| Auditorium du MEDEF le 25 septembre, salle comble, effervescence palpable, mais sans ministres du fait du contexte politique mouvant : la filière gaz s’est rassemblée en « cousinade » — selon la formule de Catherine MacGregor — pour parler actions, souveraineté et compétitivité. Voici ce qu’il faut en retenir. | 
UN SECTEUR MOBILISE POUR UNE TRANSITION COMPETITIVE
Frédéric Martin, Président de France Gaz, a ouvert un congrès « placé sous le signe de l’action », avec un message fort : accélérer la transition énergétique tout en préservant la compétitivité et la pérennité du tissu industriel français, pilier de notre modèle social. Si la consommation de charbon baisse, la demande énergétique mondiale continue d’augmenter, tirée par le numérique et les pays émergents, et 80 % de l’énergie mondiale reste fossile. En Europe, les objectifs de nouveaux gaz ont été fixés, mais le rythme reste trop lent pour faire face aux enjeux.
Dans ce contexte, la filière gazière française se mobilise : elle revendique son rôle clé dans la décarbonation, aux côtés de l’électrification. « On nous reproche d’être contre l’électrification : c’est faux », a rappelé Frédéric Martin. Le gaz et l’électricité ne s’opposent pas : ils se complètent.
Toutefois, l’absence de ministres a rappelé une dépendance aux signaux publics : la filière ne peut avancer sans pouvoirs publics, bien qu’elle soit au rendez-vous : le biométhane dépasse les objectifs fixés par la PPE, 800 méthaniseurs devraient être installés fin 2025, 1 GW installé pour l’H?, et le CO? biogénique et le CCUS sont en effervescence.
Les attentes vis-à-vis de l’État sont explicites : un soutien politique et financier clair, le respect de la neutralité technologique, la reconnaissance du rôle du gaz dans la transition énergétique, une application rigoureuse mais sans sur?réglementation des règles européennes, et l’accélération du développement des nouveaux gaz (pyrogazéification et power?to?méthane, notamment).
En conclusion, Frédéric Martin a lancé un appel collectif : « Faisons ensemble ! », saluant la diversité des acteurs présents — réseaux, industriels, producteurs, filières déchets et agricoles.
LES CONVICTIONS DE CATHERINE MACGREGOR : FIL CONDUCTEUR DE LA TRANSITION
Catherine MacGregor, CEO d’ENGIE, est intervenue lors d’un temps fort de la journée. Avec conviction, elle a rappelé que « chez ENGIE, nous pensons que le gaz a toute sa place dans l’ambition net zéro carbone », et réaffirmé la philosophie du groupe : « Nous croyons à l’alliance de l’électron et de la molécule. »
Conviction 1 : la transition ne se fera pas sans gaz
Le gaz représente une part considérable du mix énergétique et reste indispensable pour les secteurs non électrifiables : industrie lourde, transport maritime et aérien notamment.
Sa flexibilité, sa stockabilité et sa capacité d’export en font un pilier de la sécurité énergétique.
Conviction 2 : la molécule peut être décarbonée
Le défi est considérable, mais il est à notre portée. Le biométhane dispose d’un potentiel de 235 TWh en 2050, et l’innovation doit être pleinement mobilisée. ENGIE mise sur son ancrage local, en lien avec les communes, les industries agroalimentaires et les agriculteurs.
D’après une étude réalisée récemment par le groupe, 81 % des Français ont une opinion favorable du gaz vert, un signal fort d’acceptabilité.
Conviction 3 : un cadre propice est nécessaire
La guerre en Ukraine a rappelé l’importance du gaz pour la souveraineté européenne. Le gaz vert a aujourd’hui le vent en poupe, mais son développement dépend d’un cadre politique stable et incitatif : financement de l’hybridation plus abordable pour les ménages, visibilité de long terme et soutien clair aux investisseurs sont essentiels pour bâtir une filière pérenne.
Conviction 4 : la transition doit rester abordable
Performance, innovation et digitalisation doivent permettre de maîtriser le coût de la molécule. La production locale aide à contenir les prix, à condition de trouver l’équilibre entre taille des projets et acceptabilité locale. « Notre responsabilité : rester compétitifs pour les consommateurs et les industriels, et réconcilier le local, le national et l’européen. »
LES CONFIRMATIONS DU TERRAIN : QUAND LES CONVICTIONS DEVIENNENT ACTIONS
Les échanges des tables rondes ont donné vie aux convictions défendues par Catherine MacGregor, révélant une filière qui agit déjà sur le terrain tout en affrontant ses contradictions.
Les territoires, moteurs de la décarbonation
Sur le terrain, la dynamique est bien réelle. Carolle Foissaud, Présidente et Directrice Générale de Téréga, via Téréga Solutions, déploie une offre locative dédiée à la méthanisation agricole, pour soutenir les agriculteurs dans la mise en place de leurs unités. Elle milite aussi pour un partage de la valeur et une meilleure acceptabilité locale, qu’elle favorise en renforçant l’ancrage local.
Cette logique de coopération territoriale se retrouve également chez Cécile Prévieu, Directrice Générale Adjointe en charge de la GBU Networks d’ENGIE, qui appelle à soutenir les projets locaux de biométhane. Ces initiatives concrètes montrent que les collectivités, les agriculteurs et les énergéticiens partagent une même ambition : rendre la transition accessible et ancrée dans les territoires.
Jean-François Delaitre, Président de l’Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France (AAMF), a rappelé la mobilisation des agriculteurs méthaniseurs, tout en dénonçant des démarches administratives trop lourdes : « La confiance se gagnera sur le terrain. Venez nous voir, sortez de ce salon magnifique ! »
La valorisation des déchets, un potentiel sous-exploité
Pour Muriel Olivier, Déléguée Générale de la Fédération Nationale des Activités de la Dépollution et de l’Environnement (FNADE), le secteur des déchets est en pleine mutation et peut doubler sa production d’énergie d’ici 2030 grâce à la valorisation organique, au biogaz et à la pyrogazéification.
Cette énergie issue des déchets constitue une source locale, résiliente et décarbonée, capable de renforcer la souveraineté énergétique des territoires.
En un mot, la décarbonation se joue ici et maintenant, dans les territoires, là où se croisent innovation, pragmatisme et engagement collectif. : quand les convictions deviennent actions.
DES DEFIS A RELEVER COLLECTIVEMENT
Stabilité, visibilité et planification : trois maîtres-mots qui ont traversé toutes les interventions.
Emmanuelle Wargon, Présidente de la CRE, a rappelé la nécessité d’un cadre stable et prévisible pour accompagner la transition. Les tarifs du gaz devraient rester relativement stables pendant quatre ans grâce à la refonte des grilles tarifaires, mais le dispositif de Certification de Production de Biogaz (CPB) devra être soutenable dans la durée pour ne pas fragiliser la filière. Elle a aussi pointé une injonction contradictoire : « Développer les gaz verts tout en réduisant drastiquement la consommation de gaz », un exercice d’équilibriste difficile sans planification claire ni vision de long terme.
Cette instabilité n’est pas propre au gaz. Emmanuelle Wargon a pris l’exemple de la rénovation énergétique pour illustrer la volatilité des politiques publiques : « MaPrimeRénov’ a changé 15 fois, et c’est 14 de trop ». Pour les acteurs de la transition, ces variations successives freinent la confiance et retardent les investissements.
Au-delà du cadre réglementaire, les défis sont aussi technologiques, économiques et sociétaux. NaTran déploie un réseau H? de 1 000 km à horizon 2030, démontrant que la filière se structure, mais rappelle que l’innovation doit aller de pair avec la compétitivité. Rendre la transition abordable pour tous — ménages comme industriels — demeure une priorité, alors que le gaz vert coûte encore plus cher que le gaz fossile.
Enfin, la réussite dépendra de la capacité collective à concilier vitesse et acceptabilité locale. Les acteurs appellent à un dialogue territorial renforcé et à un partage de la valeur pour faire de la décarbonation une opportunité économique et sociale, pas une contrainte.
En somme, la transition ne manque ni de solutions ni d’engagements, mais de stabilité, de cohérence et de cap collectif pour transformer l’élan actuel en trajectoire durable.
EN CONCLUSION, UNE TRANSITION COLLECTIVE ET COHERENTE
Après une journée d’échanges, il semble faire consensus que la filière gaz se projette avec lucidité : l’électrification ne suffira pas, et le gaz décarboné peut en être le partenaire stratégique. Le rendez?vous 2030 se jouera sur la cohérence des politiques publiques, la stabilité des règles et la confiance entre État, industriels, territoires et citoyens.
« Faisons ensemble ! » — l’appel de Frédéric Martin résonne comme un écho au credo de Catherine MacGregor : allier l’électron et la molécule pour une transition à la fois crédible, compétitive et partagée.


 
                                            