Virtuality 2018 : quel état des lieux pour la réalité virtuelle ?

Les 8, 9 et 10 février derniers, le Centquatre accueillait la deuxième édition du salon Virtuality dédié à la réalité virtuelle et aux technologies immersives. Rassemblant tous les professionnels du secteur, cette rencontre annuelle a pour objectif de créer un écosystème riche, porteur et dynamique autour de la VR/AR/MR (Virtual Reality, Augmented Reality, Mixed Reality) et présente comme un véritable accélérateur business. Tous les acteurs de la filière étaient présents : des fabriquant de hardware (Microsoft, Lenovo), des développeurs de software (Blippar), des développeurs d’applications (Jungle VR, Immersiv, SmartVR Studio) et des entreprises pionnières (Orange, BNP Paribas).

Entre les stands de « gaming » et « d’entertainment », nous avons pu rencontrer les start-ups et acteurs qui innovent en matière de « New ways of working » grâce à la réalité virtuelle, augmentée et mixte. Retour sur les temps forts du salon.

 

L’Europe, chef de file de la réalité virtuelle et augmentée

L’étude sur le marché de la réalité virtuelle et augmentée présentée par le cabinet Ecorys place l’Europe en chef de file, devant les Etats-Unis et l’Asie.

Ecorys, Virtual Reality and its potential for Europe, May 2017

En 2015, l’activité de la filière en Europe a représenté ¼ du marché global, soit 700 millions d’euros. Les entreprises y sont nombreuses et dynamiques : 2/3 d’entre elles prévoient d’au moins doubler leur activité dans les prochaines années. La valeur de la production européenne devrait augmenter de manière significative d’ici 2020 pour atteindre entre 15 milliards d’euros et jusqu’à 34 milliards d’euros pour le scénario d’évolution le plus optimiste¹.

L’Europe a de nombreux atouts. Bénéficiant de fonds disponibles pour la recherche et de forts partenariats entre les universités et les centres de R&D, les innovations émergent et les technologies de pointes se développent. La diversité culturelle, la haute qualification de la main d’œuvre et l’esprit collaboratif des acteurs sont autant de facteurs qui viennent enrichir l’activité de la filière. Enfin, les early adopters tels que PSA dans l’industrie automobile, Airbus dans l’aviation, SCNF et Alstom dans le transport, ou encore Enedis et EDF dans l’énergie, viennent alimenter la dynamique du secteur.

 

Réalité virtuelle, réalité augmentée, réalité mixte : quelles perspectives ?

En 2017, la sortie des Hololens de Microsoft a fait grand bruit, mettant en lumière un nouveau type de technologie : la réalité mixte (Mixed Reality MR).

Rappelons que la réalité virtuelle plonge l’utilisateur dans un univers 100% virtuel, dans lequel il peut interagir. La réalité augmentée, elle, vient seulement ajouter du contenu virtuel au champ de vision. A la frontière entre ces deux réalités se trouve la réalité mixte, permettant à son utilisateur d’interagir avec des éléments virtuels tout en conservant la perception de son environnement. Dans de nombreux cas il est difficile de séparer les usages entre réalité mixte et réalité augmentée car elles partagent des supports communs (casques, lunettes…).

A terme, il est même fort probable que réalité virtuelle, augmentée et mixte ne fasse plus qu’un et fusionne sous le terme d’« Immersive Computing ». C’est en tout cas la conviction du président Chine de HTC. Il imagine qu’avec un même support, l’utilisateur pourra choisir son niveau d’immersion, entre une expérience virtuelle complète et une réalité simplement augmentée.

Cela permet de pressentir que d’ici 2021, le secteur sera rythmé par des sorties hardware et des nouveaux usages atypiques. Il demeure, en revanche, que pour tous les acteurs de la filière, une meilleure autonomie des appareils (casques, lunettes…) et une meilleure puissance de calcul embarquée devront être adressés pour répondre aux exigences des utilisateurs.

 

 

 

La réalité mixte, star de l’année 2018 ?

Cette année au salon Virtuality, l’attention s’est portée sur la réalité mixte. Trois acteurs majeurs semblent aujourd’hui se disputer le marché du hardware pour la réalité mixte. D’abord Microsoft qui a sorti en 2016 une première version des Hololens, disponible uniquement pour les développeurs et les professionnels. Ce casque de réalité mixte a la particularité d’être autonome (pas de connexion filaire nécessaire), il s’agit d’un véritable ordinateur holographique. Son principal défaut reste le champ de vision très réduit, représentant seulement 30% de notre champ de vision. La version 2 des Hololens, qui devrait sortir en 2019, promet une expérience plus fluide, renforcée notamment par l’implémentation d’une intelligence artificielle.

Microsoft

Meta a sorti en 2016 une version améliorée de ses Space Glasses : le Meta 2. Le casque de réalité augmentée/mixte n’est pas autonome et doit être relié en HDMI à un PC, mais il bénéficie de ce fait d’une puissance de calcul supérieure à ses concurrents. Le champ de vision est très large (90°), la qualité d’image élevée et il est relativement léger.

Meta

Après des années d’attentes et de levées de fonds massives, l’entreprise Magic Leap a enfin dévoilé en décembre 2017 son casque de réalité mixte et commencera à le distribuer en 2018. Le casque, appelé « Lightwear » présente les mêmes caractéristiques que ses concurrents Hololens et Meta 2, mais l’écran pare-brise est ici remplacé par une lentille arrondie. Le casque, relié à un ordinateur portatif appelé le « Lightpack », est accompagné d’un contrôleur pour la navigation et le retour haptique. L’entreprise affirme que les fonctionnalités nombreuses de Lighwear vont le différencier de ses concurrents.

Plusieurs technologies sont évoquées : un système audio permettant à l’utilisateur de percevoir la distance entre son corps et les visuels, l’usage « d’eye-tracking » (suivi oculaire), et la méthode du Digital Lightfield. C’est principalement sur ce point, que Magic Leap est en avance sur Microsoft. « Les images projetées sont nettes et c’est surtout le focus de celle-ci qui est impressionnant. Selon l’endroit où l’œil se focalise, l’image s’adapte. Ainsi, une image projetée en arrière-plan deviendra floue si l’œil regarde au premier plan comme s’il s’agissait d’un véritable objet se trouvant dans ce plan. »³

Magic Leap

 

Des cas d’usages concrets et pertinents qui se précisent chez les industriels

Florent Pelissier, chef de projet Hololens chez Microsoft, a reprécisé dans son intervention lors du salon, cinq grandes familles de cas d’usages de la VR/AR/MR pour les industriels : la formation, la maintenance assistée, le design, l’aide à la production et la communication.

La formation et l’apprentissage

Aujourd’hui, le challenge pour les entreprises est de réduire les coûts et d’optimiser le temps alloué à la formation des collaborateurs. La réalité virtuelle n’a plus rien à démontrer et se positionne comme un outil redoutable pour atteindre cet objectif. La dématérialisation du lieu de formation permet l’immersion et l’interaction du collaborateur dans un environnement complètement artificiel : tout en offrant une meilleure qualité d’apprentissage et la réduction des coûts associés. A titre d’exemple, EON Reality, une entreprise mondiale spécialisée dans le développement de formations AR/VR pour l’industrie, observe que le temps d’interruption nécessaire à la maintenance d’une centrale électrique peut être réduit de 50% grâce aux formations en VR¹.

Rappelons qu’aujourd’hui, de nombreuses start-ups & entreprises travaillent sur le sujet de la formation VR/AR/MR.

Par exemple, l’entreprise Light & shadows, basée en Île de France, créé des formations sur-mesure pour les industries et développent des objets interactifs adaptés5 (chaussures, pompes à gaz).

Les projets démarrent dans les industries : en prévision du départ à la retraite de 50% de ses employés, l’entreprise Honeywell6 a récemment lancé un outil de formation en MR avec Hololens. Honeywell déclare que l’outil double la rétention des informations et diminue la durée des formations techniques de 150%.

               
             Light&Shadows, pompe à gaz interactive                                                     Honeywell, simulateur de contrôle d’un équipement

Collaboration et maintenance assistée

En milieu industriel, la maintenance d’équipements nécessite de l’expertise, des savoir-faire spécifiques et engendre des coûts importants. L’usage de la réalité augmentée et mixte permet à l’opérateur de visualiser en temps réel des informations, d’avoir accès à des outils ou même d’être guidé à distance.

Les avantages de cet usage sont évidents et stratégiques pour les entreprises : réduction des coûts, amélioration de la sécurité et efficacité des opérations. AREVA s’en sert pour la maintenance en milieu dangereux sur les centrales nucléaires et Safran7 pour la maintenance des câblages électriques des avions.

Schneider Electric

Schneider Electric a lancé en 2017 le développement d’applications basées sur les lunettes de réalité mixte HoloLens de Microsoft. Le groupe veut faciliter les opérations de maintenance industrielles complexes en s’appuyant sur un hologramme et des actions prescriptives.8

Design

Travailler sur un modèle 3D à plusieurs, visualiser une maquette numérique en réunion ou encore prototyper des produits, les cas d’usages dans les processus de design sont nombreux. Le secteur de l’automobile utilise ces technologies depuis longtemps pour concevoir les véhicules plus rapidement, en garantissant une plus grande fiabilité et meilleure sécurité du produit final. Renault, pionner dans l’usage de ces technologies immersives, en a saisi l’importance stratégique depuis longtemps : la possibilité de faire des études sans prototype physique. Au-delà des gains budgétaires, la réalité virtuelle leur permet d’ouvrir le champ des possibles laissant davantage de place à l’expérimentations et la créativité.

Avec l’émergence de la réalité mixte, les constructeurs s’intéressent maintenant à l’aspect collaboratif. Ces outils facilitent la communication et la collaboration entre des collaborateurs d’univers variés : ingénierie, marketing, ergonomie, fabrication industrielle…

Ford, outil collaboratif permettant la visualisation d’un véhicule

Aide à la production et contrôle qualité

Sur les chaînes de production, l’usage des technologies immersives peut intervenir à plusieurs niveaux : assistance au montage, suivi de la production ou encore contrôle qualité des pièces.

L’opérateur équipé d’un casque de réalité mixte a les mains libres et peut consulter en temps réel les informations stockées dans le système d’information de son entreprise (par exemple une maquette numérique). Les informations viennent se superposer sur l’élément à monter/contrôler. Renault Trucks a lancé en 2017 un prototype pour le contrôle de qualité de ses moteurs en fin de chaîne de production. En remplaçant la documentation papier par des casques Hololens, l’opérateur gagne du temps et la qualité des contrôles est améliorée. Suite au succès du prototype, l’entreprise a d’ailleurs lancé un pilote dans son usine de fabrication de moteurs à Vénissieux et prévoit d’industrialiser le système en 2019. D’autres cas d’usages sont explorés : la réparation, l’aide au montage et la formation « terrain » assistée par lunette à réalité augmentée/mixte.

Renault Trucks9

Sur le stand de Synergiz, start-up spécialisée dans la conception, la réalisation et l’intégration de solutions collaboratives et interactives, nous avons pu tester une solution de réalité mixte pour le contrôle de qualité d’une portière. La maquette en 3D s’affiche directement sur l’élément et permet de vérifier plusieurs points d’attention.

Communication et engagement

Pour les opérations de communication, la réalité virtuelle est un outil efficace et améliore significativement l’engagement client. Que ce soit pour la présentation d’un projet ou le lancement d’un nouveau produit, la réalité virtuelle offre la possibilité de faire vivre un storytelling hors norme.

Pour UniVR, « la réalité virtuelle permet de maitriser à 100% l’environnement de découverte du produit, ce qui limite les distractions et rend les spectateurs plus attentifs à votre message. » Par exemple la BNP Paribas utilise la VR pour promouvoir les investissements responsables lors de rendez-vous avec leurs clients.

Les technologies immersives trouvent également une place importante dans la communication interne afin d’améliorer la culture d’entreprise et l’engagement des collaborateurs.

Dans le cadre du recrutement, les technologies immersives améliorent considérablement l’attractivité d’une entreprise. La VR permet par exemple d’immerger le candidat dans son nouveau poste, lui donnant une vision bien plus dynamique de la réalité du travail. L’armée utilise la VR lors de sessions de recrutement et les demandes d’enrôlement ont largement augmentées suite une expérience en VR. La réalité virtuelle peut également servir à l’intégration des nouveaux employés avec, par exemple, la visite des différentes entités d’une entreprise ou la vision d’une journée-type.

 

 

Le secteur des technologies immersives devra relever plusieurs défis dans les années à venir

Pour permettre l’émergence d’un marché solide, les technologies immersives devront répondre à plusieurs défis dans les années à venir. Un défi d’abord technologique, puisque la qualité et les performances des casques vont devoir s’améliorer tout en baissant de prix. La nouvelle génération de casque autonomes laisse à penser que les câbles vont disparaître définitivement mais la puissance de calcul réduite vient diminuer les performances des équipements. Les fabricants devront améliorer la perception et le confort : champ de vision élargi, sensation de profondeur, netteté, poids. Pour se démocratiser, les casques de VR/AR/MR devront également être compatible avec davantage de PC. Le défi sera ensuite celui de l’acceptation, qui implique la création de contenu adapté et varié pour le grand public. Pour justifier l’achat d’un casque a plusieurs centaines d’euros, les expériences proposées devront avoir une vraie utilité.

Enfin, le salon a aussi été l’occasion de parler des questions éthiques que les technologies immersives soulèvent, surtout concernant les usages du grand public. La VR est un média puissant et l’immersion est de plus en plus complète avec un nombre croissant de sens substitué par la technologie (vue, toucher, audition). Les études sur l’impact de la VR sont encore peu nombreuses et les experts ont peu de vision sur les effets d’une utilisation répétée. La distinction entre une expérience vécue dans un monde virtuel et dans un monde réel n’est pas toujours évidente, en particulier chez les enfants.

 

Pour approfondir

Article Energy stream « Réalité virtuelle & augmentée, quels usages pour les industriels et les énergéticiens ? »

Sources :

  1. Etude Ecorys, Lausanne « Potential of VR” Mai 2017 et Dossier de presse Virtuality
  2. https://rslnmag.fr/innovation/realite-mixte-virtuelle-augmentee-definition/
  3. https://www.realite-virtuelle.com/avegant-lunettes-ar-hololens-1003
  4. https://www.realite-virtuelle.com/vr-2018-predictions
  5. https://www.light-and-shadows.com/services/?service=training-operating
  6. https://www.usine-digitale.fr/article/honeywell-se-met-a-la-formation-en-realite-virtuelle-et-augmentee.N654804
  7. https://www.safran-group.com/fr/media/quand-la-realite-augmentee-optimise-la-maintenance-des-cablages-20170602
  8. http://www.zdnet.fr/actualites/microsoft-et-schneider-electric-main-dans-la-main-sur-l-iot-et-la-realite-mixte-39853120.htm
  9. https://www.usine-digitale.fr/article/renault-trucks-dope-le-controle-qualite-de-ses-moteurs-a-la-realite-augmentee.N616053

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