Stockage de l’énergie : Entretien avec Jean-Marie Bourgeais, directeur technique de Powidian

Le système énergétique de demain sera sans doute moins centralisé que celui d’aujourd’hui. D’une part, la production d’énergie sera plus décentralisée, avec l’essor des renouvelables. D’autre part, la consommation d’énergie s’organisera davantage à l’échelle locale, avec les circuits courts et l’autoconsommation. Dès lors, qui seront les acteurs du pilotage local de l’énergie ? Quels rôles tiendront l’État et les distributeurs d’énergie historiques ? Quels sont les leviers pour réussir cette transition énergétique ? Comment aborder la question du stockage ?
Afin de mieux comprendre ce mouvement en cours, nous sommes allés à la rencontre d’acteurs, privés et publics, historiques et émergents. Nous publions à compter d’aujourd’hui et dans les semaines à venir leurs points de vue personnels. Nous tenons à les verser au pot de la réflexion citoyenne.

Cette semaine, Jean-Marie BOURGEAIS, Directeur technique de Powidian.

Présentation de Powidian

Powidian est une spin-up de l’énergie : c’est à la fois une spin-off d’Airbus, créée en 2014 par Pierre LANGER et Jean-Marie BOURGEAIS, et une start-up innovante qui développe un système unique de gestion et d’approvisionnement d’énergie à distance. Idéale pour les zones isolées, les stations Powidian gèrent plusieurs sources d’énergies, en particulier renouvelables, qu’elle associe à des solutions de stockage court-terme (batterie lithium-ion, plomb, etc.) ou long terme grâce à une chaîne hydrogène intégrée. Des logiciels de pilotage à distance, auto-apprenant, permettent d’optimiser la production et le fonctionnement des équipements.

Station SAGES du bâtiment Delta Green à Nantes

 

E.S : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur Powidian ?

JMB : Powidian se base sur l’idée que l’avenir des énergies renouvelables n’est pas tellement dans l’efficacité des panneaux solaires, mais surtout dans l’efficacité du stockage.

Notre premier gros succès a été de rendre autonome le refuge du Col du Palet. Situé à 2600m d’altitude, il est depuis juin 2015 alimenté en énergie grâce à un station Powidian. Nous avons fait le pari de l’hydrogène pour stocker l’énergie sur de longues durées et la restituer au moment opportun. C’est la première fois qu’une telle solution existe à cette altitude. Je dirai que nos deux facteurs clés de succès sont la fiabilisation de l’énergie délivrée et la possibilité de faire du sur-mesure pour nos clients en s’adaptant à leurs contraintes et leur environnement.

On travaille également dans le bâtiment, notamment sur les systèmes qui permettent de faire de l’effacement et diminuer l’empreinte carbone. On constate que la batterie n’est pas forcément la meilleure solution, et que le stockage hydrogène fait sens. Par exemple, nous allons permettre à un magasin Carrefour dans le Sud de la France d’être autonome en énergie.

E.S : Utilisez-vous de l’intelligence artificielle et des logiciels de deep learning pour gérer les équipements et flux d’énergie en temps réel ?

JMB : Il faut rester raisonnable, je pense qu’on ne peut pas aujourd’hui parler réellement « d’intelligence artificielle » ou de « deep learning » pour les réseaux électriques. On peut en revanche se cantonner à des choses très simples comme des logiciels auto-apprenants qui mesurent les consommations avec plus de précisions, et lèvent des alertes au bon moment. Nos algorithmes doivent pouvoir s’adapter à tous type de technologies et dans tous type d’environnement. L’objectif de l’intelligence artificielle est d’optimiser. Mais optimiser quoi ? Il ne s’agit pas tellement de la distribution, mais plutôt les services au client, la durée de vie des équipements, et les modes de back-up. On peut également faire de l’optimisation tarifaire en choisissant, à l’instant t, la source dont l’énergie est la moins chère. Cela dit, il faut savoir rester simple : la meilleure action à faire dans un « smart » grid, c’est d’éteindre la lumière en sortant.

E.S : Peut-on imaginer une décentralisation du système énergétique à l’échelle d’une métropole dans laquelle des stations comme Powidian géreraient les flux en temps réel et rendrait la ville autonome ?

JMB : En France, les gens qui équilibrent le réseau s’appellent RTE. Je ne crois pas, pour l’instant, à l’indépendance énergétique à la maille des territoires ou des métropoles. Nous rencontrons encore des problèmes majeurs comme la question du stockage ou de la surface disponible pour alimenter des zones démographiquement denses. À ceux-ci s’ajoute une réglementation contraignante. Il faudrait, pour atteindre cette indépendance, avoir un complément d’énergie provenant de centrales en périphérie des villes.

Le rôle du réseau reste essentiel pour des raisons de sécurité. Quand on parle d’autonomie on ne parle pas d’isolement complet. Les bâtiments des villes ou zones denses sont autonomes dans le sens où il y a un équilibre entre ce qu’ils consomment et produisent sur une année. À certaines périodes, comme en hiver, Powidian peut justement utiliser le réseau en « back-up » et, en généralisant, le réseau sera de moins en moins sollicité car on sait aussi faire des économies.

E.S : L’association d’une variété de sources renouvelables avec des réseaux intelligents peut-elle diminuer notre dépendance au réseau ou à ces centrales périphériques ?

JMB : Les microgrids ont en effet l’avantage de savoir gérer un quartier, voire une ville, avec un certain nombre d’utilisateurs autonomes. Le problème majeur est qu’au fil de l’augmentation de l’utilisation de sources renouvelables, on déstabilise le réseau. C’est tout le jeu de l’équilibrage de la consommation/production, qui reste difficile à l’échelle d’une métropole.

E.S : Quels autres utilisations peut-on imaginer pour les stations Powidian ? Pourrait-on, par exemple, exploiter l’hydrogène produit ?

JMB : Nous jouons principalement sur allègement de la facture énergétique des bâtiments que nous équipons. Les stations Powidian peuvent également produire de la chaleur (ou du froid) par cogénération à partir de la pile à combustible.

Aujourd’hui, il y a peu d’intérêt à transformer l’hydrogène produit pour en faire du biogaz par exemple, car les coûts sont trop importants. En revanche, il pourrait être utilisé pour alimenter des véhicules à hydrogène par exemple.

E.S : Que pensez-vous des alternatives de stockage comme le Power-to-Gas ?

JMB : Le Power-to-Gas a un rendement trop faible pour en faire une solution compétitive. Je ne vois pas l’intérêt économique de transformer l’hydrogène en biogaz. L’avantage est qu’il est plus facilement transportable et stockable que l’électricité et c’est sur cet aspect qu’il faut jouer.

E.S : Quelle est votre vision des systèmes énergétiques de demain ?

JMB : En France, c’est un non-sens économique de rajouter des microgrids au réseau et aux grandes fermes éoliennes et solaires déjà existants. En effet, l’infrastructure de distribution énergétique est déjà existante et  les prix de l’électricités sont très bas,

Combiner un ensemble de sources renouvelables à des centrales périphériques pose toujours le problème de la stabilité du réseau. En revanche, l’autoconsommation peut, elle, faire diminuer les consommations, mais son évolution me paraît assez lente au vu de la maturité de la technologie.

Dans certains pays en voie de développement en revanche, comme en Afrique, au même titre que dans les zones insulaires, on arrive à un prix des énergies renouvelables très compétitif. Et le réseau y est encore à construire. On peut y imaginer des solutions décentralisées, fonctionnant localement. Les solutions de stockage doivent alors être imaginées.

E.S : Quel avenir pour Powidian au fil de ces évolutions ?

JMB : Malgré un contexte d’incertitude, le mix énergétique est voué à évoluer. Ce qui est certain est qu’il se constituera d’une multitude de sources d’énergies. Il y aura donc toujours une place pour Powidian, qui gère cette variété de sources et les coordonne entre elles.

One thought on “Stockage de l’énergie : Entretien avec Jean-Marie Bourgeais, directeur technique de Powidian

  1. Bonjour,
    Je vis en cote d’ivoire et je voudrais savoir comment financer un projet d’energie renouvelable.
    Dans la suite d’une suite favorable.
    Merci

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