L’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments tertiaires est un enjeu majeur en France. Ces bâtiments représentent environ 17% de la consommation d’énergie finale, dont une large part (37%) provient de sources fossiles (Source : ADEME). Les directions immobilières sont confrontées à des défis multiples liés à l’énergie, tels que l’augmentation des tarifs et les réglementations en vigueur, les incitant à rationaliser leur consommation d’énergie et à surveiller et gérer efficacement cette consommation notamment grâce à un meilleur pilotage.
Les systèmes de management de l’énergie pour les bâtiments tertiaires (EMS – Energy Management Systems) jouent un rôle majeur dans ce contexte. Il s’agit de solutions logicielles conçues pour analyser et visualiser la consommation énergétique des bâtiments, par usage, permettant ainsi d’identifier des gisements d’efficacité énergétique. De plus, la prise en compte de facteurs externes (météo, pollution, comparaison avec d’autres bâtiments similaires, …) permet de modéliser précisément les consommations à venir et améliorer le pilotage des équipements.
En 2024, Wavestone a identifié et rencontré les acteurs du marché français des EMS pour les bâtiments tertiaires. Retrouvez ci-dessous notre radar des EMS et l’analyse associée.
Un contexte favorable au développement
- Le rôle des EMS dans la flexibilité énergétique des bâtiments
La flexibilité du système électrique est la capacité des acteurs produisant, consommant ou stockant de l’énergie, à agir volontairement pour remédier à un déséquilibre sur le réseau. Les enjeux de flexibilité sont importants dans le contexte de transition énergétique, notamment avec la croissance de la production renouvelable intermittente et le besoin de limiter les pics journaliers de consommation pour lesquels le mix électrique est le plus carboné.
Pour la flexibilité de la consommation des bâtiments, les EMS sont des alliés clés car ils permettent grâce à l’analyse des données de consommation, et aux recommandations de pilotage et de programmation des équipements énergétiques induits, de moduler les consommations. La modulation de la consommation grâce aux EMS peut aller jusqu’à 40% de baisse de la pointe (Source : Bilan prévisionnel RTE 2023-2035). Ce potentiel de flexibilité a été mis en évidence lors du concours CUBE Flex27 mené en 2023 par l’IFPEB, A4MT et RTE. Il est accessible dès à présent par des actions de programmation et pilotage manuel des équipements, même sans installation de GTB.
Retrouvez ici notre interview d’un acteur innovant du marché des GTB
- Des sources de financement disponibles
Le programme PRO-SMEn couvre jusqu’à 20% des dépenses d’investissements pour la mise en place de systèmes de management de l’énergie (Source : ATEE, 2024). Ce financement, qui peut être complété par d’autres mécanismes comme l’aide à l’Audit énergétique, contribue à surmonter les barrières financières initiales des entreprises pour investir dans des technologies et pratiques qui réduisent leur consommation d’énergie et leurs coûts à long terme.
- Une législation ambitieuse
Trois décrets législatifs majeurs incitent à réduire et piloter les consommations énergétiques :
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- Le décret Tertiaire impose une réduction progressive des consommations énergétiques dans les bâtiments tertiaires ;
- Le décret Audit énergétique oblige à réaliser un audit énergétique tous les quatre ans ;
- Le décret BACS impose l’installation d’un système automatisé pour le contrôle et la gestion des équipements techniques dans les bâtiments non résidentiels. Le décret BACS, en vigueur depuis le 1er janvier 2025, oblige les bâtiments ayant une puissance nominale supérieure à 290 kW à mettre en place un système d’automatisation et de contrôle des équipements techniques. À partir de 2027, cette obligation sera étendue aux bâtiments avec une puissance supérieure à 70 kW. Ce décret rend les systèmes de mesure, de suivi et d’analyse des consommations d’énergie incontournables.
Un marché dynamique en pleine croissance
Le marché des EMS pour les bâtiments tertiaires en France est dynamique et en pleine croissance. On y retrouve des grands acteurs énergéticiens, équipementiers et éditeurs de logiciels, mais également de nombreux pure players.
Les acteurs étudiés par Wavestone proposent tous des plateformes logicielles mais se différencient par des cœurs de métier différents et parfois complémentaires sur la chaîne de valeur de la gestion de l’énergie dans le bâtiment : technologies de mesure et de partage des données, analyse, visualisation et modélisation de données, technologies de pilotage des équipements, accompagnement et services énergétiques.
Pour analyser, modéliser et visualiser la consommation énergétique des bâtiments tertiaires
Les EMS intègrent diverses technologies et méthodologies pour collecter, traiter et présenter des données énergétiques. Ils utilisent des capteurs et des dispositifs de mesure pour surveiller en temps réel la consommation d’énergie. Les données recueillies sont ensuite analysées pour détecter des anomalies, identifier des tendances et proposer des actions correctives. Ils peuvent également simuler différents scénarios pour prévoir l’impact de modifications dans la gestion énergétique.
Ils centralisent et analysent des données issues de différentes sources pour mieux gérer l’énergie d’un ou plusieurs bâtiments. Ces sources peuvent être internes (systèmes de production d’énergie locale, IoT et capteurs locaux), externes (données climatiques et environnementales, réglementations et normes), ou hybrides (flottes de véhicules électriques, événements spécifiques).
Grâce à cette analyse, l’EMS peut aider à identifier des opportunités d’optimisation énergétique, permettant ainsi de réduire les coûts énergétiques, d’améliorer la performance énergétique, de suivre les réglementations en vigueur, et de développer une stratégie d’efficacité énergétique.
Wavestone a identifié et rencontré les acteurs des EMS présents sur le marché français et présente son radar dédié
Le RADAR 2025 des solutions EMS pour les bâtiments tertiaires
Tendances du marché (analyse faite à partir des démonstrations techniques réalisées)
Mesure des consommations
- Capteurs : Environ 50% des acteurs proposent leurs propres instruments de mesure. La performance des outils de mesure repose sur leur précision, leur fréquence de remontée des données, et leur capacité à s’interconnecter avec les autres systèmes.
- Installation des capteurs : Les outils de mesure facilement intégrables et non intrusifs sont généralement préférés aux systèmes nécessitant des travaux lourds d’installation.
- Reconstitution des usages : La consommation est majoritairement mesurée en sous-comptage de manière la plus fine possible au niveau des équipements, permettant d’aller au-delà des capacités d’un compteur Linky classique.
Collecte, Stockage et Transfert de la Donnée
- Collecte des données : 90% des acteurs sont capables de récupérer des données issues des fournisseurs d’énergie, des factures d’énergie et de l’Internet of Things (électricité, gaz, eau, polluants).
- Sécurité des données : Toutes les solutions s’assurent que le stockage et le transport des données soient sécurisés, généralement en passant par des hébergeurs réputés comme AWS. Quelques solutions comme Zero Wattheure choisissent d’héberger elles-mêmes les données pour renforcer la sécurité.
- Injection des données : Les solutions se différencient sur les méthodes d’injection des données dans la plateforme (manuelle, automatique, import de masse) et sur le suivi de la collecte des données (état de santé de la collecte, détection d’anomalies).
Visualisation des données
- Personnalisation des tableaux de bord : La majorité (85%) des solutions permettent de personnaliser les tableaux de bord observables par les utilisateurs. Les autres solutions se concentrent sur des tableaux et graphiques standardisés mais plus complexes.
- Cloisonnement des données : 80% des plateformes peuvent faire varier les informations accessibles en fonction des responsabilités des différents utilisateurs.
- Visualisation temps-réel : Toutes les solutions permettent de visualiser les données en temps réel, de les exporter ou de les partager sous forme de rapports. Le rafraîchissement des données peut varier de la seconde à la journée.
Analyse et modélisation des Données
- Modélisation de trajectoires : 50% des solutions permettent de modéliser des trajectoires cibles ou des prédictions de consommation, généralement accompagnées de budgets et de coûts.
- Suivi au niveau d’un parc de bâtiments : Toutes les solutions permettent d’avoir une vision macroscopique du parc immobilier des clients, permettant de comparer les consommations énergétiques de plusieurs bâtiments.
- Simulation : 60% des solutions prennent en compte les éléments extérieurs (météo, bâtiments similaires) pour modéliser la consommation réelle ou prédire les consommations futures. 50% des solutions permettent de simuler des scénarios de consommation d’énergie pour évaluer l’impact des mesures d’efficacité énergétique.
Accompagnement client
- Services complets : La moitié des solutions proposent la mise en place de plans d’actions. Indépendamment de la présence de cette fonctionnalité sur la plateforme, il est fréquent que les entreprises proposent un accompagnement plus ou moins riche auprès des utilisateurs.
- Support personnalisé : 20% des entreprises rencontrées proposent des services d’accompagnement intégrant la mise en place de projets de réduction des consommations, l’accompagnement financier et l’Energy management.
Les perspectives pour l’avenir du marché français des EMS pour les bâtiments tertiaires
Le marché français est en pleine croissance, avec des acteurs variés : énergéticiens, équipementiers, éditeurs de logiciels.
Il y a plusieurs axes d’évolution du marché, sur lesquels les acteurs du secteur travaillent :
- L’IA pour améliorer les modèles prédictifs : Développement d’algorithmes IA avancés pour affiner les modèles prédictifs de consommation, anticiper les dérives et optimiser la gestion énergétique en temps réel, en tenant compte des données météorologiques, d’occupation des bâtiments et les tarifs énergétiques.
- L’ergonomie et le design : Concevoir des interfaces intuitives et conviviales pour faciliter l’appropriation des fonctionnalités par les utilisateurs, en mettant l’accent sur la visualisation des données, la personnalisation des tableaux de bord et la simplicité de navigation.
- La conformité réglementaire autour du carbone : Intégrer des fonctionnalités de suivi des émissions carbone pour aider les bâtiments tertiaires à atteindre leurs objectifs de neutralité carbone, en conformité avec les réglementations en vigueur et à venir (RE2020 et obligations CSRD notamment).
- La diversification des fonctionnalités : Élargir le périmètre fonctionnel des EMS au-delà de la gestion de la consommation énergétique, en intégrant des fonctionnalités de gestion de l’autoproduction (solaire, éolien), de pilotage des équipements CVC, de gestion de la recharge des véhicules électriques.
- L’ouverture et l’interopérabilité : Favoriser l’interopérabilité des EMS avec d’autres systèmes du bâtiment (GTB, compteurs intelligents, capteurs IoT) pour une gestion globale et optimisée de l’énergie, en adoptant des standards ouverts et des API documentées.
- La modularité : Proposer des solutions modulaires et évolutives, permettant aux utilisateurs de choisir les fonctionnalités adaptées à leurs besoins et de les faire évoluer en fonction de leurs priorités et des évolutions réglementaires.
En synthèse
Les EMS sont des outils clés pour la gestion énergétique des bâtiments tertiaires. Ils permettent une analyse fine de la consommation, facilitent la flexibilité énergétique des bâtiments, et contribuent à répondre aux exigences législatives telles que les décrets BACS et Tertiaire. Le marché des EMS pour les bâtiments tertiaires est en expansion, offrant des solutions de plus en plus précises et intégrées, contribuant ainsi à la performance énergétique des bâtiments.
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