[Interview] Politique énergétique francilienne – Rencontre avec Jean-Jacques GUILLET, Président du Sigeif

Nous avons rencontré Jean-Jacques Guillet, Président du Sigeif et ancien député du parti Les Républicains. Le Sigeif est un acteur historique créé en 1903. Ce syndicat d’énergie regroupe 5.5 millions d’habitants pour la concession gaz, 1.4 millions pour la concession électricité. Il a trois missions, une mission de service public (le contrôle de l’acheminement de l’énergie), une mission politique (le conseil, l’information, le soutien et le subventionnement de ses communes adhérentes en matière de maîtrise de la demande d’énergie), et une mission technique et économique (l’achat d’énergie pour le compte des collectivités d’Île-de-France dans le cadre de l’ouverture des marchés).

 

Voici en substance le résumé de cet échange.

 

La place du Sigeif dans la politique énergétique francilienne

En matière de politique énergétique locale, le schéma usuel est une région stratège et des intercommunalités avec des responsabilités quant à la lutte contre le changement climatique. Le rôle de la métropole, lui, dépend des régions concernées, comme le montrent les situations opposées du Grand Lyon et du Grand Paris. La métropole lyonnaise a un rôle fort avec des compétences en matière de réseau de gaz, de réseau d’électricité, de gestion des ordures ménagères, … Le syndicat local, le SIGERLy, a été intégré à la métropole. En Île de France, la loi NOTRe après un débat parlementaire riche, a prévu un schéma différent, avec une commission de coordination organisée par la métropole. Bien que créée, cette commission n’a jamais été réunie.

Pour compléter ce paysage francilien, viennent les trois autorités organisatrices de l’agglomération, le Sigeif, le Sipperec et la ville de Paris. Les syndicats ont assis leur rôle de coordinateur grâce à la commission « loi de transition énergétique » prévue dans les textes de loi de transition énergétique adoptés dans le même temps que la loi NOTRe. Une de ces commissions, sous la présidence du Sigeif, réunit régulièrement communautés d’agglomérations et métropole. C’est un lieu d’échange qui permet notamment l’élaboration des Plans Climat.

Le regroupement dans les syndicats d’énergie est fondamental. Il laisse aux collectivités locales une autonomie qu’il est important de valoriser. Chaque collectivité peut avoir sa propre approche. Et pour renforcer cette coordination locale, le Sigeif travaille de plus en plus avec la ville de Paris et le Sipperec, à l’instar des groupes de travail de France Urbaine où ces trois acteurs sont présents.

Le Sigeif a pu acquérir une compétence globale sur le domaine de l’énergie à travers sa position historique de distributeur de gaz et d’électricité qui a assis son rôle de conseil et a favorisé sa capacité à innover. Position toujours prise avec la volonté d’horizontalité vers laquelle le Sigeif tend !

L’étude de faisabilité d’une unité de méthanisation à Gennevilliers illustre parfaitement le rôle de coordination du Sigeif. Cette étude s’est faite en collaboration entre le Sigeif, le SYCTOM, la fédération de la restauration, la ville de Gennevilliers avec les cantines scolaires, la chambre interdépartementale de l’agriculture d’Île de France. On y retrouve l’horizontalité que souhaite développer le Sigeif. Ces acteurs ne peuvent pas agir indépendamment les uns des autres, tout comme il est impossible de reposer sur un acteur unique.

 

« Nous souhaitons passer de la verticalité à l’horizontalité. Les syndicats sont des acteurs de la transition énergétique. C’est un rôle qui nous a été conféré au fil des textes législatifs qui ont été adoptés lors des dernières années. Y compris par la loi de transition énergétique ! »

 

Ainsi, l’Île-de-France fait exception : les intercommunalités ont leurs obligations vis-à-vis de la lutte contre le changement climatique, la région a le rôle du chef de file stratège, la métropole n’a pas de réelles compétences énergétiques, les syndicats ont un rôle de coordinateur de toutes ces entités.

 

Sigeif Mobilités : un exemple du rôle d’initiateur du Sigeif

Le Sigeif s’efforce d’être toujours en avance de phase sur les évolutions du paysage énergétique et c’est dans cette dynamique que le Sigeif et la Caisse des Dépôts ont créé la société d’économie mixte, Sigeif Mobilités, avec la conviction que la mobilité gaz va se développer sur l’ensemble des segments (mobilité des particuliers, transport fluvial et maritime, transport routier long distance, transport de marchandises en zone urbaine). L’ambition de Sigeif Mobilités est d’ouvrir 10 stations GNV et bioGNV dans les 5 ans en Île de France. Ainsi, vont être ouvertes une station GNV à Gennevilliers et une station multi-énergie à Grenelle (gaz, hydrogène, essence).

Sigeif Mobilités profite de différentes opportunités pour ouvrir ses stations. Les taux d’emprunt sont faibles, les emprises près des fleuves sont moins couteuses et permettent de s’adresser à plusieurs segments (fluvial et routier). Enfin, les fleuves sont un vecteur de transport des intrants agricoles.

 

 « Nous ne sommes que des initiateurs. Nous donnons l’impulsion. Nous estimons que nous sommes légitimes à agir dans la mesure où l’initiative privée est défaillante. »

 

Le but de cette initiative est d’amorcer le développement de la mobilité gaz. Par contre, Sigeif Mobilités n’a pas vocation à développer une densité de stations nécessaire à la démocratisation de la mobilité gaz. L’initiative privée devra prendre le relai.

 

L’avenir du gaz dans la transition énergétique

Est-il possible de prédire le mix énergétique francilien de demain ? De grandes tendances sont sensibles. La part du photovoltaïque sera limitée par le foncier et il est difficile d’imaginer une forte part due aux particuliers. De même, les centrales photovoltaïques comme celle que développe à Marcoussis, le Sigeif et ENGIE Green, resteront anecdotiques sur le territoire francilien. Et, étant donné les contraintes géographiques, la forte densité en région parisienne, il sera compliqué d’atteindre sur le territoire francilien les objectifs fixés au plan national pour le photovoltaïque. Et, de façon générale, l’Île de France est défavorisée en matière de production locale.

 

 « Je suis optimiste sur la place du gaz dans le mix énergétique, et en particulier en Île de France. Les problèmes fonciers sont bien moindres que dans le cas du photovoltaïque. »

 

Le biométhane offre un plus grand spectre de possibilités, comme le démontre l’étude de faisabilité sur l’implantation d’une unité de méthanisation à Gennevilliers. Et, rappelons que les terres agricoles représentent la moitié du territoire Île de France. Le gaz vert pourra donc jouer un rôle clé quant à l’autonomie de l’Île-de-France, le gaz devenant une ressource clé de la mobilité francilienne.

Pour autant, le développement du biogaz est dépendant de la transition agricole. L’Allemagne a fait le choix de créer une économie agricole autour de l’énergie. Souhaitons-nous développer ce modèle en France ? Actuellement, la direction choisie pour la transformation agricole n’est pas encore lisible, mais nul doute que les contraintes économiques pousseront à clarifier cette trajectoire.

Enfin, n’oublions pas l’hydrogène. Certaines communes se sont lancées dans la production d’hydrogène, notamment pour alimenter les stations de la commune. Mais, le marché n’est pas mature, que ce soit techniquement ou économiquement. Convaincu du développement long terme de l’hydrogène, le Sigeif a intégré l’Association Française de l’Hydrogène.

En conclusion, le gaz et la géothermie auront une grande part dans le mix énergétique francilien que viendra, par la suite, compléter l’hydrogène. La part du solaire sera quant à elle limitée par le foncier.

 

 

Les grands enjeux réglementaires et juridiques pour assurer le développement du gaz

Un réel changement de mentalité du gouvernement sur la question du gaz est observable. Ainsi, Nicolas Hulot a demandé un rapport coordonné entre le Conseil Général de l’Economie et le Conseil Général de l’Ecologie. Ce rapport, demandé dans des délais très courts et remis la dernière semaine de Janvier pose la question sur la façon de lever les obstacles juridiques au développement du GNV et du bioGNV.

En effet, il persiste des obstacles. Par exemple, il est actuellement impossible de connecter une station GNV directement au réseau de transport, il faut la raccorder au réseau de distribution. C’est une barrière légale incontournable. A titre d’exemple, le Sigeif n’a pas pu raccorder la station GNV de Gennevilliers au réseau de transport au-dessus duquel elle était, malgré son intérêt économique, du fait de cet obstacle légal.

 

Les 5 points clé à retenir :

  • Les deux syndicats, de la part de leur expérience et leurs compétences, jouent un rôle clé dans la transition énergétique, à côté des intercommunalités acteurs responsables et des régions stratèges.
  • Le Sigeif joue un rôle d’amorceur, comme le montre la SEM Sigeif Mobilités.
  • Le mix énergétique francilien devrait tendre vers une forte part de géothermie et de biométhane.
  • Il existe une volonté gouvernementale de lever les barrières au développement du gaz.
  • L’avenir du gaz est intimement lié à la transition agricole.

 

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