La modulation d’électricité au service du réseau – Entretien avec Energy Pool

Suite de notre tour d’horizon sur l’effacement. Après avoir rencontré Smart Grid Energy, Ijenko et Voltalis, nous vous proposons de découvrir notre échange avec Christophe Defaix, Chef de Projets Industriels au sein d’Energy Pool. Energy Pool est un opérateur de modulation d’électricité, aussi appelée le Demand/Response. L’activité de la start-up Savoyarde (qui a conclu en 2010 un partenariat stratégique avec Schneider Electric) englobe historiquement la valorisation d’effacements de consommateurs industriels (cette activité va de l’étude du potentiel amont, au conseil en optimisation, en passant par la valorisation sur les marchés et la mise en œuvre effective) mais aussi, et c’est une nouveauté, le conseil et la vente auprès des producteurs-fournisseurs de solutions permettant de développer l’effacement dans leur portefeuille de clients.

Autre nouveauté de l’année 2014, Energy Pool est le premier agrégateur à intervenir sur le marché des services système.

Pourriez-vous nous présenter Energy Pool ?

Energy Pool est un opérateur en modulation d’électricité (Demand Response). Cela consiste pour nos clients à adapter leur consommation d’électricité en fonction des besoins du système électrique. Lors d’une pointe, ils diminueront leur consommation en arrêtant par exemple un de leur processus de fabrication : il s’agit d’effacements de consommation. A l’inverse, lorsque la production d’électricité est excédentaire, il peut être intéressant pour eux de démarrer leur processus de fabrication ou autres appareils pour absorber le surplus d’énergie. Notre activité ne se limite donc pas à l’effacement.

Nous intervenons dans le cadre de nos activités sur des clients issus d’industries clés très sensibles au prix de l’électricité telles que la sidérurgie, la métallurgie, la cimenterie ou encore la papeterie. Ces secteurs rassemblent d’importants consommateurs d’électricité.

La France représente notre principal marché avec 1200 MW de capacités effaçables, fournis par une centaine de sites de taille variable. C’est aussi notre base de développement et d’innovation. Toutefois, nous pensons que le potentiel français est aujourd’hui sous exploité et sous valorisé. C’est pour cette raison que nous nous tournons vers d’autres pays aux problématiques différentes.Nous sommes notamment présents en Belgique, en Angleterre mais aussi depuis peu au Japon, dans le cadre d’un démonstrateur.

Comment valorisez-vous les effacements réalisés à l’étranger ?

Les effacements sont valorisés via les GRT (Gestionnaires de réseau de transport) car ils sont en charge de déployer les marchés de valorisation des capacités d’effacement. À titre d’exemple, nous collaborons avec Elia en Belgique et avec National Grid en Angleterre. En ce qui concerne le démonstrateur, nous travaillons en partenariat avec le fournisseur d’électricité Tepco. Mais il existe toujours une collaboration avec les institutions locales qui sont en mesure d’intégrer la valorisation des capacités. 

Quel est l’état de développement de l’effacement en France ?

Malheureusement nous faisons aujourd’hui face à un développement modéré de l’effacement en France pour des raisons structurelles. En effet, l’équilibre production/consommation est encore relativement favorable sur le marché français. Toutefois, RTE a récemment revu ses prévisions d’équilibre à la baisse à l’horizon de l’hiver 2015 ce qui devrait favoriser le développement de l’effacement dans notre pays. Il existe actuellement un potentiel à la fois pour les gros industriels et pour les sites de taille plus modeste via le diffus. Néanmoins, la situation relativement stable sur le système français ne génère pas de tensions sur les marchés et n’incite pas à investir pour le développement des capacités d’effacement.

Le décret du 3 juillet dernier et le déploiement du marché de capacité à horizon fin 2015 sont des éléments qui vont dans le bon sens. En effet, ils permettront de rendre le choix entre l’effacement ou la production plus équitable. Mais c’est bel et bien la situation réelle du système électrique (contraint ou non, tendu ou non) qui rendra ces dispositifs utiles ou non. S’il n’y a pas de besoin pour le système électrique… 

Vous semblez principalement aborder la problématique de l’équilibrage. Qu’en est-il des pics de consommation ?

L’effacement lors des pics de consommation est un peu l’arbre qui cache la forêt. Bien sûr que l’effacement  lors des périodes de pointe de consommation est utile, c’est d’ailleurs la raison d’être du mécanisme de capacité. Néanmoins, l’effacement ne se résume pas à ces périodes de sur-consommation. À titre d’exemple, sur les douze derniers mois, on constate que les capacités d’effacement ont été sollicitées par RTE non pas pendant les périodes de pointe de consommation, mais plutôt pendant les périodes de déséquilibre conjoncturel notamment pour pallier l’indisponibilité de certains moyens de production. Il serait donc très réducteur d’apprécier la valeur des effacements de consommation sur le seul sujet des pics de consommation. En effet, en fournissant de la flexibilité au système à des moments clés, les effacements peuvent notamment compenser l’intermittence de production des énergies renouvelables.

Dans les faits, comment procédez-vous à l’effacement d’un site industriel ?

Nous disposons d’un centre d’exploitation basé à Chambéry. Il est en relation avec RTE et l’ensemble des marchés qui peuvent donner des ordres d’effacement ou d’ajustement de la consommation. Ce centre est chargé de répercuter les activations auprès des industriels. Pour cela il existe deux principaux modes de fonctionnement : soit les messages envoyés sont traités par les opérateurs de l’industriel ; soit  notre coffret installé chez l’industriel, est interfacé avec le système de conduite de l’industriel qui traite automatiquement les ordres de modulation de la consommation du site. Cela dépend du temps de réponse que nécessite le mécanisme et du choix de l’industriel.

Pouvez-vous nous éclairer sur le sujet des services système que vous traitez depuis peu ?

En effet, depuis Juillet 2014 nous traitons aussi les services système sur le périmètre du maintien de la fréquence sur le réseau. Le site fait varier son intensité de consommation afin de rééquilibrer sa puissance sur le réseau. Jusqu’au 1er juillet 2014, seuls les producteurs avaient l’obligation de participer pour sécuriser le niveau de fréquence. En ouvrant la participation aux sites de soutirage, RTE fluidifie le marché. C’est une expérimentation vouée à être pérennisée en 2015.

Les écarts de fréquence par rapport à la fréquence nominale du réseau (50 Hz) proviennent de déséquilibres entre la production et la consommation d’électricité à un instant t. Les moyens de production sont programmés par « pas horaire », c’est-à-dire pour une période d’une heure, alors que la consommation varie de manière continue : ce déséquilibre structurel, dans un sens comme dans l’autre, représente environ 90% des variations de fréquence, les autres variations étant principalement liées à des pertes fortuites de groupe de production. Cette fréquence est regardée à la maille européenne, ce qui contribue grandement à la stabiliser.

Le concept de participation des sites de soutirage est assez novateur comparé à l’effacement standard. En effet, alors que ce dernier est une sollicitation ponctuelle avec mise en œuvre d’un créneau de baisse de puissance, les services système nécessitent le suivi dynamique et en continu d’un signal (le suivi dynamique signifie que l’industriel doit être en mesure de moduler à la fois à la baisse et à la hausse sa puissance sur un procédé industriel en continu).

Quelle est votre stratégie de développement vis-à-vis des services système ?

Les services système représentent une nouvelle opportunité pour nous. En effet, nous sommes le premier acteur en France à permettre la certification d’un site de soutirage. Notre volonté est, d’une part, de continuer à amener des sites français sur ce service car la rémunération est très intéressante pour eux et procure peu de contraintes au quotidien et, d’autre part, d’exporter notre savoir-faire vers d’autres pays. Quand l’installation est correctement calibrée, le fonctionnement est quasiment transparent pour l’industriel : il y a peu d’impact sur les procédés du site. Cela nécessite tout de même une importante préparation en amont qui peut durer plusieurs mois.

Nous pensons que les services système sont un marché en devenir et nous travaillons avec RTE pour le rendre le plus accessible possible aux industriels. Même si ce marché devrait progressivement se complexifier en termes de contractualisation, sa structuration devrait offrir plus de transparence sur les prix et plus d’opportunités.

Existe-t-il une synergie entre l’effacement et les services système ?

Oui, il est possible de contracter avec un industriel à la fois sur le sujet effacement et services système. L’idée pour nous est de trouver un optimum technico-économique avec les industriels pour les engager sur plusieurs mécanismes afin d’optimiser leur rémunération par rapport à leur contribution. Nous sommes aujourd’hui le seul agrégateur à pouvoir proposer la totalité des produits ouverts à l’effacement à nos clients, et donc à trouver la combinaison optimale entre tous ces produits pour maximiser la valeur pour nos clients :

  • Capacitaire : appels d’offres effacement, réserves rapides et demain, mécanisme de capacité
  • Services Système
  • Energie : NEBEF ou participation libre au mécanisme d’ajustement

Concernant le NEBEF, avez-vous utilisé les règles provisoires de ce mécanisme ?

Nous sommes présents sur le NEBEF tous les jours ou presque. Les conditions de marché (tant du fait des règles NEBEF que des prix SPOT) ne sont cependant pas assez attractives actuellement pour séduire beaucoup de consommateurs. Valoriser les effacements via le NEBEF, consiste grosso modo  à réaliser un arbitrage permanent entre effacement NEBEF et consommation. L’équation est d’autant plus complexe que nous devons verser une compensation aux fournisseurs.

Pensez-vous développer une offre dans l’effacement diffus ?

Energy Pool a pour volonté d’amener les industriels à valoriser au mieux leurs capacités. Nous n’avons pas pour ambition d’aller vers les particuliers ou petits tertiaires qui représentent un tout autre métier. En revanche, nous commençons une démarche pour nous orienter vers les petits industriels.

Au-delà des typologies de clients déjà évoquées, Energy Pool peut aussi vendre du conseil en développement de programme de modulation d’électricité auprès des fournisseurs et producteurs d’électricité. Ces opportunités, nous permettent d’ores et déjà de diversifier notre activité. Il y a déjà un intérêt marqué d’un certain nombre de responsables d’équilibre.

Le développement de l’effacement industriel semble lié à l’évolution de l’équilibre production/consommation qui lui est pour le moment peu favorable. En  attendant, les opérateurs tels qu’Energy Pool diversifient leur activité notamment via les services système.

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