La Bretagne : fer de lance de l’effacement industriel ?

Hausse de la demande énergétique et des pics de consommation, déséquilibre et importante probabilité de défaillance du réseau électrique dans les années à venir, évolution du mix énergétique… autant de risques et de facteurs auxquels le marché électrique français doit répondre. Du fait de sa situation géographique et de ses faibles capacités de production traditionnelles, la Bretagne est tout particulièrement concernée par ces questions. D’après RTE, l’opérateur du réseau de transport d’électricité, elle qui ne produit que 10% de sa consommation électrique et serait même en situation de forte dépendance et de fragilité d’approvisionnement.

Le Pacte électrique breton, réponse aux défis énergétiques de la région

breve15976aPour apporter une réponse durable aux défis énergétiques de la Bretagne, le Pacte électrique breton de 2010 a défini trois grandes orientations :

  1. Le déploiement massif de toutes les énergies renouvelables, et en particulier des énergies marines renouvelables,
  2. La maîtrise de la demande en électricité, notamment grâce à la démarche éco-citoyenne Ecowatt,
  3. La sécurisation de l’approvisionnement en énergie, amorcée par les expérimentations hivernales de RTE.

Les expérimentations hivernales de RTE

Investi sur le thème de la sécurité, RTE mène des expérimentations d’effacement de consommation dans la région depuis l’hiver 2012/2013, auprès des  particuliers (voir notre série sur l’effacement diffus), des collectivités locales mais surtout auprès des entreprises (voir l’éclairage Energystream sur l’effacement industriel).

Pour rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande, RTE doit disposer en temps réel d’une réserve d’énergie. Le mécanisme d’ajustement lui permet de faire appel aux producteurs et aux consommateurs connectés au réseau pour qu’ils modifient très rapidement leur consommation. Concrètement, cela revient pour les consommateurs à « effacer » la consommation d’une partie de leurs équipements électriques  pendant les pics de consommation.

Finger pressing a DELETE keyRTE a sélectionné par appel d’offres 5 agrégateurs d’effacement  pour l’hiver 2013/2014 : E.ON France, Smart Grid Energy, Actility, Energy Pool et Dalkia. Ces acteurs doivent être en mesure d’effacer  une puissance de 70 MW environ à tout moment entre le 1er novembre 2013 et le 31 mars 2014, sur demande de RTE, en fonction des besoins du réseau électrique régional.

Le premier objectif de ces expérimentations est d’éviter les risques de black-out en limitant les fameux pics de consommation. Au-delà de la mitigation de ce risque, les expérimentations amorcent le développement de l’effacement en France par 3 principaux biais :

  • Une impulsion à la transition énergétique française : elles doivent permettre d’alimenter des réflexions sur des effacements de consommation à l’échelle nationale,
  • Le test de nouveaux modes opératoires pour l’activation à distance des effacements. Par exemple,  un système informatique de messagerie a substitué à la voie téléphonique traditionnelle,
  • La valorisation de toutes les capacités d’effacement ou de production (1 MW ou plus), même des petits acteurs.

Valoriser l’effacement et la production de petites capacités électriques : un enjeu fort pour les réseaux électriques

Ce dernier point est un enjeu fort pour RTE. En effet, le mécanisme d’ajustement n’acceptait jusqu’ici que des capacités de 10 MW minimum. Les expérimentations permettent de mobiliser de plus petits acteurs. Or ceux-ci pourraient bien être les moteurs de l’effacement en France.

conceptualLe principe de la longue traine (long tail) a été théorisé par Chris Anderson pour le e-commerce. Il peut être adapté à d’autres secteurs, dont l’effacement énergétique. Certains produits ou services font l’objet d’une faible demande. Cependant, ils peuvent collectivement rivaliser voire surpasser la part de marché des produits très populaires proposés par de grands acteurs du marché. Par exemple, « l’agrégation » d’une dizaine de millions de sites web ayant chacun une fréquentation de quelques centaines de personnes peut conduire à des fréquentations totales de millions de personnes. Cela rivalise avec l’audience d’un prime time télévisuel. La clé de ce renversement de situation, résiderait donc dans les « courtiers » de la longue traîne comme Google, YouTube… qui réalisent des chiffres d’affaires importants en référençant les petits sites web. 

Le principe de la longue traîne apporte un éclairage intéressant à la question de l’effacement industriel. L’agrégation de toutes les petites capacités d’effacement des petites entreprises représente un potentiel énergétique équivalent à celui d’un gros consommateur industriel comme Arcelor Mittal. L’utilité d’effacer ces petits producteurs ne pourra se concrétiser que par l’intermédiaire de courtiers efficaces : les agrégateurs d’effacement.  Les expérimentations bretonnes de RTE parient sur ce principe en valorisant les capacités d’effacement ou de production dès 1MW.

La généralisation du modèle à l’échelle française ?

Les expérimentations de l’hiver 2012/2013 ont déjà prouvé que le mode opératoire innovant mis en place spécifiquement pour cette démarche a bien fonctionné, avec, en particulier, une mise en oeuvre des activations par voie informatique auprès des opérateurs. Outre la confirmation de ce premier bilan, le deuxième volet d’expérimentation doit apporter des perspectives sur la généralisation du modèle d’effacement de petites consommations à l’ensemble du territoire français.

Précurseur sur cette approche, la Bretagne pourrait bien devenir le fer de lance de l’effacement industriel en France. Rendez-vous dans quelques semaines pour en connaître les conclusions…

 

 

2 thoughts on “La Bretagne : fer de lance de l’effacement industriel ?

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