Libéralisation des marchés, quels bénéfices pour les consommateurs ? Retour sur la table ronde du médiateur de l’énergie

Ce jeudi 17 Octobre se tenait une table ronde autour de l’épineuse question de la libéralisation des marchés et réseaux de bien commun, historiquement publics. Organisée au sein des locaux de la CRE à l’initiative des équipes du médiateur national de l’énergie en partenariat avec Wavestone (voir l’article EnergyStream à son sujet), et animée par Clément Le Roy (Senior Manager Wavestone), celle-ci faisait à la fois intervenir des acteurs des télécoms, de l’énergie et du transport ferroviaire.

Une soirée présentée par Clément Le Roy comme un voyage d’un secteur à l’autre, avec différents niveaux d’avancement dans leur ouverture à la concurrence. En effet, le marché des télécoms a été entièrement libéralisé à la fin des années 90, quand celui de l’énergie s’est ouvert à la concurrence en 2007 pour l’ensemble des particuliers, et celui du transport ferroviaire de voyageurs en prendra le chemin en 2021. Dès lors, est-il possible d’identifier des tendances communes pour ces trois secteurs ?

Pour trouver des éléments de réponse, 5 intervenants ont tour à tour pris la parole :

Alain BAZOT – Président de l’UFC-Que Choisir
Pierre-Jean BENGHOZI – Directeur de recherche au CNRS et ancien membre de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (Arcep)
Michel COMBOT – Directeur général de la Fédération Française des Télécoms
Jean GHEDIRA – Directeur Général Adjoint Clients et Services et membre du Comité Exécutif de SNCF Réseau.
Jean GAUBERT – Médiateur national de l’énergie

Début de la table ronde en présence des 5 intervenants

Entre rétrospective et projections vers le futur, quelle place pour le consommateur dans ces mouvements d’ouverture ?

La première thématique de ce débat a concerné l’héritage de l’ouverture à la concurrence des télécoms. Représentant leur Fédération, Michel Combot a d’abord souhaité mettre en avant les évolutions de ce premier grand réseau libéralisé. Une ouverture pour lui symbole de réussite, avec 70 millions d’abonnés à la téléphonie mobile, 30 millions au haut débit, une hausse continue des investissements nationaux ou internationaux (jusqu’à 10 milliards d’euros par an, par exemple sur la fibre ou les réseaux 5G), et des prix parmi les plus bas au monde. Pierre-Jean Benghozi, salue également les « succès industriels » de la libéralisation des télécoms, et interroge à son tour sur la notion de « qualité » et de « normalisation » des offres pour les consommateurs, que l’ouverture à la concurrence rend plus libres, mais potentiellement plus vulnérables face au marché.

Ayant longtemps combattu certaines pratiques abusives avec l’UFC que Choisir, Alain Bazot rappelle de son côté que l’ouverture à la concurrence ne s’est pas faite sans pots cassés pour les consommateurs, avec notamment la cartellisation du marché des télécoms par ses trois principaux acteurs au début des années 2000. Il aura en effet fallu l’irruption d’un nouvel entrant aux offres très agressives pour véritablement innover et enfin aller dans le sens des consommateurs. Pour lui, et bien qu’il soit difficile d’avoir une vision globale en raison des disparités techniques et législatives entre télécoms, énergie et transport, l’ouverture à la concurrence apporte avant tout de la complexité, de l’agressivité commerciale, et un consommateur moins paisible.

« La vie du consommateur n’est plus un long fleuve tranquille » – Alain BAZOT

Pour Jean Gobert, le degré d’ouverture à la concurrence d’un secteur ne se mesure que sur les changements d’opérateurs, dont le nombre important devrait refléter un dynamisme concurrentiel. Concernant l’énergie, de plus en plus de consommateurs savent que le marché est désormais ouvert, mais seuls 25% ont sauté le pas d’un changement de fournisseur d’électricité. Rappelant également que « c’est seulement la molécule de gaz ou l’électron qui sont en concurrence », et non les réseaux et la fiscalité qui eux demeurent les mêmes, le médiateur a également mis en avant la difficulté que représente l’innovation sur un tel marché. Celui-ci s’est par ailleurs réjoui que le réseau reste unique, afin de ne pas entrainer de trop grosses disparités entre territoires et un déclin des réseaux les moins rentables.

Le régulateur : un rôle clé d’interface entre consommateur et fournisseurs

De réseau unique, il en est également question dans le secteur ferroviaire, dont les fragiles infrastructures ouvertes restent entre les mains de SNCF Réseau. Auprès du secteur « Voyageur Conventionné » des TER, régit par les régions, SNCF réseau joue ainsi un rôle de conseil et d’appui aux collectivités. Un rôle que l’entreprise publique délaissera au profit d’une casquette de régulateur sur l’«Open Access» et l’ouverture libre de nouvelles lignes, TGV ou non. Selon Jean Ghedira, l’objectif pour SNCF Réseau sera bien d’augmenter l’offre de voyages pour les consommateurs, au nom de qui le gestionnaire du réseau se doit de conserver sa neutralité pour de favoriser une concurrence saine, tout en adaptant sa politique de péages afin de ne pas menacer la desserte des lignes peu rentables.

Côté télécoms, Michel Combot parle lui d’une somme de contraintes et de régulations parfois contradictoires, mais qui ont tout de même replacé les enjeux du consommateur au centre des débats. Pour Jean Ghedira, l’énergie est tout de même un secteur à part, où Etat, producteurs et distributeurs se doivent de tomber d’accord sur les modalités de l’équilibrage production/consommation, et donc fournisseurs/consommateurs. Pour lui, s’il existe effectivement des contradictions fortes, notamment sur l’implantation des infrastructures du réseau, la démarche du régulateur est bien celle de la limitation maximale des nuisances, pour tous.

Pierre-Jean Benghozi conclut que le régulateur se doit de rester puissant malgré un périmètre d’action de plus en plus étendu. Le monde politique a, en effet, tendance à régulièrement renvoyer les questions sensibles vers le régulateur, en s’évitant ainsi de trancher des questions clivantes alors que selon lui « la barque du régulateur est assez chargée ».

Quel rôle du médiateur face à ces différents marchés ?

L’ouverture à la concurrence est-elle une prise de pouvoir ou un cercle vicieux pour le consommateur ? Il n’existe pas de réponse tranchée que ce débat aura pu mettre en lumière, mais face à des intensités concurrentielles fortes et des stratégies de marché agressives, la protection des consommateurs par des institutions similaires à celle du médiateur de l’énergie semble plus que jamais nécessaire.

Une utilité par ailleurs reconnue par tous les acteurs du secteur de l’énergie, dont quelques témoignages sont compilés dans la vidéo ci-dessous.

A quelques semaines de la fin de son mandat, Jean Gaubert continue de saluer tout l’engagement de l’institution en souhaitant tout le courage nécessaire à son successeur en passe d’être désigné.

L’intégralité de ce riche débat est à retrouver en vidéo sur le site du médiateur de l’énergie.

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