, à long terme, assurer des vols longs courriers avec des flux touristiques conséquents.

En attendant la relève des nouveaux défis, vous pouvez contempler par vous-même le premier vol Eraole le 21 août 2017.

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