Sans partage de données, la transition énergétique n’aura pas lieu

Le numérique est un outil clé de la transition énergétique. Véritable accélérateur du processus, le Big Data fait cependant s’interroger les acteurs du secteur de l’énergie au sujet du partage et de l’ouverture des données.

Il y a 2 mois maintenant, un grand nombre de producteurs et consommateurs de données énergétiques en France étaient réunis afin d’échanger sur l’intérêt de l’open data pour la transition énergétique lors de l’évènement organisé par l’éditeur de plateforme de données OpenDataSoft.

Energystream a eu la chance d’être présent à cet événement et vous propose un éclairage sur les échanges qui s’y sont tenus.

Les données, un indispensable allié de la transition énergétique ?

L’ouverture et l’exploitation des données dans le secteur de l’énergie est indispensable pour deux raisons : d’une part, pour répondre aux nouvelles contraintes réglementaires et, d’autre part, pour permettre un pilotage plus fin d’un système énergétique en pleine décentralisation, en particulier à l’échelle communale.

Concernant la réglementation, celle-ci intervient de deux manières pour que l’exploitation des données puisse faciliter la transition énergétique :

  • De façon directe, par une réglementation sur l’ouverture des données : depuis les lois Informatique et liberté et CADA[1] adoptées en 1978, la législation française et européenne n’a cessé d’évoluer vers l’ouverture des données. En particulier, la loi NOTRe d’août 2015 impose aux collectivités de plus de 3500 habitants de rendre accessible en ligne leurs informations publiques.
  • De façon indirecte, par des directives énergétiques : en effet, l’ouverture des données énergétiques est une nécessité pour répondre aux ambitions climatiques françaises. Ces ambitions sont entre autres décrites par la LTECV[2] depuis 2015 et déclinées sous forme de PPE[3] et plans climat aujourd’hui.

Il est à remarquer une évolution de ces lois, originellement destinées aux acteurs publics, vers le secteur privé.

D’autre part, la décentralisation du système énergétique entraîne le glissement vers des sources de production énergétique intermittente. Pour faire face aux discontinuités de productions et répondre au mieux aux flexibilités de la demande en énergie, il est primordial de ne pas négliger le rôle que doit jouer la donnée. Brice Bohuon, Directeur Général de la CRE[4], avertit à juste titre : « Nous ne saurons bientôt plus faire vivre notre système énergétique sans utiliser la donnée ». Par exemple, l’analyse des relevés de consommation énergétique via des compteurs communicants représente un premier pas vers la maîtrise de l’énergie et la sobriété des foyers en France. Autre exemple, l’essor de la mobilité électrique et gazière fait émerger de nouveaux acteurs du stockage énergétique. Ceux-ci doivent échanger des données avec les gestionnaires de réseau traditionnels pour assurer la pérennité de leurs solutions d’avenir.

 

Qui sont les acteurs de l’Open Data ?

Face à l’importance qu’est amenée à prendre la donnée énergétique et le partage de celle-ci, de nombreux acteurs se mobilisent et interagissent. En France, les plateformes open data énergie sont administrées par :

  • Les gestionnaires de réseau de transport et distribution de gaz et d’électricité

Dans un contexte où le volume de données produites double tous les 24 mois[5], ces gestionnaires de réseau énergétique n’ont d’autre choix que de se diversifier pour devenir aussi des opérateurs de données. Entre autres outils, ODRÉ (née en janvier 2017 de la collaboration de RTE, GRTgaz et Térega ex TIGF) et ORE (ouverte en avril 2018) sont deux plateformes dont l’objectif est de publier tous les jeux de données réglementaires multi-énergie et multi-gestionnaires au périmètre de la distribution d’électricité et de gaz naturel. L’ambition de ces plateformes est d’accélérer l’accès aux données pour les acteurs publics et privés pour effacer les obstacles à la transition énergétique.   

  • Les collectivités (régions, métropoles, villes)

Les plateformes open data des collectivités sont elles aussi en plein essor. Elles contribuent à modifier le rapport du citoyen avec ses élus et sa collectivité. Notons par exemple la plateforme open data de la région Ile-de-France, celle de Nantes métropole ou encore celle de la ville de Bordeaux. L’origine, les usages et finalités de ces plateformes de données sont décrites ci-dessous.

  • Les groupes indépendants

Ces sociétés indépendantes collectent les données open data des gestionnaires de réseau et des collectivités pour proposer des données spécifiques. D’abord liées à leur secteur d’activité (par exemple, la plateforme Datajoule propose des conseils en efficacité énergétique et énergies renouvelables). D’autres part par une présentation plus détaillée et facilement réutilisable de ces données (souvent sous forme d’une cartographie qui facilite la recherche d’informations sur une zone géographique).

 

Focus : les plateformes de données urbaines des métropoles

D’où viennent leurs données ?

La plupart des données open data des métropoles sont triées par thématique : transport, finance, environnement, santé… Ces données très variées sont, pour la plupart, issues des documents que possèdent les collectivités : fréquentation des lignes de bus, plan cadastral, nombre de cas de grippe… Cependant tout utilisateur (entreprise ou particulier) peut valoriser ces données sur la plateforme en créant un graphique ou une cartographie à partir de celles-ci (c’est le cas sur la plateforme Open Data de la ville de Nantes).

Qui les utilise ?

Les premiers utilisateurs de ces données territoriales sont les développeurs d’applications pour les services urbains. Les start-up GreenTech qui se spécialisent dans les solutions en faveur de l’environnement sont, par exemple, demandeuses de données de consommation, production, infrastructures…

D’autre part, les administrations ou collectivités locales, qui interfacent leurs propres données avec d’autres données ouvertes, peuvent comparer leurs performances énergétiques avec celles d’une autre collectivité.

L’état réutilise les données des métropoles pour sa propre plateforme open data : data.gouv.fr

Des entreprises privées incorporent ces données ouvertes dans leur système d’information.

Quelle en est la finalité ?

Dynamiser la métropole en favorisant l’émergence de nouveaux services par les développeurs, pour les citoyens et les entreprises de la métropole.

Favoriser le dialogue citoyen et la vie publique en offrant à tous l’accès aux informations sur leur territoire.

Au-delà de l’utilisation des données disponibles sur la plateforme, interpréter quelles données sont téléchargées apporte, cette fois, des informations à la métropole sur les axes d’amélioration de la plateforme ainsi que l’intérêt de telle ou telle donnée partagée.

La politique énergétique sur le territoire français est aujourd’hui issue de la Planification Pluriannuelle de l’Energie à l’échelle nationale qui se décompose à l’échelle régionale en SRADDET[6]. Et à l’échelle du bassin de vie en PCAET[7]. Les plateformes de donnée urbaines prennent ainsi leur sens dans l’aide au pilotage des intercommunalités par les régions. Par exemple en faisant remarquer à telle commune qu’une zone est propice (via les données météo, géographiques, cartographie, de population…) à l’installation d’un parc éolien ou d’une centrale photovoltaïque.

 

Quel avenir pour l’ouverture des données énergétiques en France ?

Les perspectives d’évolution du partage des données énergétiques en France (en Open Data ou entre acteurs publics et privés) sont directement dépendantes des demandes formulées par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE). Ainsi, la CRE a formulé en juin 2017, 15 recommandations concernant l’ouverture des données dont Energystream vous proposait un décryptage.

Brice Bohuon Directeur Général de la CRE a particulièrement insisté sur quatre attentes fondamentales du régulateur adressées aux opérateurs de réseau :

Il s’agit en premier lieu de progresser sur le volume de données partagées en open data. Encore de trop nombreux jeux de données pertinentes ne sont pas partagées et doivent le devenir.

D’autres part, l’accroissement du volume de données ne doit pas se faire au détriment de la qualité du partage de ces données. Un pilier de ce transfert de données de qualité est la plateforme. Le grand nombre de plateformes différentes n’est pas problématique tant que l’utilisateur final a facilement accès aux données dont il a besoin.

Un point de vigilance reste à souligner concernant les régimes de sécurité applicables. Dans le cadre de l’open data il s’agit de protection des données personnelles. Pour les données internes au secteur, il est question d’informations commercialement sensibles (ICS) : par exemple les tarifications des services fournis par les opérateurs de réseau. « Il y a un équilibre à trouver entre totale transparence et protection juridique de ces informations », indique Brice Bohuon.

Enfin, il est crucial d’entraîner toutes les parties prenantes du secteur dans le mouvement vers l’ouverture de données. En particulier, les acteurs privés doivent mieux partager leurs informations : les marges d’optimisation des réseaux de transport et distribution d’énergie sont importantes et peuvent être atteintes par une interconnexion croissante des acteurs du système, y compris le régulateur. En effet, Brice Bohuon nous rappelle que la régulation énergétique est elle aussi amenée à évoluer vers un contrôle plus continu et plus fin. Le volume de données traitées par le régulateur sera en effet proportionnel au volume de données produites.

Mieux connaître sa consommation d’énergie, intégrer les productions renouvelables, gérer la recharge des véhicules électriques… Les données sont déjà au cœur du quotidien énergétique des français. Le partage de ces données, qui représentent de réels indicateurs de performance, est un mouvement à opérer dès aujourd’hui pour assurer la transition énergétique des territoires français.


Sources :

https://www.maddyness.com/2013/04/09/open-data-grands-principes-ouvertures-donnees/

[1] Commission d’Accès aux Documents Administratifs

[2] Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte

[3] Programmations Pluriannuelles de l’Energie

[4] Commission de Régulation de l’Energie

[5] D’après le rapport de la CRE 2017

[6] Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable du Territoire

[7] Plan Climat-Air-Energie Territorial

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