Les sables bitumineux : quelques clés pour comprendre le débat (1/2)

La hausse constante depuis quelques années de la demande mondiale d’énergie, et le déclin des champs pétrolifères conventionnels a contraint les compagnies pétrolières à se tourner vers des pétroles plus lourds et moins accessibles. Parmi ces sources non conventionnelles d’énergie figurent en tête de liste, les sables bitumineux. Ces gisements considérables d’asphalte ont longtemps été laissés pour compte car considérés non rentables en raison de coûts d’exploitation trop élevés. Pourtant, ils sont devenus en l’espace de quelques années, la principale source d’intérêt des compagnies pétrolières qui se sont lancées dans une lutte sans merci afin de mettre la main sur ces champs d’or noir. Afin de comprendre les principaux enjeux des sables bitumineux, Energystream vous propose de faire un zoom sur cette source non-conventionnelle de pétrole.

Les sables bitumineux : qu’est-ce que c’est ?

Le sable asphaltique (« tar sand » en anglais), plus communément connus sous le nom de sable bitumineux, représente le troisième plus grand gisement prouvé de pétrole brut au monde avec une réserve prouvée de plus de 100 milliards de barils.

Né de l’oxydation bactérienne de brut conventionnel piégé dans des réservoirs rocheux, ce pétrole non conventionnel est un mélange naturel de sable quartzeux, d’argile minérale, d’eau et d’une forme très visqueuse et dense de pétrole brut que l’on appelle « bitume ». Chaque grain de sable est ainsi recouvert par une mince couche d’eau sur laquelle se dépose la pellicule de bitume qui n’excède pas 10 à 12% du volume global. Plus cette pellicule est épaisse, plus la valeur commerciale du sable est élevée.

Les sables bitumineux représentent des réserves de pétrole considérables

Selon le World Energy Council, les dépôts de sables bitumineux sont concentrés dans 598 sites répartis sur 23 pays. Les principales réserves se situent en Alberta (Canada) et dans le bassin du fleuve de l’Orénoque au Venezuela.
Les réserves prouvées de bitumes représentent aujourd’hui environ 100 milliards de barils mais seuls 10% sont considérés comme économiquement récupérables dans les conditions économiques et technologiques actuelles. Le total des réserves estimées s’élève à plus de 249 milliards de barils, dont 70,8% sont au Canada. Les sables bitumineux ont ainsi permis à ce dernier de se hisser au 3ème rang de réserves de pétrole mondial derrière le Venezuela et l’Arabie Saoudite.

L’exploitation des sables bitumineux est très complexe

Les sables bitumineux sont exploités et traités de manière à produire une huile semblable à celle pompée à partir des puits de pétrole conventionnel. Cependant, l’exploitation de ces gisements n’est pas aisée en raison de la solidité du bitume à la température du gisement et de la viscosité des hydrocarbures recueillis qui les rend intransportables en pipelines.

Les méthodes traditionnelles d’extraction de bruts extra-lourds par « production froide » sont inapplicables sur de tels gisements. Les compagnies pétrolières ont ainsi dû mettre en place des procédés d’extraction bien plus complexes que pour la récupération du pétrole conventionnel. Ainsi, seuls les exploitants historiques canadiens tels que Suncor et Syncrude, et quelques acteurs privés tels que Total  et Shell maîtrisent l’intégralité de la chaîne de valeur pétrolière.

Il existe de nos jours deux manières d’extraire le bitume et ce, en fonction de la profondeur du gisement :

Extraction à ciel ouvert :

Cette méthode est appliquée aux gisements se trouvant à moins de 75 m de profondeur, ce qui représente environ 20% des gisements découverts à ce jour. Cette méthode d’exploitation minière, similaire à l’extraction du charbon à ciel ouvert, passe par trois étapes clés :

L’extraction consiste à enlever la couche arable, la fondrière de mousse et la roche (le mort-terrain), donnant ainsi accès au gisement, qui a généralement entre 40 et 60 mètres d’épaisseur et repose sur un lit relativement plat de calcaire.

La séparation du bitume du sable par ajout de vapeur d’eau chaude (85°C) et de solvants.

La valorisation qui permet, en chauffant et en stockant le bitume dans des ballons où l’excédent de dioxyde de carbone (coke de pétrole) est extrait, de transformer le bitume brut, matière très visqueuse, pauvre en hydrogène, et riche en soufre et en métaux lourds, en pétrole brut «valorisé» de qualité élevée, d’une densité et d’une viscosité semblables à celles du pétrole brut léger, et à très faible teneur en soufre.

Récupération « in situ » :

Les réserves plus profondes (à plus de 300 m) ne permettent pas une exploration à ciel ouvert rentable et nécessitent la mise en œuvre de technologies plus complexes appelées « récupération thermique in-situ ». La plupart de ces méthodes sont basées sur l’injection de vapeur dans le gisement de sable bitumineux afin de liquéfier une partie du bitume et ainsi de permettre son écoulement jusqu’à la surface dans un puits de production.

Les deux principales technologies sont :

– la stimulation cyclique par la vapeur (CSS – Cyclic Steam-Stimulation) se déroule en 3 étapes, répétées cycliquement au sein du même gisement. Un cycle de cette technologie consiste à injecter dans le puits de production de la vapeur d’eau surchauffée jusqu’à environ 300°C ; le bitume est ensuite laissé tremper pendant plusieurs semaines avant le pomper par le même gisement qui a servi à l’injection de vapeur.

– le drainage par gravité assistée par la vapeur (SAGD – Steam Assisted Gravity Drainage) est la méthode in-situ la plus utilisée et consiste à forer deux puits horizontaux, l’un au dessus de l’autre. Celui du haut sert à ramolir le bitume en y injectant continuellement de la vapeur d’eau ; alors que celui du bas sert à pomper jusqu’en surface le bitume drainé.

Les hydrocarbures extraits sont très visqueux et très riches en souffre et en métaux lourds. Ils doivent donc être exportés vers des sites de conversion afin de les transformer en pétrole transportable en pipeline et commercialisable. Pour ce faire, deux méthodes sont utilisées :

Mélanger le brut lourd avec 30% d’hydrocarbures légers. Cette technique est toutefois freinée par le manque de disponibilité des diluants dans les pays producteurs.

Surcharger le bitume en carbone puis l’hydrogéner afin d’obtenir un mélange d’hydrocarbures proche d’un pétrole brut de bonne qualité.

Retrouvez la suite de cet article vendredi sur Energystream. Au programme : le coût d’extraction et de traitement d’un baril, les conséquences économiques de l’exploitation des sables bitumineux, leurs conséquences environnementales et les recherches en cours au service de la réduction de cet impact.

One thought on “Les sables bitumineux : quelques clés pour comprendre le débat (1/2)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to top