Nouveau nucléaire : un atout indéniable pour décarboniser le système énergétique et soutenir le développement des EnR

En décembre 2015, dans le cadre de la conférence de Paris sur le climat (COP 21), 195 pays décident d’adopter des mesures visant à maintenir le réchauffement planétaire en dessous des 2°C d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle (1861-1880). Identifiée comme principal facteur du réchauffement climatique, l’émission des gaz à effets de serre doit être réduite. Lorsque l’on s’intéresse à la répartition sectorielle des émissions de CO2 dues à la combustion d’énergie dans le monde, on s’aperçoit que la production d’électricité domine largement avec près de 40% de l’émission total des GES. Cette statistique alarmante est en majeure partie due à l’utilisation massive des centrales à combustion fossiles (charbon, fioul, gaz …) pour palier l’intermittence des énergies renouvelables dans la transition énergétique. Pourtant peu représenté dans le mix énergétique (10% à l’échelle mondiale), le secteur du nucléaire, avec son empreinte bas carbone et sa stabilité, pourrait soutenir le développement des énergies vertes. Plus performant, davantage sécurisé, le nouveau nucléaire fait surface, qu’en est-il de son utilité dans la décarbonisation du système énergétique ?

Qu’est-ce que le nouveau nucléaire ?

Le nouveau nucléaire regroupe l’ensemble des réacteurs arrivant sur le marché mondial, permettant à la fois de participer à la stabilité de la fourniture de l’électricité, à la décarbonisation et à la sécurité de l’énergie produite.

De façon très synthétique, le nouveau nucléaire permet de :

  • Garantir une meilleure sécurité avec notamment la prise en compte d’évènements externes très rares, une meilleure considération du stockage du combustible usé et une indépendance des systèmes impliqués dans différents niveaux de défense en profondeur ;
  • Participer au développement des énergies renouvelables en garantissant une stabilité de l’énergie électrique produite.

Horizon de développement du nouveau nucléaire

Aujourd’hui les premiers réacteurs du nouveau nucléaire en construction correspondant à la 3ème génération avancée sont prévus pour des mises en service dès 2020. La génération suivante, prévue à partir de 2040, utilisera la technologie de réacteurs à neutrons rapides. Elle sera plus performante et respectera les critères d’optimisations définis pour la 3ème génération avancée.

Quel est son rôle dans la transition énergétique ?

Etude des scénarios AIE

La volonté de diminution des rejets carbonés en vue du respect de l’Accord de Paris contraint le mix énergétique à être repensé. D’un côté certains prônent le développement fulgurant des énergies renouvelables en sortant du nucléaire, d’autres envisagent un accompagnement progressif de la filière vers une transition renouvelable.

Le nucléaire apparaît en position de leader dans le « zéro émission » suivi de très près des EnR. Cependant, à l’inverse des énergies renouvelables, le nucléaire à le grand désavantage de rejeter des déchets radioactifs nocifs sur le long terme.

Pour mieux comprendre le rôle du nucléaire dans la décarbonisation du système énergétique, analysons de plus près les différentes trajectoires énergétiques à horizon 2040 construites par l’AIE dans le rapport annuel WEO. Ces scénarios tiennent compte dans la construction de leurs modèles de l’ensemble des mesures gouvernementales en vue du respect l’accord de Paris.

Scénario d’augmentation annuelle de la capacité des EnR pour palier une diminution drastique du nucléaire dans la production d’électricité Européenne

En s’intéressant aux trajectoires définies par l’AIE pour la production de solaire et éolien entre 2018 et 2040, on soulève une grande difficulté de fourniture d’électricité d’origine renouvelable lorsque le nucléaire est peu à l’appui dans le mix énergétique.

Scénario d’augmentation annuelle de la capacité de production d’électricité, en GW, d’éolien et solaire en EU entre 2018 et 2040 selon l’AIE

En se fiant aux analyses de l’AIE, l’éolien et le solaire devraient jouer un rôle primordial pour palier une diminution du nucléaire. Il ne faudrait pas moins de 12 GW d’éolien et 7 GW de solaire annuelles supplémentaires pour combler une diminution du nucléaire dans la production d’électricité en Europe. L’AIE émet de réels doutes sur la capacité des énergies renouvelables à doubler leur production annuelle d’ici 2040 pour combler le manque provoqué par une forte diminution du nucléaire dans le mix énergétique :

  • D’un côté, les filière éoliennes et solaires font preuves de fortes avancées. En particulier, la filière éolienne peut prétendre à produire davantage et de manière plus sécurisée grâce au développement de sa filière offshore ;
  • De l’autre côté, de réels progrès restent à faire pour palier le stockage et la demande grandissante en électricité. Des progrès relatifs à l’efficience énergétique devront, par exemple, être réalisés par l’intermédiaire d’outils digitaux « smart ».

L’intermittence des EnR vs la stabilité du nucléaire

En comparant la production hebdomadaire d’électricité du nucléaire au solaire combiné à l’éolien, l’intermittence des énergies renouvelables soulève un réel frein dans l’accessibilité à l’électricité.

Moyenne de production d’électricité, en TWh, pour une semaine de nucléaire comparé à une meilleure et pire semaine de production d’électricité Eolien&Solaire en 2016 (AIE)

Une mauvaise semaine de production d’électricité d’origine renouvelable représenterait une perte de 9 TWh soit environ 200 millions de panneaux photovoltaïques à l’arrêt. En comparaison, le nucléaire garantie une constance dans sa production d’électricité.

Afin de palier l’intermittence du renouvelable solaire et éolien, des alternatives se développent :

  • L’accompagnement du solaire et de l’éolien via la biomasse. Cette stratégie fut adoptée par le Danemark afin de garantir une production d’électricité stable avec un stockage plus aisé. Néanmoins, il parait difficile de transcrire ce modèle à l’échelle Européenne pour des questions durables de la biomasse.
  • Le développement de la technologie H2/power permettrait de donner de la flexibilité sur le long terme. L’intérêt résiderait dans la possibilité d’utiliser les conduits à gaz préexistants et de stocker le gaz plus facilement.

Le développement 100% renouvelable semble difficile sans l’appui du nucléaire pour décarboniser le système énergétique. Des exemples à l’appui tels que le Japon ou l’Allemagne démontrent une réelle difficulté de décarboner son système énergétique tout en sortant rapidement du nucléaire.

Des exemples de sorties du nucléaire très carbonées

Une transition énergétique décarbonée au ralenti en Allemagne

Dénonçant un risque sécuritaire trop élevé, l’Allemagne décide de sortir du nucléaire en 2011 afin de donner une place prépondérante au renouvelable dans son mix énergétique. Cependant, le développement des énergies renouvelables peine aujourd’hui à satisfaire la demande grandissante d’électricité si bien que la production se tourne majoritairement vers l’exploitation des énergies fossiles.

Répartition de la production brute d’électricité en Europe, Allemagne et en France

Le système énergétique allemand est à la traîne dans la décarbonisation de son système énergétique. Au total, avec 760 millions de tonnes de CO2 émis en 2012 (soit plus de 2 fois plus que la France), l’Allemagne est le premier pays émetteur de GES dans l’Union Européenne. L’augmentation importante de la part du renouvelable ne semble pas suffisante pour combler le manque provoqué par la diminution importante du nucléaire (ex : en 2012, l’année suivant la décision de sorti du nucléaire, 16 réacteurs de 8,3 GW sont fermés, provocant un saut de 5,5 % de la part de la production d’électricité des centrales à charbon). Avec seulement 2% de diminution par an, les combustibles fossiles demeurent majoritaires dans la production électrique allemande rendant désormais difficilement atteignable les objectifs fixés par l’Accord de Paris.

En dépit d’une réelle volonté du gouvernement allemand de promouvoir le développement des énergies renouvelables, la priorisation de la sortie du nucléaire apporte de nombreux doutes sur la santé et la préservation de l’environnement. Une sortie plus progressive du nucléaire aurait pu combler le besoin intermittent des énergies renouvelables et ainsi diminuer de manière plus importante la production d’électricité carbonée.

Le Japon fait le choix de relancer la filière nucléaire pour décarboner son système énergétique

Depuis la sortie du nucléaire du Japon en 2011, les émissions de gaz à effet de serre provoqués par le développement massif des centrales à charbon et de gaz ne cessent d’augmenter. Le Japon désire aujourd’hui adresser ces problématiques en se fixant un objectif ambitieux de réduction de 80 % de ses émissions entre 2013 et 2050.

Mix énergétique Japonais à horizon 2030, selon le ministère de l’économie et des finances

Convaincu de son apport bas carbone et de sa stabilité, le gouvernement Japonais choisit de relancer le nucléaire. Selon le pays, la décarbonisation du système énergétique et l’accompagnement des énergies nouvelles doit passer par le soutient du nucléaire.

Conclusion

A ce jour, le cœur de la transition énergétique réside dans la conciliation du développement renouvelable, l’assurance d’une décarbonisation efficace et un accès à l’électricité à tous. L’accord de Paris semble en danger face à un arrêt du nucléaire dans le mix énergétique. L’exemple Allemand traduit une réelle difficulté pour les énergies intermittentes à pallier la sortie du nucléaire. Il apparaît ainsi nécessaire pour contribuer à une transition énergétique réussite, pour répondre aux enjeux de réduction des GES et au développement des énergies renouvelables, d’encourager une diminution modérée de la part du nucléaire.

 

Sources :

https://www.iea.org/publications/freepublications/publication/GECO2017.pdf

http://www.cea.fr/comprendre/Pages/energies/nucleaire/essentiel-sur-generations-reacteurs-nucleaires.aspx

https://www.iea.org/weo/weomodel/sds/

https://www.rte-france.com/sites/default/files/2016_bilan_electrique_synthese.pdf

https://ourworldindata.org/co2-and-other-greenhouse-gas-emissions

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/01/22/en-allemagne-le-charbon-n-a-pas-remplace-le-nucleaire_5066912_4355770.html

https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/07/03/sept-ans-apres-fukushima-le-japon-reprend-le-chemin-du-nucleaire_5325158_3234.html

http://www.cea.fr/comprendre/Pages/energies/nucleaire/essentiel-sur-generations-reacteurs-nucleaires.aspx

 

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