Quels business models pour la smart city africaine ? (2/3)

Dans ce deuxième article d’une série de trois consacrés à la smart city africaine, nous nous intéresserons aux business models qui y sont associés :

Quelles sont les solutions et les partenariats à mettre en place ? Quels sont les coûts/bénéfices à prévoir ? Éléments de réponse en 5 fiches synthétiques.

 

Selon un rapport de la Banque Mondiale paru en février 2017, « dès 2025, les villes africaines abriteront 187 millions d’habitants supplémentaires, soit l’équivalent de la population actuelle du Nigéria ». Pour supporter cet essor démographique, les villes du continent sont contraintes de repenser leur modèle afin d’offrir aux citoyens des infrastructures et des services publics plus adaptés, stables et respectueux de l’environnement. Dans ce contexte, le concept de « ville intelligente » ou smart city apparaît comme une piste sérieuse pour répondre aux questions urgentes liées au transport, à l’énergie ou au logement, mais aussi comme une opportunité pour faire prospérer l’économie numérique et le tissu entrepreneurial local.

A travers une série de trois articles intitulée « Un modèle africain pour la smart city », nous explorons les éléments de contexte et les initiatives d’ores et déjà déployées sur le continent afin d’identifier les spécificités et les business models clés de la smart city africaine.

L’objectif de cette deuxième partie est de préciser, à travers cinq fiches synthétiques, comment cette proposition de valeur ambitieuse peut se traduire concrètement dans les solutions et les partenariats à mettre en place, et quels coûts/bénéfices seraient ainsi générés pour les villes africaines.

Dans le premier article de la série, il était question des défis auxquels sont confrontés les villes du continent, et auxquels la smart city pourrait répondre. En conclusion de cette première partie, nous avions identifié trois grands leviers de développement des villes intelligentes en Afrique (voir infographie ci-dessous).

Résumé du premier article de notre série sur la smart city africaine

 

 

Quelles sont les solutions à mettre en place ?

1) Clarifier le système foncier et construire des logements abordables pour les citoyens et les entreprises locales

Dans le secteur immobilier, force est de constater que les efforts de construction de nouvelles habitations et le développement de logements sociaux sont insuffisants pour répondre à la demande croissante en ville, en particulier pour les ménages les plus défavorisés.

Néanmoins, d’après le média spécialisé Real Estech, les villes africaines peuvent résoudre cette crise du logement à condition d’« améliorer l’allocation du capital, [de] construire à coûts réduits et [de] fluidifier le marché de l’achat-vente-location ». Ainsi, en réussissant à attirer les investisseurs étrangers avec un système d’attribution des biens plus transparent et en innovant dans les techniques de construction, les villes seraient financièrement à même de proposer aux habitants des logements abordables dans le centre-ville.

Sources : Real Estech, Bitland, Global Construction Review, Startup.info

 

 

2) Améliorer le réseau électrique de façon pérenne, augmenter les capacités de production grâce aux énergies renouvelables et déployer les smart grids et les solutions « hors réseau »

Lors d’un colloque en 2011, Henri Boyé, membre du Conseil général de l’Environnement et du Développement Durable et ancien Directeur Afrique à EDF, affirmait qu’« avec anticipation, renforcement des capacités (capacity building), formation et développement des compétences, le continent africain pourrait devenir le laboratoire des Smart grids de demain ».

Ainsi, concevoir les smart cities africaines implique d’anticiper de façon concomitante le développement des énergies renouvelables, le déploiement des smart grids sur les zones connectées et celui des solutions « hors réseau » (microgrids[1] à l’échelle de villages, par exemple, et kits solaires à l’échelle de foyers) ; tout en prévoyant les modes de financement adéquats.

Sources : Agence française de développement (AFD), Le Monde de l’Energie, Agence Ecofin, Jeune Afrique

 

 

3) Mettre en place des réseaux d’eau intelligents pilotés en coopération régionale, encourager l’innovation pour l’approvisionnement en eau potable et valoriser les eaux usées

La question de la gestion de l’approvisionnement en eau potable et de la maîtrise de la consommation est fortement critique, en particulier pour les pays sous pression du fait de l’urbanisation et des conditions climatiques. Dans ce cadre, la coopération des Etats pour une gestion globale des ressources en eau semble primordiale.

En outre, fournir l’accès à une eau potable saine suppose de mettre en place des réseaux d’eau intelligents permettant une meilleure maîtrise de la consommation des habitants et des entreprises ; ainsi qu’une détection et une résolution facilitées des incidents (fuites, pollution de l’eau).

Cette gestion intelligente de l’eau doit inclure le traitement effectué en aval (traitement et réutilisation des eaux usées) pour alléger la demande et limiter les pertes pour les sociétés gestionnaires.

Sources : CityTaps, Startups Sociales, Banque Mondiale, Groupe Odial Solutions, Veolia

 

 

4) Investir dans les infrastructures et les systèmes d’information nécessaires à une gestion intelligente et participative des déchets en ville, et encourager le développement de méthodes innovantes de valorisation

La smart city africaine est une ville qui gère ses déchets en temps réel, avec des équipements et des infrastructures adaptés, ainsi que des comportements citoyens responsables et respectueux de l’environnement. Là encore, le premier levier d’action est l’investissement (d’origine locale ou extérieure) dans les éléments essentiels d’un système de gestion des déchets intelligents (camions de collecte, poubelles, centres de tri, système d’information géographique voire plateforme de données urbaines…).

Le second levier est la valorisation des déchets au sens large (recyclage, valorisation énergétique). En effet, démocratiser le recyclage et la valorisation énergétique des ordures ménagères permettrait de générer des revenus à partir d’une matière première « gratuite », qui constitue par ailleurs un réel problème de santé publique du fait des maladies qu’engendrent les nombreuses décharges à ciel ouvert (notamment via la contamination des nappes phréatiques).

Sources : Jeune Afrique, MOPA, Le Monde, Géopolis (France Info)

 

 

5) Désengorger la ville en encourageant le transport collaboratif et en intégrant le transport artisanal dans l’offre de transport public

Dans le domaine du transport comme dans les précédents, des investissements massifs sont nécessaires pour adapter la voirie aux besoins des habitants.

Néanmoins, des mesures au coût moins important peuvent être mises en place dès à présent. En particulier, les problèmes de congestion urbaine peuvent être grandement réduits par l’amélioration du transport public le développement de pratiques collaboratives telles que le covoiturage à courte et longue distance, ainsi que l’intégration du transport artisanal (minibus, taxis collectifs et autres mototaxis) dans la gestion de la ville.

Sources : Mediaterre, Accra Mobility, WaitMoi

 

En définitive, les business models innovants et pérennes pour développer la smart city africaine ne manquent pas. Dans tous les secteurs d’activité évoqués, on constate que d’importants investissements sont à prévoir pour la transformation des infrastructures, de même que la poursuite des nombreuses initiatives innovantes locales.

Ces évolutions ont inévitablement un impact sur les modèles de gouvernance, qui doivent alors se transformer pour mobiliser les acteurs pertinents dans un contexte de transformation digitale (citoyens, employés des collectivités, acteurs IT, entreprises gestionnaires, autres acteurs économiques…), en s’appuyant davantage sur l’intelligence collective.

 

Le troisième et dernier volet de la série portera sur les possibilités qui s’offrent aux villes africaines en termes de gouvernance et d’interactions entre les différents acteurs économiques, pour un développement inclusif et pérenne.

 

Notes :

[1] « Les microgrids sont des réseaux électriques de petite taille, conçus pour fournir un approvisionnement électrique fiable et de meilleure qualité à un petit nombre de consommateurs. Ils agrègent de multiples installations de production locales et diffuses (micro-turbines, piles à combustible, petits générateurs diesel, panneaux photovoltaïques, mini-éoliennes, petite hydraulique), des installations de consommation, des installations de stockage et des outils de supervision et de gestion de la demande. Ils peuvent être raccordés directement au réseau de distribution ou fonctionner en mode îloté. » (Source : Smart grids – CRE)

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