Le stockage de l’électricité, quelles opportunités pour les collectivités et industries ?

Isabelle Kocher (directrice générale d’ENGIE) a déclaré dans son intervention au club débats les échos du 30 novembre dernier, que l’énergie du futur sera 3D : Décarbonée, Digitalisée, Décentralisée.  Ce changement de dimension de l’énergie passe par une évolution du métier de l’énergéticien qui s’articulera autour du triptyque : moyens de production renouvelables locaux, solutions de stockage, systèmes de pilotage de la consommation.

Il est ainsi communément admis que les solutions de stockage seront au cœur de la transition énergétique, mais de quelle manière ? Quelles propositions de valeurs et business models se développent dans le secteur du stockage ?

Précédemment sur Energy Stream, un premier article a mis en lumière la place du stockage de l’énergie dans la transition énergétique (voir). Un deuxième article s’est intéressé à la place du stockage chez les particuliers (voir). Celui-ci abouti à la conclusion qu’il n’y aura pas d’essor du marché du stockage particulier en France tant que le prix de l’électricité sur le réseau sera deux fois moins cher que celui d’une électricité localement produite et autoconsommée.

Si à l’échelle d’un particulier, le stockage d’énergie est porté uniquement par la volonté d’autoconsommation, pour une collectivité ou une entreprise le stockage offre bien d’autres services.

 

Les différents services offerts par une solution de stockage d’électricité

Il existe différents business models pouvant justifier l’installation une solution de stockage, les principaux étant listés ci-dessous en fonction de leur ordre d’apparition dans la chaîne énergétique.

© EnergyStream, blog de Wavestone – Février 2017 – Reproduction interdite »

 

Si de nombreuses technologies sont matures (voir cet article), le stockage de l’électricité n’est pas encore démocratisé (hormis via les centrales hydrauliques de pompage-turbinage ou STEP). Une évaluation du potentiel et de la viabilité économique de ces différents services est actuellement en cours afin de faire émerger des business models. Dans cette optique, organismes gouvernementaux et énergéticiens lancent depuis quelques années de nombreux projets et démonstrateurs. Les exemples suivants permettent d’illustrer certains des services du stockage de manière concrète.

 

Exemples de démonstrateurs intégrant des solutions de stockage

Projet RINGO

Le projet Ringo de RTE permet de renforcer le réseau électrique en créant des « lignes virtuelles » à l’aide de deux batteries (en début et fin de ligne).  Son fonctionnement est expliqué dans l’infographie ci-dessous :

Ce système permet de reporter ou de supprimer un investissement d’infrastructure réseau. Actuellement, le projet pilote (lancé en 2017) comprend 100MW de capacité de stockage répartis sur 5 sites.  Le projet a un coût de 100 millions d’euros d’investissements et sera opérationnel en 2020. (1)

Projet NICE GRID :

Nice Grid est un projet de quartier solaire intelligent ou smart grid mené de 2012 à 2016. 1500 personnes (300 foyers et 11 industriels) ont été impliquées dans ce projet pendant 4 ans afin d’étudier le couplage du solaire photovoltaïque, de solutions de stockage et d’un système de pilotage. Plus précisément, 200 batteries d’une capacité globale de 2MWh et 200 panneaux solaires ont été installés pour un budget de 30 M€.

Ce projet a confirmé l’intérêt du stockage pour l’écrêtage de la pointe. Autrement dit, lors de « pointes » de consommation, une solution de stockage permet de s’effacer du réseau  en ne consommant pas à ce moment-là et réduire ainsi le pic de demande. Ainsi en hiver, une réduction moyenne de 21% de la consommation par client a été mesurée sur la période de pointe de 18h à 20h (3). Par ailleurs, deux enjeux pour l’essor du stockage sont ressortis lors du bilan de cette expérimentation : la gestion de la disponibilité des batteries (pilotage des cycles de charge/décharge) et l’optimisation de la consommation des auxiliaires de stockage (trop importantes aujourd’hui).

La ville de Nice poursuit ses expérimentations sur les smart grids avec le projet interFlex qui débutera en 2018.

Projet MYRTE

La plateforme MYRTE* lancée en 2011 a eu pour objectif d’étudier le couplage de l’énergie solaire avec l’hydrogène comme solution de stockage. Plus particulièrement, ce projet a évalué la capacité du système à écrêter la pointe mais aussi à maintenir la qualité du réseau électrique en limitant les fluctuations et perturbations inhérentes à la production photovoltaïque. En pratique, elle est composée 3000m² de panneaux PV d’une puissance de 560 kW et une pile à combustible de 200 kW. * Mission hYdrogène Renouvelable pour l’inTégration au réseau Electrique (à la fin de l’article)

Le coût de fonctionnement de ce pilote industriel est trop élevé pour lui permettre de s’exporter tel quel. Cependant, elle a permis de démontrer le potentiel du vecteur Hydrogène et sert de référence pour de nouveaux projets et start-ups tels que :

  • Sylfen, une start-up qui commercialise un mini-électrolyseur réversible (4),
  • P.A.Corsica, projet industriel qui vise le déploiement d’une chaîne complète de production et de consommation d’hydrogène dédiée à la mobilité en Corse en déployant MYRTE à Bastia et Ajaccio… .

Dans les zones non interconnectées (ZNI) ou les îles telles que la Corse, l’électricité doit être produite et consommée sur place. De plus, le réseau, plus réduit, est également plus sujet à des perturbations. Enfin, en raison des contraintes techniques, les moyens de production existants sont également plus carbonés qu’en métropole. Repousser la limite des 30% d’ENR dans le réseau électrique est un véritable enjeu pour ces zones insulaires qui sont donc particulièrement propices au développement de solutions de stockage. (Au-delà de ce seuil, la règlementation prévoit la déconnexion des installations de production afin de prévenir d’éventuels déséquilibres du réseau et de garantir l’équilibre offre-demande (2)).

CONCLUSION

Si le marché des énergies renouvelables est en plein essor, celui du stockage reste encore hésitant. Pourtant en France, l’injection sur le réseau d’électricité verte issue de source intermittente (éolien, solaire) est limitée à 30% par la réglementation.  Ainsi pourquoi produire s’il n’est pas possible d’injecter cette énergie dans le réseau … à moins de pouvoir la stocker ?

Aujourd’hui le marché du stockage est en cours de structuration : il expérimente différents business models, développe l’efficience des technologies et développe des synergies avec d’autres marchés (production ENR, transport, smart city…).  Si de nombreux défis restent devant lui tel que la définition d’un cadre réglementaire européen de l’énergie stockée, son avenir s’annonce néanmoins prospère.

 

Sources :

  1. RTE : https://www.youtube.com/watch?v=Nx93NxPgn4I
  2. EDF : http://www.edf.com/fichiers/fckeditor/Commun/SEI/corp/Seuil-30-ENR-deconnexions.pdf
  3. EDF : https://www.edf.fr/collectivites/transition-energetique/references-et-realisations/nice-grid-quartier-solaire-intelligent-0
  4. ENERZINE : http://www.enerzine.com/energie-solaire-apres-myrte-la-plate-forme-paglia-orba-eclaire-la-corse/24236-2017-12

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to top