Chaleur verte : un vecteur énergétique à fort potentiel pourtant délaissé !

En dépit d’une réelle volonté des gouvernements français et européen de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la France est aujourd’hui à la traîne dans son objectif de diminution par 4 des rejets carbonés d’ici 2050. C’est en effet ce qu’affirme le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) dans lequel il soutient que « l’essentiel des efforts restent à faire ». En s’intéressant aux résultats d’émissions des gaz à effet de serre sur l’année 2016, on s’aperçoit que les secteurs automobiles et du bâtiment sont ceux s’écartant le plus de la trajectoire définie par le gouvernement. Avec 26% des émissions nationales, le secteur du bâtiment doit chercher à se transformer. C’est en majeur partie le cas du chauffage dans lequel environs 85 % de la chaleur est produite à partir d’énergies non renouvelables dont 73 % à partir d’énergies fortement polluantes.

La chaleur verte distribuée par les réseaux de chaleur apparaît comme un moyen efficace de promotion des énergies décarbonées. De multiples possibilités s’offrent aujourd’hui au secteur, parmi lesquelles figurent la production de chaleur à partir de biomasse, géothermie, solaire, d’énergie de récupération du gaz naturel… ou même à base de nouvelles solutions de récupération de la chaleur issue des traitements des déchets industriels ou domestiques garantissant une meilleure optimisation, souplesse et efficacité dans les réseaux de chaleur.

Comment fonctionne un réseau de chaleur ?

Un réseau de chaleur est un système de distribution de chaleur fonctionnant de manière centralisée, permettant de desservir plusieurs usagers. Il comprend 3 composantes essentielles :

Comment fonctionne un réseau de chaleur urbain ? (source Cerema)
  • Une unité de production de chaleur : La production de chaleur est généralement centralisée autour d’une chaufferie qui va par la suite alimenter tout le réseau. De nos jours, les chaufferies sont le plus souvent multi-énergies.
  • Un réseau de distribution primaire : Un fluide caloriporteur (de l’eau sous différents états) dans des tuyaux isolés est utilisé pour transporter la chaleur du lieu de production au lieu de consommation. Un circuit aller et un circuit retour permettent de séparer les fluides.
  • Des sous-stations : Chaque bâtiment raccordé au réseau de chaleur dispose d’une sous-station. C’est en effet le rôle de l’échangeur qui permet de prendre la chaleur du réseau (circuit primaire) pour la transférer au bâtiment (circuit secondaire).

Le réseau de chaleur a connu des évolutions considérables. En démarrant dans les années 1880, les premières générations de réseaux de chaleur avaient la particularité de fonctionner avec des températures élevées (200°C de 1880 à 1930) afin de contrecarrer les pertes de chaleurs dues aux mauvaises isolations thermiques des tuyauteries. Au fur et à mesure des générations, bénéficiant des avancées en matière d’isolation, la température à laquelle le fluide caloriporteur était transportée s’est vue diminuer de moitié (80°C en 2020). Cette volonté de diminution de la température de transport dite « opérative » donne la possibilité sur le long terme de diversifier les moyens de production de chaleur et ainsi d’avoir un réel mix énergétique dans la production de chaleur.

L’Energie « low carbon » : un avenir prometteur dans la production de chaleur ?

En dépit d’une grande part de la production de chaleur d’origine non renouvelable, de nouveaux systèmes énergétiques émergent. C’est le cas des panneaux solaires thermiques, de la géothermie de surface ou même des techniques de récupération des eaux usées. Ils apparaissent comme un moyen efficace afin de réduire l’emprunte carbone. En se penchant de plus près sur les émissions moyennes de CO2, on s’aperçoit que les réseaux de chaleur verts représentent un atout indéniable avec des niveaux d’émissions très faibles (50 à 100 gCO2/KWh pour un réseau biomasse – source Ademe) comparativement à des solutions individuelles fossiles ou à des réseaux alimentés par des énergies fossiles (supérieure à 200 gCO2/KWh – source Ademe).

Dans ce prolongement, de nouvelles techniques performantes de récupération de la chaleur permettent d’optimiser les réseaux. On dénote en particulier plusieurs innovations en vue d’une meilleure efficacité énergétique :

  • Twido a lancé son produit 2 & GO, composé d’un dispositif de production modulable d’eau chaude sanitaire, intégré à un mécanisme de WC suspendu économe, le tout s’intégrant à la domotique. Il permet donc de maîtriser et réduire la consommation d’eau chaude.
  • Wiselement développe Ekô, un système récupérant les eaux usées de douches dans une optique d’économie de 40 % de l’eau chaude sanitaire.
  • Nanosense développe des systèmes de régulations permettant de mieux maîtriser chauffage, ventilation, traitement de l’air et éclairage à l’aide de sondes dernière génération.
  • D’autres projets, dont le très novateur Paris Habitat, entreprennent de récupérer la chaleur des data center permettant à la fois de réduire leur consommation énergétique et de valoriser la chaleur produite.

La donnée a-t-elle de la valeur dans les réseaux de chaleur ?

Dans une logique d’intégration et de mixité des énergies, les réseaux de chaleur de demain devront se moderniser. La donnée apparaît comme un moyen efficace pour garantir un équilibre production-consommation. Comment mieux prendre en compte les attentes des utilisateurs ? Comment identifier des fuites ? Comment optimiser la production ? Comment développer et gérer efficacement les réseaux de chaleur ? ne sont qu’une fine portion des questions auxquels les réseaux intelligents devront apporter des réponse concrètes.

En se basant sur les réseaux électriques et gaziers, de nombreux éléments semblent logiquement transposables aux réseaux de chaleur dans la valorisation de la donnée. L’introduction de capteurs intelligents permettra de répondre à des enjeux majeurs d’efficacité énergétique. Parmi ces différents enjeux on pense notamment à la réduction des pertes thermiques des canalisations en ajustant en temps réel la température des réseaux de chaleur en fonction des conditions météorologiques en récoltant la température du fluide caloriporteur. Une diminution de 15 °C de la température de départ pourrait ainsi permettre de réduire d’environ 16% les pertes énergétiques.

Comment intégrer au mieux les réseaux de chaleur dans la ville de demain ?

Les réseaux de chaleur apparaissent donc comme un atout considérable à la Smart City. En particulier, 4 éléments devront être indispensables à la bonne intégration des réseaux de chaleur dans la Smart City :

  • La cogénération : A titre de rappel, la cogénération est la production simultanée de deux formes d’énergies différentes dans la même centrale. Déjà utilisée pour améliorer les rendements d’une centrale thermique, la cogénération est le meilleur atout d’une ville intelligente. En effet, la production possiblement modulable d’origine renouvelable permet de produire selon les besoins.
  • Les pompes à chaleurs : Avec d’excellents rendements aujourd’hui, les pompes à chaleur sont un bon moyen d’utiliser les excès de production d’électricité afin de produire de la chaleur.
  • Le stockage : Le stockage de la chaleur est aujourd’hui très efficace. Il représenterait un atout considérable dans l’absorption des pics de production d’électricité provoqués par l’intégration des énergies renouvelables au réseau. En particulier, notre interview récente de M. Antoine Meffre, fondateur d’Echo-Tech Ceram, permet de mettre en lumière le principe de stockage de la chaleur modulable et mobile.
  • Le heat to power : Le pendant du stockage de chaleur est la transmission sous forme électrique.

A ce jour, les énergies renouvelables sont délaissées dans la production de chaleur. Néanmoins, les projets de loi sur la transition énergétique fixent des objectifs ambitieux encourageant le développement des réseaux de chaleur. Avec les connaissances des données, pourrons-nous atteindre une distribution 5 fois plus importante d’origine renouvelable ou de récupération d’ici 2030 ? Une chose est certaine, les nouvelles technologies impliquées font des réseaux de chaleur un vecteur indispensable à la décarbonisation du système énergétique et à l’efficience des bâtiments.

Sources : 

https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/04/20/reduction-des-gaz-a-effet-de-serre-la-france-doit-forcer-l-allure_5114452_3244.html

https://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr/cs/ContentServerpagename=Territoires/Articles/Articles&cid=1250280438863

https://www.20minutes.fr/planete/2207259-20180123-gaz-effet-serre-france-rate-objectifs-reduction-emissions-2016

http://www.smartgrids-cre.fr/index.php?p=reseaux-chaleur-froid-intelligents

https://www.energystream-wavestone.com/2018/04/16656/

http://www.wiselement.com/produits.php

https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/reseaux-de-chaleur

http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/avis_ademe_reseauxchaleur_201712.pdf

https://www.lemoniteur.fr/article/paris-retient-19-innovations-pour-une-meilleure-efficacite-energetique-de-ses-batiments.1447164

https://www.nano-sense.com/fr/index/accueil.html

https://www.twido.fr/

 

 

 

 

 

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