PPE : quels avis de différents acteurs sur ce passage obligé de la politique énergétique française?

La nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (communément appelée PPE), feuille de route de la politique énergétique française des dix prochaines années, fait l’actualité. Travail inachevé de N. Hulot, l’ancien Ministre de la Transition écologique et solidaire avait saisi l’occasion pour lancer un débat public auquel un peu plus de 190 acteurs du secteur avaient participé, sans compter les citoyens. EDF, ENGIE, GRTgaz et Enedis se sont saisis de l’occasion pour partager leur vision. Nous vous proposons un décryptage de leurs cahiers d’acteurs.

 

Pourquoi une première PPE??

Lois majeures impactant le secteur de l’énergie

Depuis 2014, la politique française énergétique s’est articulée autour de 2 axes que sont cleaner et closer (loi NOTRe, loi MAPTAM, etc.). Elle est aussi fortement inscrite dans un intérêt mondial grandissant. C’est donc à la suite de l’Accord de Paris sur le Climat (COP21) que la première PPE prend effet. Mais dans quel but??

La PPE est un outil de pilotage créé par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV) qui définit les priorités d’actions détaillées, à un horizon intermédiaire, pour atteindre les objectifs de la politique énergétique française (code de l’énergie et LTECV). Elle est révisée tous les cinq ans afin d’ajouter une période de programmation supplémentaire. La nouvelle PPE portera sur les périodes 2019-2023 et 2024-2028.

Chaque PPE comporte 7 sujets majeurs?:

  • la sécurité d’approvisionnement,
  • l’amélioration de l’efficacité énergétique et la baisse de la consommation d’énergie primaire (en particulier fossile),
  • le développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération, dont les objectifs de développement pour les différentes filières,
  • le développement équilibré des réseaux, du stockage, de la transformation des énergies et du pilotage de la demande d’énergie,
  • la?stratégie de développement de la mobilité propre,
  • la préservation du pouvoir d’achat et de la compétitivité des prix de l’énergie,
  • l’évaluation des besoins de compétences professionnelles?dans le domaine de l’énergie et à l’adaptation des formations à ces besoins.

La PPE n’est pas un outil de pilotage du mix énergétique uniquement, mais bien un outil dont l’objectif est d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050.

 

Un débat public?: une opportunité pour réaffirmer ses convictions

N. Hulot avait rappelé lors de l’édition 2018 du Forum de la Transition Energétique organisé par Les Echos que la transition devait être un « grand moment démocratique ». C’est donc sans surprise que le gouvernement d’E. Macron a transformé cette actualité politique en véritable débat public avec 4 mois d’échanges auxquels ont participé toutes les parties prenantes. Les contributeurs ont été variés. Ainsi, au travers de cahiers d’acteurs des entités privées comme EDF ou GRTgaz ont pris la parole, tout comme des acteurs territoriaux tels que la Région Hauts-de-France ou le Syndicat des énergies du département de l’Isère, ou bien encore la société civile via des ONG à l’instar de WWF.

La consultation publique a pris une forme encore plus large en s’appuyant sur des plénières, des ateliers, des rencontres en régions, une plateforme en ligne ou encore le G400. Le débat avait pour périmètre les objectifs de la PPE, les jeux socio-économiques attachés et les impacts environnementaux et territoriaux. Pour alimenter la discussion, le gouvernement avait retenu deux scénarii de RTE (Volt et Ampère).

Quatre cahiers ont retenu notre attention car ils représentent la vision des grands acteurs du secteur de l’énergie sur l’ensemble de la chaine de valeur.

 

Importance accordée à chaque sujet PPE dans le cahier d’acteur d’EDF

EDF insiste sur la nécessité de penser la bonne articulation de tous les leviers existants afin d’atteindre la neutralité carbone. L’électricité permettra une transition énergétique rapide grâce aux progrès des EnR et les équipements de particuliers favorisant l’efficacité énergétique, sans que cela ne soit nécessairement coûteux. Le nucléaire est présenté comme une énergie sûre, compétitive, décarbonée, exportatrice et créatrice d’emplois. EDF argumente dans le sens de la nécessité de penser une nouvelle réglementation et d’accentuer les signaux économiques forts à destination de l’industrie pour décarboner l’énergie. Enfin, en ce qui concerne la mobilité, le groupe l’envisage électrique y compris pour le transport lourd (fluvial, maritime et ferré).

Importance accordée à chaque sujet PPE dans le cahier d’acteur de GRTgaz

GTRgaz met en avant le gaz comme alternative principale, verte, sûre et puissante, en substitution aux énergies fossiles dans de nombreux domaines (production, chauffage individuel, transports…). GRTgaz présente le gaz comme une solution peu coûteuse, tant en termes d’investissement en infrastructures qu’en soutien financier public.

A travers sa prise de position, GRTgaz partage une vision très ambitieuse du gaz au sein de la PPE, qui doit permettre de sécuriser l’approvisionnement en énergie de la France, conserver une balance commerciale positive, participer à la création d’emplois et continuer dans la préservation de l’environnement.

Importance accordée à chaque sujet PPE dans le cahier d’acteur d’Enedis

Enedis a pris le parti d’aborder le sujet avec une approche analytique. Le groupe s’appuie sur des chiffres clés, notamment les objectifs de la LTECV, pour rappeler son rôle dans la transition énergétique. Il complète son argumentaire sur ses actions en les illustrant de chiffres clé. Ainsi, il rappelle son rôle central en interaction avec les différents acteurs du mille-feuille territorial, et notamment dans le cadre de la mobilité électrique pour laquelle il demande un schéma national de déploiement. Il souligne aussi son travail d’expérimentation et l’intérêt économique de Linky qu’il a mis en place. La présentation de sa vision du marché permet au distributeur d’introduire quelques mesures clés à mettre en place. Pour autant, le grand combat de ce cahier d’acteur est bien le rééquilibrage du TURPE, taxe finançant le distributeur.

Importance accordée à chaque sujet PPE dans le cahier d’acteur d’ENGIE

ENGIE rappelle sa conviction dans les 3D et réaffirme ses ambitions de devenir leader de la production d’électricité bas carbone (gaz et EnR), des infrastructures énergétiques et des solutions performantes adaptées à tous ses clients (particuliers, entreprises, territoires, etc.). A travers ses propositions, transparait la conviction que la PPE doit apporter, à la fois une trajectoire long terme fiable pour rassurer la sphère privée, mais aussi des mesures concrètes, notamment de simplification des procédures administratives (CEE par exemple). Bien qu’ENGIE rappelle la nécessité de s’appuyer sur différentes énergies en proposant des objectifs (par exemple, 8TWh de biométhane injecté en 2023), le Groupe donne une place centrale à l’hydrogène vert dans la transition énergétique. Ainsi, après avoir rappelé que pour chaque mobilité, il faut trouver le bon fuel et accompagner son déploiement, il demande que l’Etat favorise le switch vers l’hydrogène vert. A contrario d’EDF, ENGIE s’exprime aussi en tant que fournisseur en abordant notamment les bénéfices des outils digitaux (comme le BIM) pour les fournisseurs.

En conclusion, les visions de ce que doit être la nouvelle PPE sont variées. Et, s’il est notable que certains cahiers sont centrés sur le mix énergétique, le gouvernement se doit, lui, de ne pas perdre de vue l’objectif premier de la PPE qu’est la neutralité carbone horizon 2050. Pour atteindre cet objectif, la PPE actionnera différents leviers dont le mix énergétique, mais aussi la mobilité électrique ou l’efficacité énergétique, entre autres. Et, la PPE doit conserver sa fonction d’outil de pilotage en proposant à la fois des objectifs long terme échelonnés dans le temps et des actions concrètes à horizon plus court. Enfin, le débat public a été l’occasion de co-construire l’avenir de la politique énergétique française tout en favorisant l’appropriation de ces enjeux par le grand public. Il est nécessaire que la PPE représente un pacte de confiance entre l’Etat et l’ensemble des acteurs du secteur, un contrat périodiquement renouvelé et co-construit, événement appelant chacun d’entre nous à reprendre notre devoir de réflexion sur la transition énergétique que nous souhaitons.

 

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