Stockage souterrain de l’hydrogène : une synergie pour les énergies intermittentes

Dans cet article, il sera d’abord question de présenter brièvement l’hydrogène et d’expliquer en quoi il peut aider à apporter de la flexibilité sur les réseaux électriques. Mais le point clé de la publication se trouve dans l’intérêt apporté par le stockage souterrain de l’hydrogène, et comment cette méthode s’inscrit particulièrement bien dans le projet européen de développement de la filière hydrogène.

Présentation hydrogène

Est-ce encore nécessaire de présenter l’hydrogène en 2021, tant l’engouement pour ce vecteur énergétique est fort depuis quelques années ? Néanmoins, quelques éléments de contexte sont bons à rappeler. L’hydrogène est un vecteur énergétique pouvant restituer son énergie par combustion ou par l’utilisation d’une pile à combustible. Avantage important, il est rappelé par Tarkowski et al. que « l’hydrogène est doté d’une densité énergétique bien supérieure à celle des combustibles fossiles type gaz, pétrole ou charbon ».

Bien que sa production soit actuellement très carbonée, de nombreux pays y portent un intérêt et mobilisent des investissements importants pour soutenir cette technologie et sa décarbonation. Les pays européens font figure de bons élèves avec des engagements forts pour développer les filières de production bas carbone de l’hydrogène et en diversifier les usages (mobilité, chauffage, production électrique…). La France a dévoilé l’an dernier un plan d’investissements de plus de 7Mds d’€ qui vise notamment à décarboner la production. Avec la présentation du plan France 2030 en Octobre, le président a insisté sur la volonté de devenir leader dans la production d’hydrogène vert. Il a notamment promis la création de deux gigafactories d’électrolyseurs à horizon 2030.

L'hydrogène en chiffres clés
Figure 1 : Schéma Wavestone

L’engouement pour ce vecteur énergétique est d’autant plus justifié qu’il pourrait apporter de la flexibilité aux réseaux électriques. En effet, ces derniers doivent composer avec de plus en plus d’énergies renouvelables (ENR) intermittentes. L’intégration grandissante de ces énergies commence à avoir des effets non-négligeables, comme la perte d’électricité et la difficulté d’équilibrer offre et demande en temps réel. Voyons un exemple concret avec l’Allemagne.

 

L’exemple du modèle allemand

En 2016, le pays comptait 90 GW de capacité renouvelable, soit environ 45% de sa capacité totale pour la production électrique. Avec ce pourcentage de pénétration élevé des renouvelables, « l’Allemagne affichait un taux de perte égal à 4.36% de la production électrique éolienne » d’après Joos et al. Cela est principalement dû à l’incapacité des opérateurs de transmissions d’accommoder une trop grande puissance renouvelable sur le réseau. Ces 4.36% correspondent à 3.53 TWh d’énergie « gratuite » perdue, et ont coûté 860 millions d’euros. Ces coûts viennent de la nécessité d’utiliser des sources pilotables en remplacement (gaz, charbon) et de la compensation des opérateurs éoliens voulue par loi allemande. Ils sont répartis entre le TSO allemand, le gouvernement et les producteurs d’énergie pilotable.

L'Allemagne face à la montée de la capacité des énergies renouvelables intermittentes
Figure 2 : Schéma Wavestone

L’hydrogène : une possible solution

Avec les capacités renouvelables intermittentes vouées à croitre, ce genre de phénomène risque d’être de plus en plus fréquent. En effet, à la fin de l’année 2020 l’Allemagne possédait une capacité d’ENR intermittentes égale à 116 GW, ce qui représente une augmentation de presque 18% en 4 ans. A cela s’ajoute la possibilité que la demande soit tout simplement trop faible comparée à la production. Dans un rapport paru en 2014, il est avancé que « le surplus d’électricité en Allemagne dû aux ENR pourrait atteindre jusqu’à 15TWh d’ici 2025 ». Pour pallier ces difficultés, des stockages classiques comme les batteries et le pompage hydraulique se développent. Bien que les batteries soient intéressantes pour certaines applications, le stockage de grosses quantités d’énergie n’en est pas une. En ce qui concerne le pompage hydraulique, sa capacité est peu extensible car elle est dépendante d’une situation géographique bien précise (montagne). Une alternative serait l’utilisation de cette électricité potentiellement perdue pour fabriquer de l’hydrogène, qui serait ensuite stocké pour l’utiliser au moment voulu.

Suite à cet essor annoncé de la production d’hydrogène, il devient nécessaire de se pencher sur les possibilités de stockage de ce vecteur énergétique. Du fait de sa faible masse volumique, l’hydrogène est généralement comprimé à 700 bars pour être stocké en citerne sous forme gazeuse. C’est bien plus que les 15 bars du gaz naturel. Pour disposer d’hydrogène sous forme liquide il est nécessaire de le refroidir à -253°C. Tarkowski et al insistent sur le fait que « toutes ces contraintes font que le stockage de ce composé est complexe et très gourmand en ressources, d’où l’intérêt de se tourner vers le souterrain ».

 

Stockage de gaz souterrain : méthodologie et attraits

Stocker du gaz sous terre n’est pas quelque chose de nouveau. Cela fait des dizaines d’années que des réserves stratégiques de gaz naturel souterraines existent, quand les conditions géologiques le permettent. Les nombreux avantages sont présentés ci-dessous. 

Les avantages du stockage de gaz souterrain
Figure 3 : Schéma Wavestone

Le stockage souterrain de l’hydrogène peut être réalisé dans différentes structures géologiques. « Deux sont particulièrement pertinentes pour l’hydrogène » indique Tarkowski. Nous retrouvons tout d’abord les gisements gaziers abandonnés. Ces sites constituent un piège géologique parfait pour la conservation souterraine de gaz. Il existe également des cavernes salifères dont le principal atout est d’être parfaitement inertes vis-à-vis de l’hydrogène, assurant son stockage sans risque de dégradation.

Les deux principales formes de stockage de gaz
Figure 4 : Schéma Wavestone, image DanaEnergy

L’hydrogène : le nouveau colocataire du gaz naturel

En 2021, 177 sites de stockage de gaz souterrains sont répertoriés en Europe, dont 19 en France qui sont principalement situés en Ile-de-France. La capacité de stockage de gaz naturel avancée par Storengy, principal acteur de la filière, est de 132 TWh. Cela représente environ un quart de la consommation annuelle d’électricité française. L’utilisation de ces sites pour stocker de l’hydrogène en place du gaz naturel pourrait permettre d’avancer dans la décarbonation. En effet, l’utilisation d’hydrogène n’induit pas d’émission de CO2, ce qui représente un levier majeur dans le remplacement du gaz par de l’hydrogène.

De plus, l’hydrogène sujet au stockage aura été fabriqué via de l’électricité générée par des ENR situées en France. Cela permet une forme d’indépendance énergétique vis-à-vis du gaz majoritairement importé de Russie et de Norvège. L’organisme Gas Infrastructure Europe estime à 31.9 TWh la part des 132 TWh de stockage actuelle qui pourrait être reconvertie vers l’hydrogène, sans compter d’éventuels nouveaux sites.

Le stockage souterrain d’hydrogène : un maillon indispensable dans le projet européen

Enfin, il est intéressant de noter qu’un réseau de pipelines dédié au transport d’hydrogène est en projet dans toute l’Europe (European Hydrogen Backbone). En convertissant les pipelines gaziers ou en construisant de nouvelles lignes, un réseau dédié de 39 700km est prévu d’ici 2040. En France, les principaux sites situés près de Marseille, Lyon, Paris et Toulouse devraient donc être connectés d’ici cette date. Ce plan ambitieux de transport d’hydrogène justifie encore un peu plus la nécessité d’investir dans le stockage d’hydrogène en France et partout en Europe. D’autant plus que le coût du stockage (construction des cavernes) « est minime dans le coût final de l’hydrogène puisqu’il est estimé à moins 10% » assure Alain Le Duigou et son équipe.

Dorsale européenne de l'hydrogène en France en 2040
Figure 5 : Schéma Wavestone, carte European Hydrogen Backbone

Néanmoins, le stockage d’hydrogène souterrain sera bien différent de celui du gaz. Les modes d’approvisionnement seront beaucoup plus décentralisés et variables car provenant d’énergies renouvelables intermittentes dispatchées sur les territoires. Cela diffère avec l’approvisionnement en gaz qui est bien plus localisé et stable. La variabilité de la production d’hydrogène pourra même être saisonnière dans certains pays étant donné que les conditions climatiques peuvent varier en fonction des saisons. Ces conditions nouvelles seront autant de défis à relever du côté du stockage.

Finalement, la chaîne de valeur de l’hydrogène commence à être traitée à tous les niveaux. La production d’hydrogène bas carbone va décoller en France dans les années à venir. La consommation va se poursuivre dans les industries lourdes, et se développer dans le secteur de la mobilité. Le maillon stockage et transport, déjà soutenu par la dorsale européenne, s’annonce donc clé pour lier efficacement la production à la consommation.

 

Ce qu’il faut retenir :

Une volonté d’investissement très forte dans la filière hydrogène renouvelable en France, assurant de grandes capacités de production futures

L’hydrogène est une possible solution pour répondre aux besoins grandissants de flexibilité sur les réseaux électriques

Le stockage souterrain est une méthode déjà éprouvée pour le gaz naturel, et pour l’hydrogène il présente de nombreux avantages (économiques, d’espace…) face au stockage aérien

Le stockage souterrain d’hydrogène s’inscrit comme un maillon indispensable dans le plan de développement européen lancé pour ce gaz.

Figure 6 : Schéma Wavestone

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