Elum ou comment un industriel peut réduire sa facture d’électricité

Elum est l’une des startups françaises qui ambitionnent de révolutionner le monde de l’énergie. Récompensée par déjà de nombreux prix, notamment lauréat de la Greentech Verte (concours organisé par Ségolène Royale et le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer), et présente à la COP22, Elum est une start-up à suivre. Ainsi, nous avons rencontré l’un de ses cofondateurs, Karim El Alami qui a accepté de nous présenter son projet entrepreneurial.

Bonjour Karim, pouvez-vous nous décrire en quelques mots la start-up ELum ?

Karim El Alami
Karim El Alami Co-fondateur d’Elum

Elum développe une plateforme logicielle l’Energy OS qui permet aux bâtiments industriels et commerciaux d’être à la fois producteurs et consommateurs d’énergie. L’Energy OS grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle avancés permet d’optimiser les flux d’énergie entre les panneaux photovoltaïques, les batteries, le réseau et le bâtiment (figure 1). De manière concrète, nous récupérons différentes données provenant du bâtiment : des données de consommation, de météorologie, opérationnelles et des données liées à la tarification de la facture d’électricité. De là, l’algorithme va prédire la consommation du bâtiment et la production solaire et va par la suite optimiser la charge et la décharge de la batterie en prenant en compte ces prévisions. Par exemple dans certains pays, la tarification dépend de l’heure de la journée avec des heures creuses peu chères et des heures de pointes chères, l’algorithme va donc charger la batterie la quantité optimale d’énergie en heure creuse et décharger cette énergie en heure de pointe permettant au client une réduction de facture.

Positionnement de l'Energy OS d'Elum

Figure 1 : Positionnement et offre d’Elum

L’objectif est la réduction de facture de l’électricité pour l’industriel de 20%, réduction des gaz à effet de serre de 30% provenant de sa consommation électrique et une sécurisation de son alimentation en éliminant les microcoupures qui sont problématiques pour certaines industries dans les pays émergents.

Comment est née la startup ELum ? 

Le projet a émergé suite à la rencontre avec Cyril Colin, cofondateur d’Elum, lorsque nous étions en double diplôme à UC Berkeley en Californie. Nous avions travaillé pendant un an dans un laboratoire sur les smart grids. Ayant eu une expérience dans l’optimisation des processus industriels dans une usine à la zone Franche de Tanger, j’avais pensé que réduire la facture énergétique était essentielle dans le développement de l’industrialisation du Maroc car elle constitue le deuxième voire le premier poste de dépenses devant les salaires des employés. Une solution intelligente, verte et durable semble adaptée dans ce contexte au Maroc et en Afrique de manière plus générale. Avec notre formation entrepreneuriale dispensée à l’Ecole Polytechnique, nous avons donc décidé de créer une startup voulant contribuer à la transition énergétique dans les pays européens et africains. Une fois notre cursus achevé nous avons intégré l’accélérateur CleanTech Open à San Francisco considéré comme étant le meilleur accélérateur dans les énergies renouvelables, puis nous avons créé par la suite l’entité Elum en France et intégré les incubateurs parisiens d’Agoranov et d’Impulse Partners.

Alors qu’un certain nombre de startups, bien que françaises, choisissent de se délocaliser rapidement dans la Silicon Valley, vous avez fait le choix inverse de quitter les États-Unis pour revenir en France ; pourquoi ? 

La Silicon Valley est en effet très attrayante pour tous ceux qui souhaitent démarrer une startup innovante. Il y a là un écosystème très avancé qui regroupe universités (Berkeley, Stanford), incubateurs (YCombinators pour ne citer qu’eux), investisseurs et startups ayant réussi qui est unique en son genre aux États-Unis. Cependant, nous avons fait le choix de revenir en France car nous pensons que du fait de la nature de notre activité portée sur l’intelligence artificielle et sur les marchés que nous visons, être en France est un atout considérable.

La France présente un environnement propice au développement des startups technologiques telles que la nôtre. Elle propose un écosystème très favorable au développement de la startup avec la présence d’incubateurs d’excellence. Nous sommes actuellement incubés à Agoranov et à Impulse Partners Energy&Construction.

Le secteur de l’énergie est en train d’opérer une révolution grâce à la technologie solaire qui va bouleverser la manière de consommer son énergie dans les pays européens et africains. Être en France constitue donc un atout pour comprendre ces enjeux et permet de déployer sa technologie sur ces deux continents. De plus, sa formation scientifique et mathématique est reconnue. Ce n’est pas pour rien qu’il y a plus de 60 000 français à la Silicon Valley. La formation scientifique en France est excellente et reconnue au-delà des frontières françaises. Si certains font le choix d’aller aux Etats-Unis d’autres préfèrent baser leur R&D en France comme Cisco, Facebook, Google. Preuve de l’excellence des ingénieurs que la France forme. Il est donc plus facile pour nous de recruter des ingénieurs de bon niveau.

Quels sont les problèmes auxquels les bâtiments industriels sont confrontés ? Comment y répondez-vous ?

Aujourd’hui les bâtiments industriels sont uniquement dépendants d’un réseau d’électricité centralisé. Cet état de fait les rend vulnérables et fragiles vis à vis de leur fourniture d’électricité qui est vitale pour leur activité. Cette fragilité peut être économique par les augmentations des tarifs d’électricité mais elle peut aussi se matérialiser via des coupures d’électricité qui entrainent des dommages matériels au niveau des machines ainsi que des pertes d’exploitation qui peuvent s’avérer conséquentes.

Pour répondre à cette problématique, nous encourageons les industriels à produire et consommer localement leur énergie via l’installation des panneaux solaires, batteries ainsi que de la mise en place de l’Energy OS.

Nous opérons ce processus par 3 étapes :

1/ Compréhension : nous installons des capteurs intelligents qui permettent de visualiser la consommation en temps réel des machines. Grâce à cela, nous pouvons avoir une traçabilité de la consommation énergétique et ainsi réduire la facture d’énergie en amont.

2/ Conception : Une fois les capteurs installés, nous utilisons ces données pour dimensionner et déterminer le bon nombre de panneaux photovoltaïques et batteries afin de garantir le retour sur investissement de cette installation et permettre la meilleure réduction de facture possible.

3/ Opération : Une fois le système énergétique installé nous mettons en place le logiciel qui va déterminer la meilleure allocation d’énergie entre la production solaire future et la consommation future du bâtiment. Ce logiciel repose sur des algorithmes qui apprennent les habitudes de consommation et de production du bâtiment de manière automatique.

Nous visons 2 marchés principaux. Le premier est le marché connecté au réseau. On peut penser aux bâtiments industriels et commerciaux qui paient déjà leur facture d’électricité. Le second est le marché non connecté au réseau et qui ne fonctionne principalement qu’avec des générateurs diesel. L’intérêt de notre solution est de réduire la consommation de carburant. Comme cas d’application, nous pouvons penser à l’industrie minière, au pompage d’eau ou encore aux tours de télécommunications hors réseau.

Le concept d’ELum est basé sur un besoin de décentralisation de l’énergie, pensez-vous que ce phénomène de décentralisation de l’énergie va s’accroître ? Pourquoi ? 

Nous sommes en train d’assister à une révolution dans le domaine de l’énergie : la baisse spectaculaire des prix des modules photovoltaïques, et la baisse des coûts du stockage qui rendent l’autoconsommation possible dans certaines géographies et certaines situations. Une étude de Lazard (voir figure 2) démontre la baisse massive des coûts des technologies renouvelables.

Au XXème ces solutions décentralisées existaient mais n’étaient pas compétitives par rapport aux centrales de production (mines, gaz, nucléaire, charbon). Cette baisse du coût de revient provenant de l’électricité renouvelable change la donne et va bouleverser le paysage énergétique des prochaines années.

Etude de Lazard

Figure 2 : La baisse des coûts du solaire et de stockage étudiée par Lazard (2015)

Et en particulier, pensez-vous que ce processus de décentralisation va s’accroître en France ? Pourquoi ?

Des initiatives en France ont vu le jour et montrent clairement la volonté des industriels et commerciaux à réfléchir au système d’autoconsommation comme étant un modèle économique viable par rapport au tarif d’électricité. Par ailleurs, la France a été pionnière dans le développement du stockage notamment dans les zones non interconnectées. Du fait de la haute pénétration des énergies renouvelables (>30%) dans les territoires d’outremer, tous les nouveaux projets renouvelables devront comporter du stockage pour stabiliser le réseau. C’est la raison pour laquelle la Commission de Régulation de l’Energie a lancé un appel d’offres (une initiative pionnière) pour la mise en place d’installations couplant production solaire et stockage. Cependant quelques obstacles sont à lever notamment au niveau de la législation française pour favoriser le développement des technologies renouvelables distribuées.

 

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