Forum Énergie : les nouvelles guerres de l’énergie

Jeudi 25 novembre à Paris Dauphine avait lieu le 9ème Forum de l’énergie sur le thème des « nouvelles guerre de l’énergie ». Invité d’honneur, l’ex-président de la COP21 : Laurent Fabius a ouvert cette soirée de débats où étaient réunis 24 invités. Présidents de grands groupes tels qu’Engie ou Total, ou général de l’État-Major des armées en passant par fondateur de start-up, la diversité des fonctions occupées par chacun des invités témoignent de la complexité et de l’étendue du sujet traité. Cependant, tous se sont accordés à dire que le numérique a sa part à jouer dans les transformations du secteur à venir.

Le secteur de l’énergie subit un bouleversement, une « triple révolution » selon Gérard Mestrallet, Président du conseil d’administration d’Engie.  Cette révolution est technologique, digitale, et culturelle.

De quelles tensions ou guerres parle-t-on ?

L’écosystème des entreprises énergétiques est sujet à des tensions politiques, climatiques, militaires, économiques et financières.

Patrick Pouyanné, PDG du groupe Total, explique que ces tensions sont historiquement dues à la concentration géographique des réserves mondiales d’hydrocarbures. En effet, aujourd’hui près de 50% des réserves pétrolières mondiales sont localisées au Moyen-Orient. Cette concentration extrême crée un environnement géopolitique constitué de blocs aux intérêts économiques divers : d’un côté des exportateurs tels que les États-Unis, la Russie ou le Moyen-Orient, et de l’autre des consommateurs tels que l’Inde ou la Chine. Une telle polarisation entre offre et demande, et les tensions existantes comme les conflits religieux présents à l’un des pôles notamment, impactent de fait les activités de sociétés telle que Total.

L’hétérogénéité des niveaux de croissance et de développement entre les pays producteurs et/ou consommateurs engendrent des aspirations différentes. En effet, les besoins énergétiques des pays émergents sont de plus en plus importants, les amenant à challenger les prix et la « propreté » des sources. De plus, la réduction des émissions de gaz à effet de serre devient un sujet de santé publique, pour les pouvoir publics chinois notamment, devant réviser leur mix énergétique sous peine de provoquer l’ire des habitants des zones urbaines les plus polluées au monde.

Le paradoxe issu de la COP21 reflète à quel point les tensions politiques peuvent impacter le secteur énergétique. En effet, d’un côté l’Accord de Paris est un succès. Ses « textes ne sont pas des proclamations vagues, ce n’est pas du Flaubert » mentionne Laurent Fabius qui estime que « pour la première fois, la part scientifique est alignée avec l’économique, la sociétale et la politique ». En revanche, ce denier rappelle que, seul, l’Accord n’est « pas à hauteur des nécessités » : en 2016, la température terrestre moyenne a déjà augmenté de 1,2°C par rapport aux niveaux préindustriels selon l’Organisation Météorologique Mondiale. Si les engagements pris par les parties de l’accord sont seulement respectés, et pas améliorés, alors « la limite fixée à 2°C sera déjà franchie d’ici à 2050 ». D’autant que cette première condition elle-même est déjà fragilisée par différents évènements politiques, comme les récentes élections présidentielles américaines par exemple.

En synthèse, la multiplicité des scénarios politiques, l’interdépendance des pays, et la volatilité de la trajectoire du secteur énergétique, en termes de prix et de contraintes écologiques, génèrent des facteurs de tensions qui viennent impacter les sociétés du secteur.

ForumEnergies

Quel rôle à jouer pour le digital ?

Si elle est perçue par certains des invités comme source de conflit, pour d’autres comme Laurent Fabius ou Hakki Akil, ambassadeur turc, l’énergie constitue un moyen d’apaisement.

Avec le perfectionnement des moyens de production d’énergie renouvelable : le solaire, l’éolien, etc., d’aucun voient le système énergétique de demain comme étant décentralisé. Plus qu’un nouveau paradigme, cette transition amènerait des moyens de rapprocher les individus et donc d’effacer peu à peu les tensions. À l’instar du gaz russe ayant stabilisé les relations du bloc soviétique avec l’Europe dans les années 80, l’énergie, selon M. Hakki, sera « vecteur de stabilité et de coopération » dans le système décentralisé et digitalisé de demain.

Que ce soit dans le cas de l’autoconsommation qui nécessite une gestion « intelligente » du réseau de distribution, ou dans la recherche de financements, le digital a son mot à dire. Dans le premier cas il permettra à des services d’agrégateurs de procéder à des effacements si la production en autoconsommation ne suffit pas. Dans le second il aidera des particuliers à s’unir pour la construction d’une ou plusieurs éoliennes alimentant le quartier.

Des entreprises comme Engie en ont ainsi fait un véritable levier et l’ont inclus à leur stratégie de transformation. Au même titre qu’il doit être décarbonné, décentralisé et sobre, le système énergétique doit aussi être digitalisé, selon Isabelle Kocher. Corinne de Bilbao, Présidente de General Electric France estime quant à elle que le digital peut apporter 20% d’augmentation de production dans l’éolien par l’efficacité énergétique, en prenant en compte des paramètres tels que la météo par exemple. D’autre part, GE ambitionne d’augmenter encore l’efficacité du système décentralisé de demain en ayant pour objectif de devenir le leader de l’IIoT (Industrial Internet of Things).

Selon Colette Lewiner, conseillère chez Capgemini, en étudiant des technologies comme l’IoT ou la Big Data, les entreprises ont en revanche oublié de se pencher sur une question cruciale, le stockage. Aujourd’hui boudé d’un point de vue financier, le stockage devra toutefois être intégré aux solutions de « digitalisation de la distribution », qui verra apparaître par ailleurs de nouveaux fournisseurs d’une énergie « polysource ».

Bien qu’essentiel, le digital ne pourra pas faire marche seul

Si selon Gerard Mestrallet les entreprises ont une part de responsabilité à hauteur de 70% dans l’effort de la transition énergétique, c’est bien sur une alliance de 4 piliers que repose la réussite de la transition énergétique : les pouvoir publics et collectivités territoriales, les financements, les entreprises privées et les technologies. Bien qu’a priori seulement représenté par le dernier pilier, le digital a son rôle à jouer dans chacun pour contribuer à une transition énergétique nécessaire pour le développement et pour la paix.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to top