Rencontre avec le responsable de l’électrification de la flotte d’EDF, Pascal Pavard

Depuis plusieurs années, le groupe EDF a initié un chantier d’électrification de sa flotte de véhicules légers pour contribuer à l’atteinte des objectifs de décarbonation des activités du groupe dans les années à venir. Dans ce cadre, dès 2017, EDF a rejoint l’initiative EV100 qui a pour but d’atteindre 100% de véhicules légers électriques d’ici 2030.

Pour mieux comprendre les contours de ce projet et son avancement, nous sommes allés à la rencontre de Pascal Pavard, chef de projet EV100 et responsable de l’offre mobilité électrique aux salariés au sein du groupe EDF.

EnergyStream : Quel est le contexte et l’ambition d’EDF en matière de mobilité durable ?

Pascal Pavard :

La raison d’être d’EDF est de construire un avenir énergétique neutre en CO2, conciliant préservation de la planète, bien-être et développement, grâce à son électricité bas carbone et à des solutions et services innovants. Pour EDF, la mobilité d’aujourd’hui répond à un triple enjeu : social, environnemental/santé publique et enfin un enjeu économique. Dès 2019, nous avons fait le choix d’un accord mobilité durable à la maille du Groupe en France. Nous avons créé une équipe projet, avec des représentants des filiales du Groupe et de nos organisations syndicales. La signature avec les organisations syndicales, à l’unanimité, a eu lieu le 12 novembre 2019, en parallèle de la finalisation de la Loi d’Orientation des Mobilités. C’est un exemple concret d’engagement en lien avec notre raison d’être.

D’ailleurs, la stratégie du Groupe « CAP 2030 » renouvelée en 2021 incarne la mobilisation de l’entreprise pour un avenir énergétique juste, innovant, durable, et neutre en carbone en 2050.

Dans cet accord, il y a notamment un volet sur l’électrification de la flotte et l’accompagnement auprès des salariés de l’entreprise. Cet accompagnement des salariés se traduit notamment par une offre négociée de VE et VHR conformes aux critères bas carbone EV100 à destination des salariés et retraités du groupe. Cette démarche est intégrée dans la démarche plus globale « Combattre le CO2, ça commence par nous ».

Au-delà de l’aspect véhicule électrique, cet accord se positionne aussi sur tous les champs de la mobilité durable.

Il n’existe pas une seule bonne solution, mais des solutions complémentaires qui répondent à des enjeux locaux, aux situations personnelles. C’est pour cela que nous explorons des pistes variées et complémentaires. Notre volonté est de donner des choix aux salariés au service de la performance.

Le projet EV100 adresse la partie transport bas carbone lorsque l’usage d’un véhicule léger est nécessaire.

EDF Centrale Bugey crédit Brio Studio

ES : Pouvez-vous nous présenter l’initiative EV100 ? Comment et pourquoi EDF a-t-il décidé d’intégrer cette initiative ?

PP : L’initiative EV100 a été lancée en septembre 2017 lors de la « Climate Week » organisée par l’ONG « The Climate Group » tous les ans à New York pendant l’assemblée générale de l’ONU. Elle vise à fédérer des grands groupes internationaux autour de l’objectif de 100% de véhicules électriques d’ici à 2030. EDF a été la première entreprise française à rejoindre l’initiative EV100. Aujourd’hui, plus de 100 groupes y ont adhéré à l’échelle mondiale.

Nous avons choisi de rejoindre cette initiative pour plusieurs motifs. C’est d’abord une démarche qui correspond à notre ADN et à notre volonté d’être exemplaires. En adhérant à une telle initiative à l’échelle mondiale, cela nous permet de contribuer à l’effort collectif pour amplifier et accélérer la conversion d’autres entreprises pour arriver à diminuer au global les émissions carbone du transport.

De plus, l’initiative EV100 est aussi un véritable terreau d’expérimentation pour EDF. Cela nous permet en effet d’ajuster et d’accélérer l’industrialisation de solutions technologiques nouvelles et révolutionnaires telles que le V2G (vehicule-to-grid).

ES : Quel est le cadre concerné par l’initiative EV100 chez EDF ?

PP : L’initiative concerne les véhicules de moins de 3,5 t, c’est-à-dire les véhicules légers tels que les véhicules particuliers, de société ou les utilitaires. A l’échelle du groupe, cela représente plus de 45 000 véhicules répartis à travers 35 pays mais dont la majorité se situe en France.

Données EDF

Parmi ces véhicules, il y a près de 60% d’utilitaires et donc une quarantaine de % de véhicules 5 places ou 2 places. Cette forte proportion de véhicules utilitaires est pour nous un véritable défi. Jusqu’à cette année, il n’y avait que peu de véhicules utilitaires électriques industrialisés disponibles sur le marché.

Il y a actuellement près de 2500 sites EDF dans le monde, dont plus de 2100 se situe en France. Cela fait autant de sites à équiper en infrastructures de recharge. Pour la France une entité dédiée, la filiale Izivia IG, a ainsi été créée pour répondre à cet objectif d’équipement des sites EDF en infrastructures de recharge.

ES : Quels sont les objectifs à court et moyen terme avant l’atteinte de l’objectif en 2030 ?

PP : Ce projet EV 100 est, bien entendu, une démarche opérationnelle nécessitant une transformation de nos habitudes en termes de mobilité et de gestion de flotte afin d’optimiser le TCO. Par ailleurs, en concertation avec la direction financière du groupe, nous avons souhaité en faire un critère pris en compte dans certaines lignes de crédit de l’entreprise. Cela lui donne d’autant plus d’importance dans la stratégie de l’entreprise et dans ses objectifs en matière de développement durable.

En accord avec ces lignes de crédit, on obtient donc chaque année une fourchette cible de pourcentage d’électrification. Par exemple, en 2020, l’objectif fixé en fonction de ces lignes de crédit à impact était de se positionner entre 10,5% et 13,5%. Nous avons atteint le score de 12,2%.

Nos objectifs fixés dans le cadre du projet EV100 sont donc renforcés par cette traduction en ligne de crédit. Cela nous permet de définir des paliers annuels intermédiaires à atteindre avant l’objectif de 100% à l’horizon 2030.

EDF Centrale Bugey crédit Brio Studio

ES : Quels sont les usages de mobilité concernés par le projet ?

PP : Avec une flotte de plus de 45 000 véhicules, on retrouve tous les cas d’usage. Avec des points d’attention particuliers quand il s’agit de véhicule d’astreinte ou de tournée etc. Pour chaque cas d’usage répertorié, nous apportons des solutions appropriées. Cela passe par exemple par la mise en place d’infrastructures de recharge, de pools d’Autopartage ou encore par des tests de système de recharge en fast voire ultra fast charging.

En ce moment, le cas d’usage sur lequel nous travaillons plus particulièrement concerne l’employé qui revient à son domicile avec son véhicule professionnel et qui a besoin de le recharger pendant la nuit. Cela concerne entre 5 000 et 10 000 véhicules. On a maintenant une solution opérationnelle pour la maison individuelle et des POCs en habitat collectif, qui présente plus de contraintes.

ES : Quelle organisation avez-vous mis en place pour gérer de front les différents sujets afférents à une démarche d’une telle ampleur, en transverse du groupe EDF ?

PP : Nous avons mis en place 3 niveaux de pilotage. Il y a tout d’abord un groupe de travail opérationnel composé de 15 entités du groupe EDF. Chaque membre du groupe de travail est ensuite chargé de décliner le projet au sein de son entité en fonction de son contexte.

Courant 2019, chaque entité a formalisé un premier plan de déploiement en se basant sur les principes de déclinaison que nous avons définis. Ce plan définit la trajectoire suivie par l’entité et détaille le nombre de véhicules légers qui passent en électrique année après année jusqu’en 2030. Ces plans de déploiement sont alignés dans le but d’atteindre les paliers intermédiaires que nous avons choisis et l’objectif de 100% d’électrification en 2030. Le premier plan de déploiement global a été validé fin 2019 en comité exécutif du groupe pour souligner l’importance de ce projet, avec un point de revoyure fixé chaque année.

ES : Quels sont vos objectifs d’un point de vue financier ?

PP : Notre objectif est que le TCO (Total Cost of Ownership) de notre flotte électrifiée soit inférieur au TCO d’une flotte thermique sur toute la durée du projet, c’est-à-dire au cumul de la période 2019 à 2030. Des efforts sont encore à faire pour atteindre l’objectif :  nous y sommes particulièrement vigilants.

L’une de nos premières actions a été de mettre en place une stratégie de massification des achats à l’échelle du groupe. Les négociations avec les constructeurs automobiles sont donc menées par la direction des achats groupe, ce qui nous permet de diminuer nos coûts.

ES : Quelles sont les différentes configurations de véhicules et d’infrastructures qui sont déployées dans le cadre de ce projet ?

PP : A partir des différents cas d’usage des véhicules légers au sein du groupe, nous avons défini des segments d’emploi de véhicules. Nous avons aujourd’hui identifié 31 segments d’emploi. Pour chacun de ces segments, lorsque le marché de l’offre le permet, nous avons sélectionné des véhicules compatibles avec nos besoins. En fonction des évolutions du marché, nous mettons à jour ce catalogue de véhicules pour proposer aux entités du groupe les véhicules les plus adaptés.

Par exemple en 2022, la longue distance va faire son entrée avec de nouveaux segments d’emploi. Nous allons demander dans nos appels d’offre des véhicules 100% électriques capables de faire 1000 km en roulant à 130km/h sur l’autoroute, avec un maximum de 3 recharges intermédiaires de 30 min .

En termes d’infrastructures de recharge, nous avons 5 types différents de bornes. Les modèles les plus répandus sont les bornes AC en 7 kW et 22 kW qui sont en smart charging. Nous avons aussi des bornes DC en V2G (vehicule-to-grid) de 11 kW qui sont en phase de test. A cela s’ajoutent des bornes DC en 50 kW et 150 kW qui seront accessibles au public, elles aussi en phase de test.

ES : Comment procédez-vous pour accompagner le changement lié à l’arrivée des véhicules électriques dans vos flottes ?

PP : Nous avons mis en œuvre 3 types d’action. La première consiste à sensibiliser les salariés du groupe à la mobilité électrique. Un salarié qui possède à titre personnel un véhicule électrique sera en effet bien plus enclin à passer à l’électrique sur son véhicule professionnel. Les offres négociées avec les constructeurs qualifiés marchent très bien avec plus de 1 500 véhicules électriques achetés par des salariés du groupe.

La seconde s’articule autour du besoin de convaincre le management et les salariés du groupe que le véhicule électrique est capable de répondre à leurs besoins. Ce qui est le plus efficace ici, c’est l’essai.
Enfin, Nous avons aussi développé un outil en ligne, « les essentiels de la mobilité électrique », qui permet de répondre aux questions que les collaborateurs peuvent se poser.

ES : Comment le véhicule électrique a-t-il impacté les usages des collaborateurs ?

PP : Avant le démarrage du projet EV100, nous avions déjà commencé à utiliser des véhicules électriques. A l’époque, il y avait encore la nécessité d’adapter nos usages en fonction des véhicules. Aujourd’hui, avec l’arrivée des dernières générations de véhicules électriques, ce n’est plus le cas. On arrive maintenant dans la majorité des cas à ne plus avoir la contrainte du véhicule lors de l’organisation des tournées. C’était évidemment un de nos objectifs car le véhicule électrique ne doit pas être un frein à l’optimisation des activités de nos collègues.

Du côté des gestionnaires de flotte, le changement peut être compliqué car cela implique un grand bouleversement pour eux. On ne gère pas une flotte électrique de la même façon qu’on gère une flotte thermique. Pour les assister, ils ont notamment à disposition un outil qui leur permet de voir quels véhicules il est avantageux d’électrifier en premier pour optimiser leurs coûts.

ES : Pour conclure, est-ce que cette initiative a un impact vis-à-vis des constructeurs automobiles et du marché du véhicule électrique ?

PP : Aujourd’hui, on peut dire que le groupe EDF agit véritablement en partenariat avec les constructeurs automobiles. Nous travaillons avec eux pour partager nos besoins en matière de mobilité pour qu’ils puissent ensuite définir des solutions qui soient les plus adaptées à nos besoins. C’est une relation qui dépasse la simple discussion entre un client et son fournisseur.

Le groupe EDF a un poids assez considérable sur le marché du véhicule électrique. Au sein de l’initiative EV100 qui regroupe plus d’une centaine d’entreprises signataires à travers le monde, nous sommes en 2020 le premier acheteur mondial de véhicules électriques avec près de 1 000 véhicules achetés. Notre engagement pour 2021 est d’à minima 1890 VE.

 

 

Voir aussi : INFRASTRUCTURE DE RECHARGE DE VÉHICULES ÉLECTRIQUES : PREMIER BILAN SUR LA QUALITÉ DU RÉSEAU PUBLIC

 

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