Entre énergie nucléaire, énergies fossiles et énergies renouvelables : quel mix énergétique possible pour le Japon post-Fukushima ?

Alors que le Japon abritait en 2011 le troisième parc nucléaire au monde, la catastrophe de Fukushima survenue le 11 mars 2011 a considérablement rebattu les cartes du mix énergétique dans l’archipel. Contraint de procéder à la fermeture progressive des 48 réacteurs du pays, le gouvernement japonais a ainsi dû réinventer sa politique en matière d’énergie.

Quel est l’impact de la relance nucléaire au Japon sur le développement des énergies renouvelables ?

Suite à l’incident de Fukushima, la part du pétrole et du gaz naturel liquéfié dans les importations totales a considérablement augmenté au Japon entre 2010 et 2013. De plus, si les importations de charbon sur la période ont connu une relative stabilité, les énergies fossiles représentaient toutefois 88 % du courant produit à l’échelle nationale en 2013.

Outre les énergies fossiles, le Japon a également mis l’accent sur la production d’énergies renouvelables, notamment photovoltaïques, afin de pallier l’arrêt de ses réacteurs nucléaires. À ce titre, une centaine de parcs solaires ont été mis en service à partir du mois de juillet 2012. Le volontarisme du gouvernement japonais en la matière a permis au pays de devenir en 2013 le deuxième investisseur mondial en énergies renouvelables derrière la Chine et de faire passer la capacité installée de l’énergie solaire au Japon de 2,5 GW à 23 GW entre 2010 et fin 2014.

Néanmoins, confronté à la nécessité de réduire la dépendance énergétique de l’archipel, de même que sa facture énergétique et ses émissions de gaz à effet de serre, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a fait de la relance du nucléaire un de ses chevaux de bataille. Ainsi, malgré les réticences d’une part importante de la population, mais dans le respect, toutefois, des normes de sécurité définies par l’Autorité de Régulation Nucléaire (ARN), le gouvernement japonais envisage de porter la part de l’énergie nucléaire dans la production totale de courant du pays à 22 % d’ici 2030. Bien que, dans le même temps, les objectifs fixés en matière d’énergies renouvelables s’élèvent à 24 %, le revirement du gouvernement japonais sur le dossier nucléaire laisse planer un doute sur sa capacité à entretenir la dynamique des énergies renouvelables. Par ailleurs, l’ambition affichée par le Japon en juin 2015 à l’occasion du sommet du G7 de réduire de 25,4 % par rapport à 2013 les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 est apparue insuffisante aux yeux de ses partenaires européens.

Les énergies renouvelables au Japon : une filière privilégiée soumise à quelques incertitudes

Malgré les objectifs quelque peu décevants annoncés à l’été 2015, le Japon tente de relancer une dynamique à travers de multiples initiatives en faveur
des énergies renouvelables, notamment au niveau local. À titre d’exemple, le gouverneur de Tokyo a lancé un fonds public-privé réunissant près de 10 milliards de Yen (80 millions d’euros) afin de développer les énergies renouvelables dans la mégalopole.

Par ailleurs, le gouvernement local de la préfecture de Fukushima a acté le projet d’atteindre 100% d’énergies renouvelables d’ici 2040 ; une initiative ambitieuse dont l’installation récente d’un champ d’éoliennes flottantes permettant d’alimenter des milliers d’habitations a constitué le point de départ. De plus, ce projet pose les bases de la production énergétique renouvelable et plus particulièrement de l’hydroélectricité dans l’archipel.

Des investissements massifs en faveur du solaire à surveiller de près

Suite à la catastrophe de Fukushima, le gouvernement a lancé en 2012 une vaste campagne de soutien à l’énergie solaire. Le Japon a ainsi mis en place un tarif d’achat bonifié à l’ampleur inégalée dans le monde (40 yens / 30 centimes d’euros le kilowattheure). L’objectif était d’inciter les initiatives privées et d’assurer la construction de parcs éoliens pour couvrir les besoins de la population. En 2013, les investissements dans le photovoltaïque ont triplé de volume par rapport à 2010 et en un an le Japon a acquis une puissance équivalente à celle observée en Espagne. Cette dynamique n’a pas faibli, puisqu’en 2014 le pays s’est hissé au 2ème rang mondial avec 9,7 GWc installés au cours de l’année.

Cependant, cette politique de soutien n’est pas sans risque. En effet, de nombreux promoteurs montent un dossier de projet solaire pour bénéficier du tarif bonifié, mais attendent une baisse des prix du matériel solaire pour lancer leur chantier. Cette problématique, véritable frein au développement des parcs solaires, nécessitera sans doute l’intervention du gouvernement.

La filière de l’hydrogène comme filière d’avenir

Le Japon mène une politique volontariste depuis 2004 en faveur du développement de la filière hydrogène énergie. En effet, dans ce contexte de mutation énergétique, l’hydrogène constitue un moyen de répondre à la problématique de stockage des énergies renouvelables intermittentes (éolien, solaire…) et peut être utilisé comme prolongateur d’autonomie des batteries pour les véhicules électriques, pour alimenter les chariots élévateurs et téléphones portables ou pour doper le rendement des unités de cogénération. Ainsi, depuis 2014, le gouvernement subventionne d’une prime de 2 millions de Yen (14.600 euros) l’achat d’une voiture à hydrogène ; une démarche qui traduit la volonté de créer un véritable dynamisme autour de cette filière.

Dans une logique similaire, Tokyo ambitionne de devenir la capitale mondiale de la voiture à hydrogène. A l’occasion des Jeux Olympiques d’été 2020, la capitale nippone désire mettre en avant les véhicules équipés d’une pile à combustible, tandis que l’objectif fixé pour 2025 est de voir circuler 100 000 véhicules de ce type.

Enfin, JX Nippon Oil & Energy, géant du pétrole et fournisseur d’électricité, a annoncé la construction d’une infrastructure nationale de production, distribution et vente d’hydrogène au Japon, commençant ainsi à concurrencer les véhicules électriques sur le créneau des voitures “propres”. Le géant japonais Toyota vient d’ailleurs d’annoncer le triplement de la production de sa voiture à pile à combustible roulant à l’hydrogène, « Mirai », pour répondre à l’engouement suscité par cette berline.

Alors que le Japon a connu une période difficile suite à l’accident de Fukushima en 2011, le pays semble déterminé à s’imposer dans le paysage énergétique mondial. Malgré les doutes planant sur le développement des énergies renouvelables au regard de la relance du nucléaire, le pays semble vouloir progressivement rattraper son retard à travers de nombreuses initiatives à l’échelle locale. Alors que la capacité de production solaire nippone n’est plus à démontrer, le pays a pris le parti de miser sur l’hydrogène, détecté comme filière d’avenir. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’en juillet 2015, Toyota, Nissan et Honda ont créé une joint-venture afin de construire et d’entretenir des stations-service à hydrogène. Leur souhait ? Que le Japon devienne une « société de l’hydrogène ».

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