Introduction à l’entretien
EQUANS est un nouveau nom des services multi-techniques. Lors de son détachement du Groupe ENGIE, la vocation de cette société de services a été d’accompagner ses clients dans leurs transitions, qu’elles soient énergétiques, industrielles ou numériques. La mobilité électrique étant perçue comme une « composante essentielle de la transition énergétique et de la ville durable », nous sommes allés à la rencontre de Bogdan Calinescu, Directeur du Développement des IRVE, pour mieux comprendre un nouveau marché – les camions électriques – à travers de son expérience, sa stratégie et ses projets récents.
Wavestone : Expliquez-nous depuis quand et pourquoi EQUANS s’intéresse à la mobilité électrique ?
Bogdan CALINESCU (B.C.) : EQUANS France, au travers de ses marques historiques comme, INEO ou AXIMA, a une expérience de plusieurs décennies dans les services de proximité. Le génie électrique est une des compétences fortes de nos agences, et de ce fait, elles ont naturellement étendu leurs prestations à l’installation des bornes de recharge. Les premiers projets conséquents ont été réalisés en 2017 alors que la demande commençait à émerger. La réduction des émissions de gaz à effet de serre et une préoccupation récurrente de nos clients et nous y retrouvons souvent deux leviers d’action : la meilleure gestion de l’énergie in-situ et la mobilité. Tout particulièrement l’électromobilité et une solution à portée de main pour diminuer l’empreinte carbone d’une flotte de véhicules – elle est alors partie intégrante de nos offres et de notre savoir-faire. Elle y trouve sa place parmi les autres solutions d’’efficacité énergétique ou de production locale d’énergies renouvelables.
WS : Quel intérêt porte EQUANS dans le marché de l’électrification des camions électriques ?
B.C. : Les camions électriques représentent un nouveau segment à décarboner et nous y apportons toute notre attention. Notre activité en IRVE – Infrastructures de Recharge pour Véhicules Electriques – est aujourd’hui très avancée dans le segment des véhicules légers. Mais les camions émettent tout autant de CO2 que les voitures alors ce segment est aussi sous notre loupe, pour y proposer des solutions. Les logisticiens s’y intéressent pour remplacer leur flotte diesel et jusqu’à tout récemment les solutions n’étaient pas nombreuses. Aujourd’hui, pour des tailles de camion entre 3,5 tonnes et 26 tonnes, il existe au moins un équivalent électrique et le choix commence à se préciser. En revanche, des camions à plus de 26 tonnes électriques ne semblent pas se démocratiser dans l’immédiat.
WS : Comment décrieriez-vous votre positionnement sur le marché des camions électriques ?
B.C. : Le déploiement de la mobilité électrique pour camions est très différent de celui pour véhicules légers car les puissances des bornes de recharge ne sont pas prédéfinies. Leur choix varie amplement entre 24kW et 300kW. L’étude de l’infrastructure de recharge au dépôt se fait en même temps que le choix du camion lui-même. Ainsi, EQUANS propose des services de conception, installation et maintenance. En amont, nos équipes conseillent sur le choix des bornes de recharge, mais aussi sur le dimensionnement de puissance de toute l’installation. Cela nécessite une étude de l’usage précis des véhicules et de leurs tournées, pour en déduire les durées de recharge possibles. Nous en déduisons la taille des bornes et leur prix, en permettant au client de viser au plus juste sur le coût de son infrastructure de recharge. La solution d’EQUANS est clés en mains. Par la suite du déploiement, les logisticiens suivent sur un portail dédié les dépenses en énergie de leurs véhicules et l’usage de leurs stations.
WS : Quelles sont les caractéristiques d’un camion électrique ainsi que des bornes qui peuvent les alimenter ?
B.C. : Chaque camion a une autonomie spécifique, en fonction de son poids, de ses trajets, de sa marchandise et de sa batterie. Les camions de 26 tonnes notamment peuvent être configurés avec 3, 4 ou 5 packs de batteries, en ayant une moyenne de 100kWh chacun. Cela permet d’offrir des autonomies maximales théoriques avoisinant les 300km. C’est à chacun de mesurer ses contraintes opérationnelles pour en déduire la compatibilité.
Ensuite, un autre élément important à considérer est le temps de chargement du camion car cela conditionne le choix entre des bornes accélérées ou rapides. Les bornes de haute puissance, à plus de 150kW, ont l’avantage de pouvoir charger un camion en moins de deux heures ce qui est très peu en considérant la taille de ces grandes batteries, mais parfois pas assez en rapport avec les contraintes opérationnelles. Le désavantage de ces bornes rapides est le coût et, bien souvent, l’indisponibilité de la puissance nécessaire sur site. Le but étant de trouver la puissance minimale qui qui corresponde à des temps de chargement compatibles avec les tournées des véhicules. Ces camions peuvent très bien se charger à des puissances bien moindres, comme à 50kW ou même à 24kW en utilisant des chargeurs mobiles. Cela peut convenir à des camions qui restent garés la nuit et qui ne parcourent pas des longues distances en journée.
WS : Comment se situe le TCO (Total Cost of Ownership) des camions électriques en rapport avec leurs équivalents diesel ?
B.C. : Le coût de l’électricité et celui des carburants fossiles ont beaucoup fluctué ces derniers mois et c’est alors difficile de répondre précisément. Le contexte mondial fait qu’ils pourront continuer leur fluctuation imprévisible pendant des mois encore et le coût de l’énergie est primordial pour un calcul précis de TCO.
Néanmoins, en considérant le segment des petites utilitaires de distribution urbaine, les 3,5 tonnes, leur TCO du modèle tout-électrique est comparable à celui du diesel. Pour ce segment en particulier, le prix des véhicules reste abordable car il n’y a pas besoin de grandes batteries embarquées. A priori, la distribution urbaine, roule des distances faibles, moins de 100km par jour, et reste au dépôt des temps longs jusqu’au lendemain pour la nouvelle tournée. Cela permet une recharge lente des véhicules et le coût de l’infrastructure de chargement est alors la plus faible. Ces conditionnes contribuent à un TCO très convenable.
Au niveau des véhicules électriques lourds, le désavantage est le coût élevé du véhicule. A titre d’exemple, un camion électrique de plus de 16 tonnes, coûte de 3 à 5 fois plus cher que son équivalent diesel. Ceux qui en font l’acquisition souhaitent alors maximiser le temps en utilisation. Un bus électrique qui roule toute la journée atteint un TCO compétitif plus rapidement qu’un poids lourd électrique qui roule que le matin. Malgré ces aspects, il est important de noter que la motivation principale de ceux qui achètent des camions électriques ne vient pas du TCO, mais de la nécessité de ‘rouler plus propre’, choix parfois imposé par ses propres clients.
WS : Quelle position à la France par rapport aux autres pays ?
B.C. : Dans les pays nordiques et au Pays-Bas notamment les camions électriques sont beaucoup plus nombreux sur la route. Les logisticiens viennent avec des cahiers de charges très précis, preuve d’une dynamique de marché plus mature. Mais les pays comme l’Italie, l’Allemagne et la France s’y intéressent de près pour s’y développer. En France, les pouvoirs publics subventionnent l’adoption des poids lourds électriques et malgré cela, l’adoption de ces véhicules reste timide avec moins de 30 camions électriques immatriculés l’an passé.
WS : Quel parcours utilisateurs ou expérience client avez-vous mis en place ?
B.C. : Nous souhaitons entretenir notre positionnement de fournisseur de solutions ‘clés en main’. Cela implique nécessairement une personnalisation en fonction de l’usage et de l’objectif à atteindre. Nous accompagnons nos clients à qualifier leurs besoins avec :
- Une analyse des tournées des camions et des habitudes des chauffeurs
- Une étude de l’infrastructure électrique existante au dépôt
- Un conseil sur les temps de chargement avec divers scenarii d’usage
- La conception adéquate de l’infrastructure électrique ainsi que des conseils sur le choix des bornes
- Des demandes de subvention auprès du client pour l’ensemble du projet
- Un déploiement et une maintenance efficace
WS : Quels sont les leviers à activer pour dynamiser le marché des poids lourds électriques ?
B.C. : Dynamiser l’électromobilité n’est pas un but en soi. Je ne milite pas pour une stimulation singulière du marché des poids lourds électriques seulement. L’objectif est d’offrir le choix entre plusieurs modes de propulsion – l’électrique n’étant qu’un cas particulier. Le but est de donner des alternatives au diesel, afin de rouler de plus en plus propre à chaque renouvellement de camion. Cela est dépendant aussi du type de poids lourd. Typiquement, l’équation des semi-remorques électriques – camions de longue distance de 40 tonnes – est très compliquée en utilisant des batteries. Il se peut que ce soit l’hydrogène qui puisse offrir la clé de l’autonomie sur ce segment de véhicule ou encore des caténaires le long des autoroutes pour mettre des pantographes sur les cabines des camions. Chez EQUANS nous avons une filière transport dédiée à ces aspects.
Le bioGaz est également une autre alternative au diesel mais ses volumes sont faibles et la vitesse de développement de la méthanisation est souvent questionnée.
L’électrique à des fortes chances de se démocratiser, dans notre pays tout particulièrement, alors que l’électricité produite est en majorité décarbonée à l’aide du nucléaire. Il faut alors maintenir les subventions publiques, tout en restant vigilants à ne pas inonder l’offre trop longtemps, car cela peut s’avérer contre-productif. Il y a également la nécessité de soutenir la recherche et le développement, et notamment pour trouver des solutions pour recharger plus vite. Le projet ‘Mega Watt Charging’ est une bonne illustration et doit être encouragée. Si ce système abouti, il pourra recharger un camion entier en 30 minutes.