Quels business models pour les initiatives intelligentes du Grand Lyon ?

La Smart City, « ville dans laquelle les technologies digitales sont intégrées à toutes les fonctions de la ville » d’après le Smart City Council, transforme l’espace urbains, l’usage de ses infrastructures et ses services. Analyser la nature de ces transformations sous l’angle des business models permet une double grille de lecture, en mettant en lumière qui sont les payeurs et la proposition de valeur associée d’une part, en catégorisant d’autre part les types de changement qui s’opèrent.

En France, la Métropole du Grand Lyon s’est positionnée très tôt sur des marchés innovants. Elle est classée 1er territoire européen des Nouvelles Mobilités, 1ère ville pour entreprendre dès 2016 (L’Express-L’Entreprise 2016) et fait partie de plusieurs programmes européens qui lui permettent de financer de nouveaux projets d’expérimentation et de gagner en visibilité.

C’est pour ces raisons que nous avons choisi de nous y intéresser sous le prisme suivant : « vers quels modèles économiques tendent les initiatives intelligentes de la Métropole du Grand Lyon ? ».

 

1.    Les différents business models de la Smart City

L’enquête sur les nouveaux modèles économiques urbains mets en avant six business models pour la Smart City. Ces techniques correspondent à différents modèles socio-économiques de la Smart City :

  • Ville Data Optimisée(optimisation de la performance grâce au big data, i.e. augmentation substantielle du volume de données récoltées par la collectivité),
  • Ville Effacée (promotion de la non-consommation ou de son report),
  • Ville Freemium (certains services publics gratuits financés par les revenus d’offres premium),
  • Ville Peer-to-Peer (échange entre citoyens « consom’acteurs »),
  • Ville Multiface (transfert du coût de revient d’un service à un ou plusieurs service(s) adossé(s), typiquement via la publicité),
  • Ville Servicielle (services au plus près des besoins des citoyens, financés éventuellement par une taxation sur le service en question ou par l’impôt général dû à la collectivité)

L’équipe d’Energystream a présenté ces modèles dans une série d’articles théoriques dédié au sujet :   « Quels business models pour la Smart City ? (1/2)» et « Quel business models pour la Smart City ? (2/2) ».

 Chaque modèle présente des opportunités spécifiques mais aussi certains risques, synthétisés dans le tableau ci-dessous :

 

2.    Que révèlent les initiatives de ville intelligente des modèles d’affaires à l’œuvre à Lyon ?

Afin de mieux comprendre les logiques d’affaires qui sous-tendent le développement d’initiatives intelligentes, nous nous sommes penchés sur différents projets de la métropole de Lyon que nous avons catégorisés dans la cartographie ci-dessous. Cette cartographie, non exhaustive et expérimentale, vise à étudier si l’un de ces modèles est prédominant et si cette prédominance s’accompagne de risques et d’opportunités.

 

Dans cette cartographie, nous avons différencié les initiatives selon qu’elles relèvent d’une initiative publique, privée, citoyenne ou d’un programme multi partenarial. La centaine d’initiatives relatées dans la publication de la Métropole ne comprenant pas d’initiatives purement citoyennes, cette catégorie a été ajoutée et illustrée via 2 exemples (Anciela – Pépinière d’initiatives citoyennes écologiques et solidaires – et Zéro Déchet Lyon).

Majoritairement positionnées sur les domaines de la gouvernance, de l’énergie et du transport, ces initiatives révèlent une stratégie Smart City « numérique orientée usage », avec des projets qui relèvent des modèles de ville Data Optimisé et Servicielle.

Cet exercice de catégorisation a permis de tester la typologie élaborée par le groupement Ibicity –Espelia – Acadie, et montré que la grande majorité des projets recensés par la Métropole du Grand Lyon comme « projets d’expérimentation » se basent sur trois des six modèles proposés : ville Data Optimisée, Servicielle et Peer-to-Peer. Cet assemblage de modèles permet une mécanique de compensation entre le risque de désengagement citoyen des deux premiers modèles et l’opportunité de le renforcer via des démarches Peer-to-Peer. La menace de perte de fiscalité engendrée par les initiatives Peer-to-Peer peut être compensée par une optimisation des recettes via la valorisation de la donnée. La force de cette association est l’augmentation de la performance des services, mais peut affaiblir le pouvoir administratif de la ville et représenter globalement une fragilisation financière, notamment pour le financement de grandes infrastructures dont la contribution directe des utilisateurs à leur facturation se trouve réduite.

 

3.    Focus sur les initiatives lyonnaises

Nombre de projets listés ici sont également à l’interface entre les deux modèles. En termes de risque, les deux modèles peuvent favoriser un affaiblissement du lien social : ses modèles de villes veulent en effet servir chaque individu au plus près de ses besoins, réduisant le lien social et le besoin des autres. L’opportunité la plus marquée par les deux modèles est l’amélioration de la qualité de service.

La catégorie Peer-to-Peer est le troisième type de modèle en termes de nombre d’initiatives. Le modèle Peer-to-Peer s’illustre par une diversité des initiatives. Il rassemble le plus de projets d’interfaces (interfaces avec tous les autres modèles, sauf le modèle Freemium), ainsi qu’un bon équilibre entre les différents types d’initiative (publique, privée, citoyenne, multi partenariale).

Il est intéressant de constater qu’aucune initiative Freemium n’a été recensée parmi les projets d’expérimentation du Grand Lyon. Cela est à mettre en perspective avec la méthodologie utilisée : les initiatives analysées sont uniquement celles recensées comme « projets d’expérimentation » par la Métropole, sans visibilité sur l’ensemble des démarches Smart City du marché, notamment du secteur privé, le plus à même de recourir à un modèle Freemium.

Certains projets se distinguent par leur position en interface de 3 modèles, qui sont donc des projets qui incarnant multiples dimensions de la Smart City.

Vélo’v : un service aux usagers, en partage, et financé par la publicité via le marché que la métropole a contracté avec JC Decaux, l’opérateur du service.

Tubà : espace de coworking et programme multi partenarial qui met à disposition des services d’accompagnement à l’innovation, l’incubation et le développement de services urbains s’appuyant sur les données numériques privées et publiques.

Lyon Living Lab Energie : démonstrateur industriel pour la ville durable réunissant 70 partenaires dans une démarche d’innovation ouverte (start-ups, acteurs institutionnels ou grands groupes), dont le volet Energie consiste à mettre en œuvre un, ou plusieurs, opérateurs territoriaux neutres de données multi-énergies et d’optimisation énergétique.

En somme, malgré la difficulté de mesurer l’impact réel de ces initiatives, les catégorisations des modèles d’affaires de la ville intelligente permettent toujours d’éclairer sur les choix des acteurs de l’énergie, du transport, des infrastructures urbaines à la manœuvre sur un territoire. Des choix qu’il convient de comprendre afin de mieux les questionner.

 

Cet article a été écrit par Marie-Eve WILL avec la participation de Gaële BACQUE, Adrien LAFON, Axel LEROY, Eliot NEMOZ, Jérémy PONTIF et Rami ZGHAIB.

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