Transition énergétique : quelle place pour les collectivités territoriales ?

Le Débat National sur la Transition énergétique offre une magnifique tribune aux collectivités territoriales (CT), également appelées collectivités locales (CL),  pour s’exprimer sur les enjeux énergétiques. Un des enjeux de la Transition énergétique est notamment l’atteinte des objectifs européens et nationaux dits « des 3 x 20 » : réduire de 20% les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) par rapport aux niveaux de 1990, atteindre une proportion de 20% d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale et réduire de 20% la consommation d’énergie par rapport aux projections pour 2020. Ces objectifs ne pourront être atteints avec le rythme actuel ce qui pousse les collectivités territoriales à donner de la voix pour peser dans le débat. Pourquoi les collectivités prennent la parole sur les sujets énergétiques et quelle est leur légitimité à le faire ? Quelles sont les revendications de celles-ci ?

L’énergie : des enjeux importants pour les collectivités territoriales

Quand on pense aux collectivités territoriales, on ne voit pas de prime abord en quoi elles sont concernées par l’énergie. Pourtant, l’énergie tient une place importante dans leurs décisions.

Tout d’abord les collectivités territoriales en consomment pour leurs missions de service public mais aussi pour leur propre fonctionnement. En effet, les communes/intercommunalités se chargent des transports urbains et scolaires, de l’éclairage public (près de 50% de la consommation d’électricité) de la gestion de l’eau et des déchets alors que les départements s’occupent des transports routiers scolaires hors milieu urbain et que les régions sont habilitées pour les transports ferroviaires régionaux. D’autre part, le fonctionnement des bâtiments administratifs est une part importante de la consommation énergétique des CT (mairie, écoles primaires, crèches, centres de loisirs, équipements sportifs, bibliothèques pour les communes/intercommunalités ; collèges, hôtel de département pour les départements ; lycées, hôtel de région pour les régions). Ces différentes utilisations d’énergie ont un coût pour les CT qui tentent de réduire leur consommation (rénovation de bâtiments) ou de consommer autrement (énergies renouvelables) afin de faire baisser leur facture énergétique.

Le deuxième enjeu lié à l’énergie tient dans leur rôle d’autorité concédante (personne publique qui confie par contrat et pour une durée déterminée l’exécution d’un service public à un concessionnaire souvent privé). En effet, en France, les communes sont propriétaires des réseaux de distribution d’électricité (basse et moyenne tension) et de gaz dans les zones desservies (basse et moyenne pression). La loi de nationalisation de 1946 a confié 95% des concessions à EDF et GDF (ERDF et GrDF désormais) qui entretiennent et développent les réseaux. Seulement 5% des communes gèrent elles-mêmes ces réseaux via des Entreprises Locales de Distribution (environ 170 en France : 17 pour le gaz et 153 pour l’électricité). Les communes agissent seules ou s’unissent et délèguent leur responsabilité concédante à des syndicats d’énergie (de quelques dizaines à quelques centaines de communes).

Enfin, les collectivités territoriales se sont rendu compte que l’énergie était un moyen de développement économique et de rayonnement. En effet, en tant qu’aménageur du territoire, elles sont amenées à prendre des décisions liées à l’énergie (raccordement d’un nouveau quartier au gaz, développement des énergies renouvelables, construction d’éco-quartier, déploiement de transports en commun…) qui permettent de créer des emplois dans ces secteurs mais aussi d’attirer des entreprises (coût de l’énergie) et des habitants (cadre de vie).

Les collectivités territoriales mettent en avant ces différentes compétences pour légitimer leurs prises de parole et revendiquer leurs positions sur la transition énergétique.

Les revendications des collectivités territoriales

Les collectivités territoriales sont convaincues que l’atteinte des objectifs dits des « 3 x 20 » passe par une action locale et donc par elles. En effet, la maîtrise de la consommation d’énergie comme le développement des énergies renouvelables requièrent la prise en compte des spécificités territoriales et locales (climat, urbanisme, densité de population, tissu économique, ressources naturelles, etc…). Les politiques fixées au niveau européen et national ne peuvent pas prendre en compte la totalité de ces éléments :  Yvo De Boer, secrétaire exécutif de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques déclarait déjà en 2008  que « 50 à 80% des actions concrètes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et près de 100% des actions d’adaptation [aux impacts des changements climatiques] sont conduites au niveau infranational ».

La réussite des politiques nationales et européennes passent donc par une décentralisation plus aboutie. Ce processus de décentralisation est certes déjà entamé avec la loi POPE (possibilité pour les communes et Établissements Publics de Coopération Intercommunale d’aménager et d’exploiter les installations ENR) de 2005 ou les lois Grenelle I et Grenelle II qui mettent en place des Schémas régionaux Climat Air Énergie (SRCAE) et des Plans Climat-Énergie Territoriaux (PCET) mais reste insuffisant aux yeux des collectivités. Celles-ci plaident donc pour « plus de pouvoir au local » grâce à un renforcement des moyens (financiers et humains) et  à une plus grande liberté législative :

  • Tout d’abord, les CT réclament à l’État l’augmentation des moyens financiers avec la réallocation de fonds existants, le renforcement de dispositifs déjà en place, ou le déblocage de nouvelles ressources. Ces moyens financiers doivent entre autres permettre de renforcer les moyens humains en ayant une réelle ingénierie territoriale et en proposant des formations spécifiques aux métiers de l’énergie.
  • À cela s’ajoute la volonté d’obtenir plus de libertés législatives pour passer d’une logique d’incitation à une logique d’obligation (qui a fait ses preuves) grâce à des normes locales plus contraignantes qu’au niveau national.  Par exemple, les 141 signataires de la Convention des Maires plaident pour l’adoption de réglementations thermiques ou de rénovation locales allant au-delà des normes nationales.

Si les collectivités territoriales s’accordent sur le fait qu’elles sont les acteurs qui permettront la réussite de la transition énergétique, elles s’affrontent parfois sur l’échelle la plus efficace pour la mener. En effet, les collectivités territoriales souhaitent capter au niveau de leur territoire les flux financiers liés à l’énergie (stimuler l’économie du territoire, les emplois non délocalisables et les recettes fiscales) et obtenir les financements (privés, étatiques, européens) pour réaliser leurs projets. Pour en connaitre davantage, retrouvez un article sur le sujet sur Solucom Insight

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