Le passage à l’échelle de la filière hydrogène, sujet phare du Congrès Horizons Hydrogène 2022

Lors de la première édition du Congrès Horizons en novembre dernier, la France sortait tout juste de la pandémie et nous évoquions déjà les nombreuses opportunités d’évolutions du marché de l’hydrogène décarboné. L’année 2022 a confirmé ces hypothèses : la crise énergétique européenne, l’attention autour des enjeux de transition énergétique et de décarbonation, ou encore le contexte socio-économique, ont donné un coup d’accélérateur au développement de la filière hydrogène sur l’ensemble de la chaîne de valeur (production, transport et stockages, usages industriels ou applications finales autour de la mobilité). Le dynamisme des acteurs de la filière se traduit par une multiplication des projets hydrogène au fil des annonces de financement des gouvernements.

Le passage à l’échelle de la filière hydrogène est bien en cours, mais plusieurs questions demeurent : à quelle vitesse se fera l’industrialisation de la filière ? Pour quels usages en priorité ? Et comment la France s’inscrira-t-elle dans cette dynamique mondiale ?

2022 : une course à l’hydrogène à l’échelle mondiale

La filière de l’hydrogène décarboné continue son ascension en 2022

Les gouvernements ont multiplié les annonces de déploiement de stratégies hydrogène et de plans de financements. Le marché hydrogène tel qu’on le connait aujourd’hui, avec une hégémonie de la Chine et des Etats-Unis sur la production d’hydrogène, est amené à se transformer avec la croissance de l’hydrogène décarboné. Il s’agit de remplacer la production actuelle d’hydrogène carbonée dont l’empreinte carbone est très élevée (15 kgCO2e / kgH2 en moyenne) et de répondre à l’augmentation de la demande tirée, d’un côté, par la croissance des usages traditionnels industriels, et de l’autre, par les nouveaux usages, en particulier autour de la mobilité.

L’Union Européenne ne cache pas ses ambitions de bousculer cet équilibre établi et le contexte est particulièrement favorable au développement d’une filière hydrogène décarboné en Europe. Le plan REPowerEU porté par la Commission européenne à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie traduit ces enjeux : améliorer la résilience du système énergétique de l’Union Européenne, en la rendant indépendante des combustibles fossiles russes et en accélérant la transition écologique.

Son objectif de production domestique de 10Mt mais aussi de 10Mt importées d’ici 2030 va de pair avec le déploiement de plans de financement conséquents. L’Union Européenne a ainsi présenté en juillet et septembre 2022 deux des quatre vagues de financements de « projets importants d’intérêt européen commun » pour l’hydrogène : PIIEC Hy2Tech et PIIEC Hy2Use. Ces aides réunissent 10 milliards d’euros de financements publics dans 15 états membres pour 76 projets qui se répartissent sur l’ensemble de la chaine de valeur : technologies de production, projets de stockage ou de transport d’hydrogène, applications sur les différents usages de mobilité ou dans l’industrie. Les mécanismes de soutien envoient ainsi un signal positif aux investisseurs et acteurs de la filière.

La France confirme ses ambitions d’être un leader européen de l’hydrogène

En 2020 déjà, le gouvernement français ne cachait pas ses ambitions en matière d’hydrogène dans sa Stratégie nationale : « Faire de la France de demain le champion de l’hydrogène décarboné». La France s’est donc donné les moyens avec un plan de financement de 7 milliards d’euros d’ici 2030 avec 3,4 milliards d’euros d’ici 2023. Ce plan cible en priorité la recherche et l’innovation ainsi que la décarbonation de l’industrie et de la mobilité lourde. Il permettrait de générer entre 50 000 et 150 000 emplois d’ici 2030. S’ajoute à cela, dans le cadre du plan France 2030, 2 milliards d’euros d’ici 2030 pour soutenir le développement de la filière, en particulier via les gigafactories d’électrolyseurs qui permettraient d’atteindre l’objectif de production d’hydrogène vert de 6,5GW d’ici 2030.

Cette année encore, la France a confirmé ses positions avec le Projet de loi d’accélération des énergies renouvelables en septembre qui comporte de nouvelles mesures favorables au développement d’une filière française de l’hydrogène renouvelable. A l’échelle mondiale, les entreprises françaises de la filière hydrogène sont particulièrement bien implantées avec des acteurs comme TotalEnergie, Air liquide, Engie, Alstom, McPhy, EDF / Hynamics, Symbio, Plastic Omnium ou Genvia dont des projets ont été sélectionnés dans les plans d’aide de l’Union Européenne.

Plus qu’une dynamique impulsée uniquement par la stratégie nationale, les territoires sont de véritables moteurs de la filière hydrogène française avec une concentration d’acteurs publics et privés qui capitalisent sur les forces et infrastructures locales pour développer de nouveaux projets. Les projets visés par les plans de financement de 2022 renforcent les pôles de compétitivité hydrogène présents sur l’ensemble du territoire français. L’Île-de-France, l’Auvergne-Rhône-Alpes et la Provence-Alpes-Côte d’Azur se démarquent par la présence nombreux écosystèmes innovants sur leurs territoires respectifs.

On constate donc cette année encore une forte dynamique de développement de la filière hydrogène décarbonée. Pour autant, il est précoce de parler d’un stade d’industrialisation de la filière, rares sont les projets ayant passé l’étape de démonstrateur comme en témoigne par la très faible proportion d’hydrogène décarboné dans la production globale (moins de 1Mt en 2021 soit 0.7% de la production globale selon les derniers chiffres de l’IEA).

 

La filière hydrogène fait face à de nombreux défis qui, sans remettre en question son passage à l’échelle, le ralentissent

Le Congrès Horizons Hydrogène se tiendra du 15 au 16 novembre et rassemblera des experts, des industriels et d’autres acteurs de la filière hydrogène française et européenne. Au fil des conférences, ils auront l’occasion de présenter et de débattre sur les principaux challenges de la filière. Pour en citer quelques-uns :

La crise énergétique européenne et les tensions sur le parc de production électrique français dues à différents facteurs (guerre en Ukraine, maintenance des réacteurs nucléaires français, évolution de la demande), apportent des incertitudes sur la croissance de la production d’hydrogène. La disponibilité de l’électricité sera-t-elle un frein ou au contraire l’indépendance énergétique promise un facteur d’accélération ?

La définition d’un cadre réglementaire intégrant les nouveaux modes de production, de transport, et les différents usages est nécessaire pour encourager l’accélération du développement de la filière. Les débats sont nombreux : classification des types d’hydrogène et uniformisation des terminologies, statut de l’hydrogène bas carbone, mécanismes réglementaires de soutien au déploiement des projets et infrastructures…

La compétitivité de la production d’hydrogène renouvelable est étroitement corrélée au développement des infrastructures de production d’énergies renouvelables ainsi qu’à la maturité des technologies de production. Le coût de production de l’hydrogène décarboné est ainsi un enjeu clé du passage à l’échelle de la filière.

Les perspectives de massification de la production d’hydrogène posent la question du développement du réseau de transport de l’hydrogène entre les différents bassins industriels afin d’assurer l’efficacité de l’approvisionnement.

Dans un contexte de tensions et hausse des contraintes sur le réseau électrique, le stockage de l’hydrogène apparait comme un levier de flexibilité (voir notre article sur le Stockage souterrain de l’hydrogène) et une opportunité de stockage de l’énergie (power-to-gaz). Néanmoins, pour chacune des options de stockage (géologique ou dans des réservoirs), il existe plusieurs obstacles comme la maturité des technologies, le cout ou encore la disponibilité géographique.

La massification de la production d’hydrogène ne peut se faire sans un développement rapide des usages industriels ou des applications finales autour de la mobilité. Mais les entreprises font face à des questions d’acceptabilité sociale, de maturité technologique, de contraintes législatives ou encore de performance économique.

Il est donc clair que l’hydrogène s’est installé dans les politiques de transition énergétique à l’échelle nationale comme européenne. L’enjeu n’est plus de prouver son potentiel mais bel et bien de prioriser les usages pour lesquels l’hydrogène est rentable et industrialisable à court terme, là où d’autres énergies/vecteurs énergétiques ne sont pas pertinents.

Les projets engagés depuis plusieurs années, les solutions technologiques de plus en plus matures ou encore la mobilisation des écosystèmes territoriaux témoignent de la volonté de la France, dans une logique de coopération européenne, de faire de l’hydrogène un élément clé du mix énergétique de demain.

La nouvelle édition du Congrès Horizons Hydrogène permettra une nouvelle fois d’analyser ces enjeux et d’apporter des éléments de réponse concrets à travers la parole des experts de la filière

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