[Interview de Julien Tchernia, CEO d’ekWateur] – « ekWateur, c’est l’énergie d’après »

Le président d’ekWateur nous a fait le plaisir de nous recevoir dans ses locaux et nous a offert une interview exclusive sur ses ambitions et sa vision du marché de l’énergie

#Geek #Collaboratif #Ecolo  #Pas chère

ekWateur c’est d’abord un fournisseur d’énergie alternatif, mêlant écologie et technologie, et engager pour embarquer ses clients dans la transition énergétique.

Né en septembre 2016 ce fournisseur a la particularité de commercialiser essentiellement des offres d’énergie renouvelable (EnR) et de donner un visage collaboratif au secteur de l’énergie. Le collaboratif s’exprime à plusieurs niveaux, que ce soit dans la relation clients ou dans la décentralisation de la production via des partenariats innovants pour aider les consommateurs à devenir aussi producteurs.

En évoquant ekWateur, on ne saurait ignorer le côté geek (revendiqué !) de l’entreprise.  L’entreprise a pour objectif de donner à ses clients le pouvoir de s’investir dans la transition énergétique grâce au numérique. Julien Tchernia aime d’ailleurs rappeler que la transition énergétique est perçue comme un concept de polytechniciens par les consommateurs, alors qu’il est possible de leur donner les outils pour y prendre directement part.

Alors en 10 questions, Energystream a cherché à comprendre ce qui se cache dans la tête de cet ancien directeur de Lampiris France, qui lui ne cache pas ses ambitions de reprendre des parts de marché aux géants français du marché.

ekWateur est-ce vraiment « l’énergie d’après » comme y fait référence son directeur? Nous vous laissons vous faire votre propre avis !

Pourriez- vous présenter ekWateur en quelques mots ?

ekWateur c’est l’énergie d’après. Elle s’oppose à l’énergie « d’Etat », représentée notamment par Engie et EDF. Cette énergie « d’Etat » est proposée aux français soit par l’intermédiaire des producteurs soit par d’autres fournisseurs qui vendent presque tous cette énergie de marché.

ekWateur aurait pu faire une simple énergie de marché, sur le modèle des autres acteurs, mais ça n’aurait pas été suffisant pour attirer les consommateurs, bien au chaud chez les fournisseurs traditionnels. C’est pourquoi ekWateur a choisi d’inventer l’énergie d’après, qui se différencie notamment à travers l’aspect collaboratif.

L’objectif est double :

  • Donner à tous le pouvoir d’agir, car si chacun pouvait faire sa transition énergique, elle serait faite en 6 mois. Mais on nous fait croire que l’énergie est une affaire de spécialiste et tout est fait pour laisser l’opacité et empêcher des choix simplifiés pour les citoyens.
  • Attirer les consommateurs avec une énergie pas chère, mais surtout en leur montrant qu’il y a un nouveau monde possible (ndlr : qui passe par la décentralisation et les EnR)

Pour vous cette énergie « d’Etat » s’oppose donc au développement des EnR ?

Non pas forcément, l’énergie d’Etat c’est surtout la centralisation et l’opacité.

ekWateur a fait le choix des EnR car d’abord nous souhaitons lutter contre le changement climatique et que l’énergie nucléaire n’est pas la bonne réponse, car même si c’est une énergie peu carbonée elle est dangereuse.

Mais le sujet principal est pour nous la production centralisée et d’ailleurs nous ne sommes pas des prosélytes du renouvelable. Nous avons par exemple  deux offres gaz, une 100% renouvelable avec le bio gaz, et une autre à seulement 5%. Notre volonté en tant que fournisseur est de laisser le consommateur choisir.

Etre producteur et faire de la production renouvelable décentralisée est très simple, mais ça n’est rendu simple par personne. Cela vient probablement d’un manque d’envie d’EDF plus que d’un manque de compétence car cela va à l’encontre de leur modèle. Par exemple, Kodak, un moment leader de son domaine, n’a pas développé le numérique car son modèle était l’argentique. Sur le même modèle, EDF ne développe pas la production électrique décentralisée car son modèle réside dans la production centralisée.

Aujourd’hui l’Etat français défend cette conception centralisée de la production. Rien n’est fait pour donner à chacun les moyens d’agir sur la capacité de production. Prenons l’exemple de RTE qui annonce qu’il y a un risque de black-out cette année mais qui finalement dit s’occuper de tout pour éviter les pics de consommations, que ce soit en  effaçant la consommation de certaines industries ou en prodiguant des conseils, parfois très naïfs, aux consommateurs.

Vous parlez de décentralisation de la production. En ce sens, ekWateur est-il un producteur d’énergie ?

Non notre métier c’est de fournir de l’énergie alors que l’immense majorité de nos concurrents sont des producteurs (ndlr : Julien Tchernia cite Eni, Engie, EDF, Direct Energie). C’est un peu comme s’ils produisaient du Coca-Cola et qu’ils avaient également des boutiques pour écouler leur production. En suivant cette métaphore, nous ne vendons pas que du Coca-Cola mais nous vendons aussi de l’eau, car c’est meilleure pour la santé.

Nous travaillons avec un agrégateur qui s’appelle Smart Grid Energy qui a agrégé quelques centaines de sites de producteurs indépendants. Ils se chargent également d’être notre responsable d’équilibre, c’est à dire d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité.

Mais attention, EkWateur n’est pas un énergéticien. Nous nous définissons davantage comme informaticiens avec pour objectif de permettre à nos clients d’être acteurs de leur consommation d’énergie.

En tant qu’informaticiens et fournisseur d’énergie, comment s’inscrit l’informatique dans vos process et services ?

Tout d’abord nous sommes 80% d’informaticiens, alors naturellement l’informatique est ancrée dans nos process. Que ce soit pour l’utilisation des données, de même que dans nos fonctionnements en mode agile. Nos chefs de projet fonctionnement toujours en binôme avec un informaticien.

Pour les clients, nous avons mis en place en moins de 9 mois les outils qu’ont déjà nos concurrents. Je pense au suivi de la consommation, à l’auto-relève…Et nous voulons faire bien mieux que tous les autres !

Informatique, décentralisation, collaboratif… on ne peut s’empêcher de vous demander votre avis sur les blockchains ?

En effet ekWateur s’intéresse aux blockchains. Mais je n’en dirai pas plus. (ndlr : Nous avons touché un point sensible… Nous n’avons pas pu creuser le sujet mais espérons être parmi les premiers à vous informer de l’utilisation par ekWateur de cette technologie clé dans la décentralisation de la production)

Vous parliez de vos concurrents, comment vous situez-vous dans 10 ans par rapport à eux ?

Dans 10 ans, EDF pourrait ne plus exister plus ! ekWateur est une start-up qui veut se développer et croître. Nous ne voulons pas nous retrouver dans la situation d’un Enercoop ou d’un Planète Oui, qui ont mis 10 ans pour arriver à un protefeuille d’environ30 000 compteurs. Si l’on ne parvient pas à aller au-delà, ce sera un échec et nous mettrons la clé sous la porte.

Notre objectif est de fournir 120 000 compteurs d’ici 2 ans car c’est le seuil de rentabilité pour un fournisseur. A 5 ans nous visons 500 000 compteurs. C’est un chiffre ambitieux, mais si l’on raisonne en termes de parts de marché, cela n’équivaut qu’à 1,25% des parts de marché. Et d’autres opérateurs ont déjà fait mieux, comme Lampiris par exemple… Et il se trouve que j’en étais le directeur pour la France, et mon associé Jonathan Martelli m’a suivi dans l’aventure !

En tant que fournisseur collaboratif, vous avez une communauté que vous appelez les Jouliens. Comment s’exprime l’aspect collaboratif chez ekWateur ?

L’aspect collaboratif s’exprime dans plusieurs domaines :

  • L’animation se fait déjà autour de la relation clients.

Nous avons des clients qui sont fans d’ekWateur et qui aiment en particulier notre transparence et notre réactivité. Il arrive par exemple qu’un client nous fasse une remarque sur le site et que nous la prenions en compte en moins de 2h. Certains de ces clients sont rémunérés pour répondre aux prospects sur le tchat du site et au téléphone. A ce jour nous en avons deux, mais une dizaine sont en attente et nous pourrons alors les solliciter quand nous aurons suffisamment de flux.

  • Un autre aspect collaboratif est le fait d’inciter nos clients à devenir producteur.

Nous avons un menu du site dédié au calcul de la productibilité solaire de nos clients qui donne la possibilité de prendre rendez-vous avec un installateur qui s’occupe de la mise en place des panneaux solaires. Nous avons la ferme intention de développer la production décentralisée chez nos clients par le biais de ce service.

  • Un troisième aspect concerne la sensibilisation aux pics de consommation.

Nous avons développé une communauté qu’on appelle « les nightwatchers » et qui reçoivent en temps réel des alertes par SMS ou Facebook en cas de pic de consommation.

  • Un quatrième aspect a trait à notre financement basé initialement sur le crowdfunding. Nous avons levé 240 000 euros en crowdfunding avec un objectif de 150 000 euros. Nous rémunérons nos crowdfunders à hauteur de 7% d’intérêts  par an, ce qui revient à une réduction très importante pour les clients nous ayant financé et cela sans casser nos prix. C’est du jamais vu.

En naviguant sur votre site on peut avoir l’impression que vous ciblez une population plutôt jeune, écolo, urbaine… Est-ce un positionnement que vous assumez ?

Nous ne sommes pas des marketeurs, et nous n’avons pas étudié notre positionnement. Ce que nous voulons depuis le début, et cela se ressent à travers notre site, c’est une entreprise qui nous ressemble…Cash, collaborative, Geek, moins chère sans être low-cost. On a donc fait un site qui nous plaît et sur lequel on se retrouve.

Il s’avère que nos clients ne correspondent pas à l’image que l’on pourrait s’en faire !

Les clients viennent chez nous pour notre côté start-up qui s’oppose au CAC40, mais aussi pour les EnR et pour le prix. Il faut aussi savoir que nous sommes les moins chers sur certains segments.

Justement comment fait-on pour être moins cher en vendant des EnR?

Les conditions de sourcing sont très favorables aux énergies renouvelables car d’une part elles sont subventionnées par l’Etat, et d’autre part il n’y a pas assez de demande. Il y a certes un léger surplus à payer par rapport à l’énergie de marché, mais nous pouvons faire cet effort. A l’inverse, nous ne pouvons pas proposer que du Biométhane au risque de ne pas être compétitif. Nous avons, pour ce faire, développé deux offres pour le gaz, notamment pour laisser le choix aux consommateurs, contrairement aux offres élitistes que proposent certains autres fournisseurs alternatifs.

Pour conclure, vous faites état d’un surplus d’EnR, malgré les tarifs très intéressants proposés aux consommateurs. Pensez-vous que la transition vers les EnR aille dans le bon sens ?

En effet, seuls 300 000 consommateurs en France disposeraient d’une offre d’électricité 100% renouvelable alors qu’on aurait la capacité d’en fournir 4 millions rien qu’avec les garanties d’origine.

Alors oui maintenant que le marché se démocratise, cela va dans le bon sens. D’ailleurs si même EDF et Engie s’y mettent, c’est clairement un signe.

Il y a pour moi deux enjeux à surmonter pour développer le marché du renouvelable :

  • Equilibrer l’offre et la demande d’EnR, en particulier pour justifier des subventions d’Etat qui se tariront si la demande n’augmente pas.
  • Equilibrer la production et la consommation d’EnR sur le réseau, ce qui justifiera la disparition des centrales traditionnelles

Par contre nous ne sommes pas à l’abri d’une évolution des offres, sur le modèle des fournisseurs belge par exemple. Ceux-ci proposent différentes offres d’EnR selon les lieux de production. C’est peut-être cela qui nous attend. Certains proposeront du renouvelable local, d’autres du renouvelable étranger, comme certains proposent des grands crus et d’autres de la vinasse.

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