Comment et sous quelles formes les énergéticiens s’impliquent-ils dans l’électromobilité ?

Face au caractère aléatoire des prix des carburants fossiles et au fil d’une prise de conscience collective et progressive sur la nécessité de réduire nos émissions de CO2, le marché de l’électromobilité  connaît un engouement de plus en plus important. Ce développement se pose comme un des piliers de la transition énergétique de la mobilité : cela nécessite l’implication de nombreux acteurs, que ce soit pour le développement des infrastructures, du matériel de stockage ou pour fournir l’énergie nécessaire.

Les acteurs de l’électromobilité

L’écosystème de l’électromobilité est complexe. En effet, pure players, constructeurs automobiles historiques et énergéticiens tentent de se démarquer, outre sur les véhicules, sur les batteries et les infrastructures associées.

La plupart des constructeurs historiques ont développé leur modèle de véhicule électrique phare, que ce soit la Leaf de Nissan, la Zoe de Renault ou encore l’implication croissante de Wolkswagen pour faire table rase de la polémique sur les statistiques de pollution de ses moteurs classiques. De son côté, en pionner de l’electromobilité, Tesla entretien une image de marque en proposant des modèles haut de gamme telle le modèle S, intégrant des innovations technologiques de pointe telles que l’autopilote.

Un des freins le plus important de l’électromobilité est la réticence des usagers vis-à-vis de l’autonomie des batteries. Les technologies sont nombreuses : Lithium, Sodium-Ion, et la R&D autour des batteries a permis d’arriver à des autonomies intéressantes, de 250 km à plus de 600 km pour les modèles haut de gamme.

Les infrastructures de recharge

Pour assurer la transition énergétique des transports, le développement de véhicules 100% électriques et de batteries performantes ne suffit pas. En effet, les infrastructures de recharge sont indispensables à ce développement.

Une implication des énergéticiens en dents de scie

La réaction des pétroliers face au début du développement des véhicules électriques a été logique : utiliser les infrastructures existantes (stations-services) afin de proposer des points de recharge, à l’image de BP et de Total dès 2011. Pendant quelques années, les prix bas du pétrole ont conforté la place des carburants fossiles dans le paysage énergétique de la mobilité.

Cependant, selon Momar Nguer, Directeur Général Marketing et Services de Total, le déficit d’investissement dans la recherche de nouveaux champs pétroliers ou du maintien en état de ceux existants entraîne une baisse de production qui, à terme, provoquera l’augmentation des prix pour répondre au déficit de demande. Le souhait de Total est de continuer le travail amorcé dès 2011 : équiper ses stations-services de bornes de recharge pour les véhicules électriques.

Cette stratégie ne considère donc pas le développement des véhicules électriques comme une menace pour l’activité du pétrolier, mais comme une opportunité d’attirer les usagers dans leurs infrastructures afin de développer et faire croître leurs offres de services.

Les fournisseurs d’électricité sont également impliqués dans le développement d’infrastructures de recharge. EDF, par exemple, qui est au contact direct des consommateurs, propose des conseils afin de permettre aux usagers de recharger leurs véhicules à leur domicile (notamment pour choisir le compteur ou le contrat adapté). L’entreprise propose également de faire réaliser des devis pour la pose de dispositifs de recharge rapide au domicile des consommateurs qui le souhaitent.

Avec l’ouverture à la concurrence, la capacité des énergéticiens à capter les clients possédant des véhicules électriques sera un critère différenciant afin de garder une partie de leur clientèle, voire de l’accroître.

L’apparition de nouveaux business models

Avec le développement de l’électromobilité, de nouveaux business model apparaissent et encouragent le partenariat entre les différents acteurs.

Tesla, partenariats locaux et gratuité pour les utilisateurs

Tesla, qui propose 41 super-chargeurs en libre-service en France, a pris le pli de la gratuité pour les usagers et a choisi de s’implanter dans des zones de services. Ce sont majoritairement des hôtels souhaitant augmenter leur notoriété et leur fréquentation par l’installation de ces chargeurs, attirant une clientèle haut de gamme.

Bolloré, de la batterie électrique à l’auto-partage

De son côté, la firme Bolloré entend rester un incontournable du développement des batteries électriques et affiche une volonté de rester au contact de l’innovation. Dans ce but, la firme a acquis une start up spécialisée dans la recherche de nouvelles molécules pour remplacer le lithium des batteries (onéreux, polluant et disponible en quantité limitée).

Parallèlement, le groupe, qui a fourni les BlueCars d’Autolib’, poursuit son développement dans l’auto-partage et contribue à la mutation durable de nos villes. Ainsi, la société Blue Alliance, dédiée à l’autopartage électrique et détenue à 24% par PSA, 25% par Renault et 51 % par le groupe Bolloré est sur le point d’accroître les flottes de véhicules auto-partagés de Bordeaux et de Lyon.

Vers des transports publics durables

L’électromobilité intéresse également les opérateurs de transport publics urbains comme une solution alternative aux énergies fossiles : ceux-ci doivent remplacer progressivement leurs anciennes flottes afin de respecter la loi sur la transition énergétique.

L’exemple de la RATP est évocateur : le groupe s’est engagé à utiliser 80 % de bus électriques d’ici 2025. Cet objectif va entraîner des modifications de l’environnement urbain des transports en commun, notamment concernant les problématiques de la recharge des batteries de bus roulants de nombreuses heures d’affilées. Ce défi attire de nombreuses start-ups proposant des solutions innovantes : bornes rapides, caténaires aux terminus, ou encore recharge par des systèmes à induction directement intégrés dans la route.

Des énergéticiens en partenaires

Outre les services proposés aux particuliers, les énergéticiens ont compris l’intérêt de nouer des partenariats afin d’accompagner la mutation de la mobilité, domaine où ils étaient logiquement peu présents autrefois.

Ainsi, Engie Ineo, a choisi d’établir des partenariats locaux pour outiller des collectivités dans leur développement de l’électromobilité. L’entreprise va déployer un réseau de 350 bornes de recharge en Seine et Marne en gérant l’ensemble du projet, de l’étude à l’installation et même à l’exploitation de ces bornes.

En synthèse

Pour le consommateur, le passage à l’électromobilité se traduit par un simple changement de véhicule et de quelques habitudes. Les changements les plus structurants et inhérents à l’électromobilité interviennent au niveau des acteurs de cette mutation.

Ceux-ci se placent aujourd’hui davantage en partenaires qu’en concurrents, en ayant compris qu’un réel développement de l’électromobilité ne pourra avoir lieu qu’avec l’implication de l’ensemble de la chaîne de valeur : de la construction des véhicules à la création des infrastructures, en passant par leur branchement sur le réseau électrique et leur intégration dans un écosystème durable.

Les lois sur la transition énergétique se succédant encouragent l’essor de la mobilité durable, il sera intéressant d’observer la réaction des pétroliers historiques, qui suivent de près l’évolution de l’écosystème des transports. Peut-être choisiront-ils de parier sur le développement des véhicules au gaz naturel, concurrent frontal de l’électromobilité ?

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