Gaz de schiste : fracturation de la collaboration européenne

Le gaz de schiste continue à diviser. La commission européenne vient de publier les résultats d’une consultation engagée auprès de 22 000 citoyens de l’Union Européenne. Les 2/3 des participants ont déclaré être défavorables à l’exploitation de « gaz et pétroles non conventionnels ».

La fracturation hydraulique : une technique contestée

Le gaz de schiste est un gaz naturel piégé dans des roches argileuses. Pour l’obtenir, il faut fracturer la roche par injection d’eau et de produits chimiques tels que des lubrifiants et des produits antibactériens. Cette technique coûteuse est devenue rentable avec la hausse des prix du gaz. Elle s’inscrit également dans une stratégie d’indépendance énergétique vis-à-vis de pays producteurs de gaz naturel, comme la Russie qui en détient 20% des réserves mondiales.

La fracturation n’est pas sans conséquence sur l’environnement. Trois arguments sont généralement mis en avant pour décrier l’exploitation des roches de schiste. Premièrement, tel que démontré par différentes études, le « fracking » provoquerait des fuites importantes de gaz dans l’atmosphère. Par ailleurs, les produits chimiques utilisés peuvent s’infiltrer dans les nappes phréatiques. Enfin, la technique est gourmande en eau et peut avoir des effets dévastateurs sur les paysages.

L’exploitation de gaz de schiste s’est largement développée aux États-Unis et au Canada depuis une dizaine d’années grâce à des subventions et une législation favorable. Aujourd’hui, ce sont les deux seuls États au monde produisant du pétrole et du gaz de schiste en quantités commerciales.

Bataille entre lobbyistes en toile de fond

En Europe, l’idée ne fait pas l’unanimité. La politique énergétique reste le ressort de chaque Etat, mais l’UE peut imposer des normes, notamment environnementales.

Selon l’enquête de la commission européenne, la France, avec plus de 80% d’opposants,  fait partie des pays les plus hostiles à l’exploitation des gaz de schiste devant la Grèce, l’Estonie et la Lettonie. C’est en Pologne que l’opinion publique est la plus favorable. L’exploitation du gaz de schiste y est déjà prévue. La production devrait débuter en 2015 et sera exonérée d’impôts jusqu’en 2020.

Pour le moment, la législation encadrant l’exploitation du gaz de schiste en Europe reste faible. De nombreuses entreprises comme le norvégien Statoil ou le géant russe Gazprom ont déjà commencé à y réaliser des études de faisabilité. Mais certains, comme Jean-François Cirelli, vice-président de GDF-Suez, estiment que sans incitation législative comme aux États-Unis, les entreprises n’auront pas intérêt à se lancer.

C’est donc pour l’instant à chaque État membre d’autoriser ou non l’exploitation du gaz de schiste. La fracturation hydraulique est interdite en France depuis deux ans. Mais les compagnies pétrolières restent propriétaires de leurs droits miniers. Selon les mots de Christophe de Margerie, PDG de Total, cela leur permettra de conserver leurs ressources jusqu’à ce que des techniques plus « propres » d’exploitation se développent.

Selon un rapport de l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), « une exploration et une exploitation des hydrocarbures non conventionnels respectueuse de l’environnement est possible. » Pour cette organisation, qui veut « faire bouger le cadre législatif », il faut donc évaluer les ressources disponibles et mettre au point de nouvelles techniques d’exploitation. Laurence Parisot, présidente du Medef, y voit une occasion de réindustrialiser la France. Seul bémol du rapport, l’OPECST n’a interrogé que des industriels et des organismes de recherche favorables aux gaz de schiste.

L’Union Européenne déclare l’ouverture du débat

L’Union européenne semble enfin prête à lancer le débat. Connie Hedegaard, commissaire en charge du climat, estimait l’année dernière qu’il ne fallait pas « dire non d’emblée à une technologie ». L’UE devait alors soumettre aux États des normes communes en matière de sécurité et d’environnement.

Le 21 mai dernier, une réunion a eu lieu à Bruxelles pour définir la politique énergétique de l’Europe. Des mesures devaient être prises à l’heure où les prix du gaz américain sont désormais jusqu’à trois fois inférieurs aux prix pratiqués dans l’UE. «L’Europe risque de devenir le seul continent à dépendre de l’énergie importée», a indiqué le président du Conseil européen Herman Van Rompuy au cours de cette réunion. Ce « différentiel de compétitivité » entre les deux régions est d’autant plus gênant que les États-Unis exportent désormais leur charbon excédentaire vers l’Europe. En plus d’accroitre la dépendance économique de l’Europe, cette pratique incite à l’utilisation du charbon, qui va à l’encontre de l’objectif européen de réduction des émissions des gaz à effet de serre.

Lors d’une conférence de presse, François Hollande a demandé la création d’une « communauté européenne de l’énergie » sans pour autant la définir. Selon lui, c’est aux Etats membres d’en établir les objectifs de concert.

Pour le moment, le nationalisme énergétique semble persister, à défaut d’une initiative sérieuse conduite par l’Union Européenne. La problématique de l’énergie pourrait-elle permettre aux États membres de prendre conscience de leurs intérêts communs ?

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