Transition énergétique et nucléaire : les questions centrales du débat – 1ère partie

Suite aux chocs pétroliers des années 1970, la France devait se tourner vers de nouveaux modes de production énergétique répondant à des problématiques économiques, géopolitiques et environnementales. Le nucléaire, synonyme de baisse du prix de l’électricité, de diversité des sources d’approvisionnement et d’abaissement du taux d’émissions de CO2 fut la réponse. Seulement, est-ce que Transition énergétique et Nucléaire riment encore aujourd’hui ? Pour comprendre LE débat sur le nucléaire, il faut s’attaquer à tous LES sous-débats qui en découlent. Éclairage sur cet eldorado français pas si franco-français que ça.

Le parc nucléaire français

La France compte aujourd’hui 19 centrales nucléaires pour un total de 58 réacteurs nucléaires. Ce parc d’une puissance de 63 200 mégawatts, permettant d’assurer 78% de la production d’électricité, soit 17,7% de la production d’énergie finale, est le deuxième plus grand du monde, derrière les États-Unis.

carte des réacteurs nucléaires en France
Source : wikipedia

Indépendance énergétique : réalité ou mythe ? – 1er round

Le taux d’indépendance énergétique est le rapport entre la production nationale d’énergies primaires (charbon, pétrole, gaz naturel, nucléaire, hydraulique, énergies renouvelables) et la consommation en énergie primaire, une année donnée. » (source : insee). En 2010, le nucléaire, source majeure de production électrique, permettait à la France d’afficher un taux d’indépendance énergétique de 51,2%. Bien qu’il s’agisse d’un indicateur officiel, la mise en avant de ce taux reste controversée et ce, pour deux raisons principales :

Evolution du taux d'indépendance énergétique en France depuis 1973

  • Ce taux serait basé sur une production d’énergie primaire à 80% d’origine nucléaire. Étonnant lorsque l’on a en tête un chiffre avoisinant les 20% en ce qui concerne la part de nucléaire dans la production d’énergie finale.  En réalité,  il faudrait tenir compte du fait que 2/3 de l’électricité primaire dans les réacteurs nucléaires seraient perdus sous forme de chaleur, réduisant nettement la contribution du nucléaire dans la production d’énergie finale.
  • Par ailleurs, ce taux ne tient pas compte du fait que la France importe à 100% l’uranium nourrissant ses centrales nucléaires, en provenance du Niger, du Kazakhstan et du Canada. Cependant, peut-on réellement reprocher à ce taux de ne pas prendre en compte les importations d’uranium lorsque l’on sait que la sécurité d’approvisionnement française en uranium est assurée ?  En effet, les gisements d’uranium sont très diversifiés géographiquement empêchant donc des conflits géopolitiques majeurs.

Quel que soit la validité de ce taux, on ne peut nier la véracité des chiffres qui montrent une augmentation progressive de l’indépendance énergétique française entre 1973 et 1990. Cette augmentation se produit parallèlement au développement du parc éolien.

Le taux d’émission de CO2 – 2ème round

Le nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre. Vrai ou faux? S’il est vrai que les réacteurs n’émettent pas de CO2 lorsqu’ils fonctionnent, l’émission de CO2 est non nulle sur l’ensemble du cycle de de vie d’une centrale. Le dégagement de CO2 pour 1kWh produit par le nucléaire avoisine les 6g/kWh bien que ce chiffre soit de nouveau controversé.

D’un côté, le CEA affirme que le nucléaire émet 4g/kWh , de l’autre,  le ministère de l’écologie et de l’environnement affiche 6g/kWh . Quant au chercheur Storm van Leeuwen, il vient assommer le débat en situant le taux d’émission de CO2 plutôt entre 84-130 g/kWh, sur la base d’un minerai enrichi à 0,13% d’uranium.

émission de CO2 des ENR et nucléaire
Les uns diront que le nucléaire émet moins de CO2 que les centrales thermiques. Les autres retiendront que les EnR n’en émettent quasiment pas. Dans tous les cas, la question n’est peut-être pas de se centrer sur les émissions de CO2 générées mais plutôt celles évitées par le nucléaire. D’après le CEA, le nucléaire permettrait d’éviter près de 50% des émissions de CO2.

Prix de l’électricité : 3ème round

Après le débat géopolitique et les risques liés à la santé et au changement climatique, intéressons-nous à la question économique Mais combien coûte cette électricité ? Aujourd’hui , le MWh d’électricité d’origine nucléaire avoisine les 40€. Ce prix comprend en théorie l’ensemble du cycle de vie du nucléaire mais il est souvent décrié que le prix est artificiellement bas. En effet, les centrales seraient déjà rentabilisées et les coûts du démantèlement, inéluctables étant donné notre parc vieillissant, seraient sous-estimés. Les durées de vie varient selon les réacteurs et nul ne peut réellement prévoir les dates de fermeture des centrales, en témoignent les discussions sur la fermeture de la centrale de Fessenheim . Cependant, les réacteurs de notre parc nucléaire ont été construits durant la même période et sont standardisés. Nous risquons donc de voir de nombreux réacteurs se fermer en même temps et il faudra alors accélérer la mise en place de notre bouquet énergétique pour ne pas déséquilibrer le réseau électrique. Que ce soit par  la construction de nouveaux réacteurs ou la mise en place d’autres moyens de production d’énergie, les coûts liés à cette fin de vie des centrales entraîneront a fortiori une hausse du prix de l’électricité.

Par ailleurs, François Hollande a affirmé vouloir diminuer la part du nucléaire de 75% à 50% sans toutefois parler de sortie du nucléaire. Pour l’instant, le gouvernement prévoit de fermer Fessenheim et de terminer la construction de l’EPR de Flamanville. Aucune autre fermeture n’a été officiellement annoncée. Comment l’objectif de diminution de la part du nucléaire va-t-il donc être atteint ? Cette réduction de nucléaire serait-il un retour aux énergies fossiles, à l’instar du Japon qui avait décidé d’une sortie précipitée du nucléaire?

Transition énergétique et nucléaire, la suite des débats très prochainement sur Energystream…

 

2 thoughts on “Transition énergétique et nucléaire : les questions centrales du débat – 1ère partie

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