Transition énergétique : le jeu d’équilibriste de RTE pour adapter le réseau de transport d’électricité

« C’est un peu comme un athlète de très haut niveau qui pratiquait il y a quelques années le triathlon – nucléaire, hydraulique, thermique – et qui maintenant pratique le décathlon : il y a beaucoup d’énergies nouvelles, de modes de consommation nouveaux ».

Tel est l’exemple donné par François Brottes, président de RTE, pour illustrer la nécessité d’adapter le réseau à l’ère de la transition énergétique et il n’a pas tort.

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), annoncée par le gouvernement en 2018 a dévoilé les bases du mix énergétique Français du futur : elle donne une voie distincte et globale permettant à la France de procéder à la fermeture des quatre dernières centrales à charbon d’ici 2022 et d’atteindre son objectif de neutralité Carbone d’ici 2050.

L’évolution du réseau public de transport d’électricité étant étroitement liée à la réussite de la diversification du mix électrique, le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité (RTE) a prévu, à travers son schéma décennal du développement du réseau 2019 (SDDR), une augmentation de 50% de ses investissements d’ici à 2035, soit l’équivalent de 33 milliards d’euros. Cette hausse fulgurante a pour objectif d’adapter le réseau à la transition énergétique mais aussi de satisfaire le besoin crucial de renouveler les infrastructures vieillissantes.

Une adaptation nécessaire du réseau face au contexte environnemental et au vieillissement des infrastructures

La nécessité d’adapter le réseau dans les années à venir puise ses raisons dans le contexte environnemental actuel. En effet, constituant une des conditions de réussite de la transition énergétique, le réseau électrique n’a pas énormément évolué durant les trente dernières années mais a seulement été adapté en continu. Si le réseau est bien dimensionné pour le mix électrique actuel, l’augmentation prévue des énergies renouvelables (EnR) pourrait conduire à des surcharges sur certaines lignes dans le futur. Ainsi, dès la seconde partie de la décennie 2020, l’adaptation du réseau devra se calquer la trajectoire de développement des énergies renouvelables afin de garantir le raccordement des nouvelles installations de production et poursuivre la lancée du pays vers la voie de la neutralité carbone.

Ainsi, le SDDR décrit une contribution du réseau aux raccordement des (EnR) permettant de réduire les émissions du CO2 à hauteur de 5 à 10 MtCO2, soit l’équivalent des émissions des centrales au charbon françaises aujourd’hui.

Au-delà de l’enjeu climatique, une autre raison émerge et illustre parfaitement la nécessité d’adaptation du réseau : l’âge des infrastructures. La majorité des lignes du réseau de transport d’électricité datent de l’après-guerre. Cet âge est expliqué par la politique de RTE qui a permis de limiter les réinvestissements systématiques et les constructions « à neuf » lorsqu’une ligne vieillissait, privilégiant ainsi les opérations d’entretien. Cependant, et afin de maintenir un bon approvisionnement en électricité, il s’avère aujourd’hui nécessaire de procéder à des opérations de renouvellement. D’ailleurs, dans son SDDR, RTE met l’accent sur la priorisation accordée aux « réseaux quotidiens » et y accorde, dans un scénario de référence, une enveloppe de 8 Mds€ sur 15 ans.

Une adaptation à penser avec et pour les citoyens

Le SDDR insiste sur le fait que l’évolution du réseau doit s’inscrire dans une logique sociétale et être pensée en concertation avec les riverains. En effet, s’il y’a une trentaine d’années, le réseau était bien perçu et reflétait une meilleure qualité de vie, il est aujourd’hui accompagné de beaucoup plus d’attentes de la part des citoyens. Ainsi les riverains se dirigent aujourd’hui communément vers une préférence pour les infrastructures souterraines justifiée par un enjeu de préservation des paysages. Malgré cette volonté, le surcoût engendré par la transformation des installations aériennes en installations souterraines questionne ce choix à l’échelle du territoire national.

Pour tenter d’apporter des réponses à ces questions, le SDDR énonce des principes généraux permettant de concilier la nécessité du souterrain et la réalité économique. Ainsi RTE souhaite construire en souterrain toutes les nouvelles lignes relevant des réseaux à haute tension si aucune impossibilité technique, environnementale ou économique n’est relevée. De plus si une ligne existante doit être renouvelée sur critère d’âge, sa mise en souterrain sera automatiquement étudiée

Conciliant politique de l’énergie et aménagement du territoire, ces principes, qui sont encore à ajuster, devraient permettre une légère réduction de l’empreinte visuelle du réseau de transport d’ici 2035.

Quelles stratégies possibles pour RTE ?

Pour définir une stratégie d’évolution de son réseau tout en limitant l’impact environnemental, RTE a choisi d’intégrer à son SDDR une évaluation environnementale stratégique (EES) conduite par un bureau indépendant et encadrée par le code de l’environnement.

Cette évaluation a permis de comparer deux stratégies à l’horizon 2035. La première stratégie, dite stratégie minimale, intègre les projets actuels et ceux décidés à moyen terme. Cependant, elle ne prend pas en compte certains leviers futurs comme la flexibilité ou les mutualisations. Elle sert surtout comme base de comparaison pour évaluer les conséquences de l’évolution du réseau résultant du SDDR. La deuxième stratégie, dite stratégie de référence, est la stratégie souhaitable pour RTE. Elle comprend les différentes solutions ayant un impact sur le coût, l’environnement et le service rendu, tout en intégrant des notions de flexibilité, de mutualisations et d’interconnexions à moyen et long terme :

Présentation des stratégies par volet industriel faisant l'objet d'une analyse environnementale

Force est de constater que les aspects sociétaux et environnementaux représentent donc un défi à relever pour RTE. Dans un environnement complexe, incertain et en évolution continue, l’adaptation des infrastructures du réseau ne peut se faire qu’en trouvant le juste milieu entre maitrise des coûts et impacts sociétaux et environnementaux modérés.

L’adaptation du réseau s’impose comme une nécessité pour les années à venir. Ces besoins supplémentaires d’investissement sont essentiels pour pouvoir moderniser les infrastructures du territoire et garantir une continuité des actions dans le sens de la transition énergétique et l’essor des énergies renouvelables. Cependant, des solutions alternatives existent et peuvent permettre de reporter voire éviter ces lourds investissements. Les flexibilités, entre autres, constituent une alternative aux infrastructures classiques, permettent de décongestionner le réseau et d’équilibrer l’offre et la demande, tout en évitant des investissements très coûteux et la dégradation du paysage.

Sources :

[1] Le SDDR 2019 et sa synthèse : https://www.rte-france.com/fr/article/evolution-du-reseau-electrique-francais-l-horizon-2035

[2] https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/les-investissements-vont-flamber-dans-le-reseau-electrique-francais-1132341

[3] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/gouvernement-publie-projet-programmation-pluriannuelle-lenergie-ppe-dans-integralite

[4] https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/le-reseau-electrique-francais-a-besoin-de-33-milliards-d-euros-d-investissement-sur-15-ans-1769105.html#xtor=AL-68

 

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