[Interview] Énergie Partagée, précurseur d’une transition énergétique citoyenne et collaborative

Monsieur Erwan BOUMARD, directeur général de « Énergie Partagée Investissement », l’outil d’investissement du mouvement « Énergie partagée », a participé à l’EnergyCamp du 4 avril 2016. Cet atelier était dédié au collaboratif dans l’énergie. Energystream l’a rencontré pour qu’il nous fasse part de sa vision sur le sujet.

 

EnergyStream : M. BOUMARD, pouvez-vous nous présenter le mouvement énergie partagée et le rôle de votre outil d’investissement au sein de ce mouvement ?

Erwan BOUMARD : Énergie partagée est une association à double objectif : sensibiliser au concept d’énergie citoyenne et fédérer les acteurs et porteurs de projets collaboratifs à l’échelle nationale. Notre action se porte notamment auprès des collectivités locales afin de les sensibiliser au déploiement de projets collaboratifs. Énergie Partagée Investissement a vu le jour en 2010 suite à un constat criant. En effet, il apparaissait nécessaire de mettre en œuvre un outil levier « d’épargne massive » qui permettrait de capitaliser les projets portés par les citoyens et de les rendre finançable par les banques.

énergie partagée - energystream

ES : Énergie Partagée a déjà réalisé plusieurs projets en matière d’énergie collaborative et citoyenne. Quel est pour vous le projet le plus emblématique incarnant l’esprit de ce mouvement ?

E.B : Je citerai le parc éolien IsacWatt, dont les fonds propres ont été récoltés via deux leviers : une levée de fonds locale auprès des clubs d’investisseurs faite par une asénergie partagée - energystreamsociation locale, puis une action à l’échelle nationale effectuée via Énergie Partagée Investissement. Nous nous sommes associés avec un acteur territorial détenu par les collectivités locales, la SEM SELA, pour financer ce parc. Au delà de l’objectif de production d’une énergie durable, le projet porte plus globalement une volonté de maîtriser localement sa consommation d’énergie. Cette initiative incarne notre esprit : permettre à un projet citoyen local d’avoir suffisamment de visibilité et de moyens financiers pour voir le jour. Dorénavant, nous transformons notre démarche de sensibilisation des collectivités territoriales aux projets citoyens, puisque nous travaillons en partenariat avec ces dernières. Ainsi, nous proposons des projets dédiés aux EnR, et soutenus (y compris financièrement) par les collectivités locales comme le parc de Champs-Chagnots avec Sergies.

ES : Pouvez-vous nous décrire votre vision sur le déploiement et les évolutions des initiatives menées par Énergie Partagée ?

E.B : Nous observons un intérêt nouveau pour la désintermédiation de l’épargne. En effet, l’évolution du contexte juridique, économique et sociétal incite les citoyens à investir davantage sur des projets locaux et visibles. Il y a donc une réelle volonté citoyenne d’être un acteur incontournable dans des projets territoriaux locaux, qui s’inscrivent dans une logique de transition énergétique. Cette volonté est, à mon sens, la continuité du mouvement de fond historique, initié par les militants écologistes depuis quelques années. Un mouvement qui trouve aujourd’hui une oreille d’écoute avec des retours d’expériences positifs, et qui évoluera certainement vers un modèle socio-économique réussi. Il faut savoir que la loi de transition énergétique inscrit les citoyens et les collectivités comme acteurs moteurs de cette dernière. Une transition qui devient une réalité car nous sommes sollicités quotidiennement par des collectivités des citoyens, pour des projets EnR mobilisant tout le territoire concerné. Aujourd’hui, nous surfons encore sur le buzz de la COP21, mais nous n’envisageons ni un retour en arrière, ni une retombée de la forte dynamique collaborative qui touche le secteur de l’énergie renouvelable.

ES : Pensez-vous que de telles initiatives en économie collaborative dans l’énergie dessineront les modèles économiques de demain ?

énergie partagée - energystream - isac wattsE.B : Il existe une dynamique du territoire très forte là-dessus. Les fonds publics qui portent ces projets reste un bémol. Nous savons que la vitalité et la pérennité du développement de projets citoyens ne pourront être assurées que s’ils sont réalisés sans subventions. De par cette montée en autonomie, les projets EnR citoyens tendent à se renforcer. De plus, le coût de l’énergie renouvelable citoyen devient aussi compétitif que celui d’une énergie produite de façon conventionnelle. Je pense que les modèles économiques de demain se dessineront certainement en prenant en compte cet aspect collaboratif.

ES : : Vous avez participé en tant qu’intervenant à la dernière édition de l’EnergyCamp dédié au collaboratif dans l’énergie. Pensez-vous que cet événement était constructif ? Est ce qu’il vous a permis de présenter votre vision du sujet ? Comment avez-vous perçu le positionnement des grands acteurs du secteur sur ce point ?

E.B : Effectivement. Il était intéressant d’amener des retours d’expériences positifs dans les échanges avec les participants. Nous avons pu mettre en lumière des succès territoriaux et citoyens. L’atelier m’a permis également d’alimenter l’optimisme des personnes et de partager avec eux notre vision. Effacer les doutes sur les projets collaboratifs est l’un de nos principaux enjeux. Pour le moment, ces nouvelles initiatives citoyennes restent à la marge mais elles évolueront à moyen terme. En prenant exemple sur l’Allemagne, un pays souscrivant à une sortie définitive du nucléaire, un appel aux citoyens a été réalisé pour augmenter sa part EnR. En effet, ces derniers détiennent, de manière directe ou indirecte, environ 50% de la production verte. C’est ce qui nous laisse croire que l’engagement citoyen a rendu cette sortie du nucléaire envisageable. Même si le lobbying des structures qui ne sont pas encore dans cette dynamique opérante reste pour nous un frein considérable, une majorité de personnes change d’avis sur cette question. On remarque notamment la possibilité de voir naître un autre modèle énergétique, et j’ai pu éclairer cette logique à travers l’EnergyCamp. Enfin, les représentants des acteurs historiques de l’énergie étaient jeunes. Ils n’ont pas forcement cette culture de centralisation. Je les ai trouvés très ouverts aux changements, c’est pour cela que je suis confiant. Même si quelques décideurs des firmes historiques d’énergie n’ont pas fait leur conversion, et ne la feront peut-être jamais, nous comptons sur leurs forces vives pour porter des projets EnR en phase avec l’économie collaborative.

 

 

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